L’actualité des énergies renouvelables
« …. 19 novembre 2028 : L’avion électro-solaire en provenance de Nantes commence sa descente vers Glasgow. Les cellules photovoltaïques tapissant ses ailes fournissent un appoint d’énergie précieux aux turbopropulseurs au bio-kérosène. Je me rends en Ecosse dans le cadre du développement en Europe des générateurs hydroliens et de leurs opportunités d’exportation. Le trajet a permis de survoler quelques témoignages de la vitalité du continent dans le domaine de l’industrie électrogène à très faible émission de CO2 : D’abord l’une des bases de construction d’éoliennes à Saint Nazaire, puis le grand champ de production off-shore d’Ailes Marines, au nord de Saint Brieux ; Puis en longeant la côte ouest du cotentin, on passe devant Flamanville et son EPR tournant à plein régime ; Ensuite, le chantier de construction d’UP4 à la Hague et la ligne à haute tension évacuant l’énergie produite par les hydroliennes de Raz Blanchard ; Et les champs d’éoliennes anglaises de Bristol Channel dont la capacité dépasse maintenant 1000 MW malgré les réticences des riverains, puis ceux de la mer d’Irlande, encore plus grands, avec le ballet des nombreux navires de construction, maintenance ou réparation des machines construites au Danemark, en Allemagne ou en France ; Sans oublier Hinkley Point avec ses deux EPR en opération.
Pas de doute, des pays d’Europe ont su faire émerger une industrie solide de la production d’électricité sans CO2, une industrie dont les champions sont capables de concevoir, construire sur place et d’exporter dans le monde entier… »
7 heures le 19 novembre 2013 : Le radioréveil se déclenche : « … et nous sommes décidés à tenir l’engagement de fermeture de Fessenheim dans trois ans… ».
Ce n’était qu’un rêve !
UN PETIT TOUR DU MONDE DES ENR
La Chine ne sera pas taxée pour dumping par l’Union européenne pour ses exportations de panneaux solaires. Un compromis a été trouvé et annoncé le 2 août, entre les autorités chinoises et l’UE. Sous la pression notamment de l’Allemagne, les chinois ont acceptés un prix minimum de vente de 0,56 €/watt et volume maximal d’exportation de 7 GW/an. Les fabricants chinois sont libres d’accepter ou de refuser ces modalités. Dans ce dernier cas, ils devront s’acquitter des taxes initialement prévues. L’UE continue d’enquêter sur d’éventuelles subventions accordées à l’industrie chinoise. Celle-ci, lourdement endettée par une dégringolade des prix et une surcapacité, compte sur les aides publiques et le marché intérieur pour rebondir.
L’industrie de solaire est aussi en piteux état en Allemagne. La survie de cette industrie est un des enjeux du nouveau mandat de la chancelière. Au moment ou ces lignes sont écrites, les négociations pour la formation d’un gouvernement CDU-SPD sont en cours de finalisation. Les détails ne sont pas disponibles mais nulle doute que la tendance va être à la réduction des aides publiques, sauf peut-être pour le solaire. L’accord final aura des répercussions sur le secteur des ENR en termes économiques mais aussi en termes d’emploi. L’emploi fera aussi les frais des difficultés financières de Vestas (Danemark).
L’ex numéro un mondial de fabrication d’éoliennes accumule les pertes et voit son chiffre d’affaire baisser : la baisse des commandes de construction de nouvelles machines n’est pas compensée par la hausse des contrats de service. Economies et baisses d’effectifs sont prévues. Un partenariat avec Mitsubishi Heavy Industries a été signé, permettant au danois de solidifier sa situation financière, moyennant notamment la mise en commun du développement de sa nouvelle megaturbine de 8 MW .
Le Japon, qui importe toute son énergie fossile et ou le nucléaire redémarrera difficilement, donne un coup d’accélérateur au photovoltaïque. Avec 8GW installés aujourd’hui, le pays compte s’équiper de plusieurs GW par an grâce à un système d’aide bien connu en Europe : un prix de rachat garanti et une obligation de rachat de l’électricité par le réseau. Espérons que le Japon saura tirer les leçons des mésaventures de certains pays d’Europe et trouvera les limites du système.
En Espagne justement, le gouvernement a opéré en juillet une remise en cause drastique du soutien aux ENR. Les deux mesures phares sont une forte baisse des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque et éolienne et l’instauration d’une taxe sur les installations de production d’énergie chez les particuliers.
Le Royaume Uni de son côté continue à accroitre sa capacité d’éolien en mer : 3,5 GW dont les deux parcs les plus important du Monde : London Array à l’embouchure de la Tamise et Greater Gabbar sur la côte du Suffolk. Développé par l’allemand RWE et l’écossais SSE, ce champ a atteint le 6 août dernier la capacité de 500 MW, avec un objectif de doublement dans les cinq ans.
Champion de l’éolien terrestre, le Texas fait cavalier seul aux USA. Avec 12 GW installés, soit 13% de la capacité totale installée de production électrique, le Texas doit investir dans un réseau de lignes d’interconnexion. Fin 2013, c’est 5800 km de nouvelles lignes pour un coût de 6,8 Mds$ qui seront mises en service.
Autre connexion au réseau : la centrale solaire thermique Ivanpah en Californie dans le désert de Mojave d’une puissance à terme de 377MW. Dans ce même état, la centrale solaire de 250 MW à miroirs paraboliques et sel fondu de San Luis Obispo fournit du courant depuis fin octobre à l’électricien Pacific Gas & Energy.
Nos grands acteurs nationaux ne sont pas en reste : Ils sont actifs sur le continent américain : Dalkia a remporté un contrat de construction d’une centrale à biomasse de 40 MW électriques en Colombie Britannique (Canada). Si elle parait modeste, cette puissance en fera une des plus grosses installations à biomasse au monde. EDF EN a porté à 300 MW la capacité du parc de Lac-Alfred dans le cadre d’un contrat de fourniture à Hydro-Québec. Alstom dispose depuis août de deux usines de fabrication d’éléments d’éoliennes au Brésil et va fournir et maintenir les machines du parc du Rio Grande do Sud. A terme, c’est le marché de toute l’Amérique du sud qui est visé.
Le champion de la biomasse, c’est AREVA avec 2500 MW installés à ce jour. C’est en France que le groupe a connu un succès, pour une installation de cogénération à Commentry dans l’Allier. A l’international, le groupe a signé début novembre un accord de coopération avec l’électricien Kepco (Corée) pour des projets en commun dans les ENR, en priorité dans …la biomasse.
ENR ELECTRIQUES : L’ETAT FRANÇAIS A LA MANOEUVRE
Le semestre a été marqué par d’importantes échéances politiques et administratives.
En juillet, un rapport de la Cour des Comptes a pointé les surcoûts et les retards des programmes d’énergie renouvelable français. Les lecteurs de Nucléaire et Energie et les visiteurs du sitewww.uarga.org trouveront facilement l’illustration des conclusions de la Cour des Comptes.
Citons simplement deux faits symptomatiques de la période récente relevés par la Cour : Sur les subventions accordées via les tarifs de rachat de l’électricité : « En 2011, la filière solaire a capté 62% de la CSPE alors qu’elle ne représente que 2,7% des énergies électriques renouvelables » ; sur le décalage entre les ambitieux objectifs du Grenelle et la réalité : « Le supplément de production à réaliser…entre 2012 et 2020 représente six à sept fois ce qui a été réalisé entre 2005 et 2011 » . Le rapport exprime huit recommandations. Il peut être consulté sur http ://ccomptes.mig.oxyd.net/Actualites/A-la-une/La-politique-de-developpement-des-energies-renouvelables
Du 20 au 23 septembre, s’est tenue la deuxième conférence environnementale du processus de la transition énergétique. Concernant les ENR, les déclarations politiques faites à cette occasion sont restées générales. A noter les interrogations du Président à propos des tarifs de rachat garantis et une phrase du Premier Ministre mentionnant la mobilisation d’ « une partie des gains financiers perçus par le parc nucléaire » pour financer les ENR.
Le premier octobre, l’Etat a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour la réalisation de quatre fermes hydroliennes. La puissance publique injectera 120 millions d’Euros de subvention de construction et garantit un tarif de rachat de l’électricité de 163 €/MWh, comparable aux valeurs en discussion pour l’éolien en mer.
Le potentiel hydrolien français est estimé selon les sources entre 3 et 6 GW, essentiellement situé autour du Cotentin et de la Bretagne. DCNC, Alstom, EDF, Siemens sont notamment sur les rangs pour former des alliances et devront rendre leur copie en mars 2014. Différents prototypes de turbines posées sur le fond de la mer sont en cours de test en Bretagne et en Écosse. Cherbourg semble bien placé pour devenir le pôle industriel de l’hydrolien français.
Éolien en mer : un, deux et trois
Les débats publics relatifs aux quatre zones d’implantation définies lors du premier appel d’offres (voir tableau) sont clos. Il ne s’agissait pas de débattre sur le principe de l’implantation, les décisions ayant déjà été prises, mais sur les modalités.
Deux points de vue se sont opposés : celui favorable aux investissements générateurs d’activité économique et d’emploi pour les régions concernées, l’autre défavorable au vu de l’impact sur l’environnement, le tourisme ou la pêche. La presse ne signale que des réticences mais pas de blocages. Cela peut donner confiance aux futurs opérateurs qui ont jusqu’à fin décembre pour confirmer leur engagement.
Ceux-ci préparent l’implantation des sites industriels requis pour la construction et la maintenance des parcs. Les nacelles et les pales seront construites à Saint Nazaire pour Alstom et au Havre pour AREVA. Brest et Cherbourg sont présélectionnées par Alstom pour les mâts, Dunkerque par AREVA tandis que Saint-Quay-Portrieux sera la base de maintenance d’Ailes Marines, l’opérateur du site de Saint Brieux.
Les concurrents du deuxième appel d’offres ont remis leurs propositions le 29 novembre. Deux consortiums ont présentés des dossiers : EDF EN avec Alstom et l’allemand WDP. GDF Suez avec AREVA, Energies de Portugal et Neoen. AREVA va proposer des machines de 8 MW, surclassant les 6 MW des turbines Alstom. C’est une première mondiale.
La décision est attendue autour de mars 2014 soit un an de décalage par rapport au premier appel d’offres. Les premières mises en service sont attendues en 2021
Pour approcher l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement, il faudra rapidement lancer un troisième appel d’offres. Le ministère de l’Environnement et de l’Energie a lancé un processus de réflexion notamment pour redéfinir le cadre législatif et réglementaire des appels d’offres et pour identifier de nouvelles zones propices. La région de Boulogne sur Mer a déjà fait part par la bouche de certains de ses élus de son intérêt pour le projet d’implantation d’un parc de 500 MW par WDP sur la Côte d’Opale.
Guy LAMORLETTE – Article tiré de la revue « Nucléaire énergie » N° 62 décembre 2013