L’évolution du secteur énergétique

Tandis que le gaz de schistes révolutionne la donne énergétique mondiale, les conférences internationales sur les changements climatiques se succèdent et prônent le recours aux énergies non carbonées (énergies renouvelables et nucléaire).

L’Allemagne poursuit son désengagement total du nucléaire dans une transition bien peu écologique qui lui pose de sérieuses difficultés d’ordre technique, financière, écologique et industrielle. La France, quant à elle, …

… dispose d’une énergie peu chère, stable, élément majeur de la compétitivité de ses entreprises grâce au nucléaire (75% de la production d’électricité).

Un grand nombre de pays s’accordent à accroitre leur potentiel dans ce domaine que ce soit la Finlande, la Chine, l’Inde, la Turquie et tout récemment le Royaume-Uni pour ne citer que les pays qui ont choisi l‘EPR et le réacteur ATMEA de l’industrie nucléaire française.

Le Japon, malgré Fukushima, s’apprête, d’après des sources nippones, à redémarrer une demi-douzaine de réacteurs d’ici la fin de l’année 2013. Quatre électriciens ont déposé le 18 juillet dernier des demandes complémentaires d’évaluation de sureté auprès de la nouvelle Agence de Sureté Nucléaire nippone en vue du redémarrage de 12 réacteurs de type PWR (Pressurized Water Reactor).

L’Europe fait le constat de l’échec de sa politique énergétique dont les subventions aux énergies renouvelables faussent le marché. Elle se doit de réagir pour assurer la sécurité énergétique, l’un des axes de sa politique, si elle ne veut pas risquer le « black-out » en cas d’hiver très rigoureux.

La France, quant à elle, tente de trouver un consensus au travers d’un grand débat national, ouvert et citoyen, pour définir la transition énergétique qui doit, pour faire simple, la conduire à une sortie progressive des combustibles fossiles.

Par ailleurs, après six ans d’ouverture du marché de l’électricité, la France connait sa première « guerre des prix » entre énergéticiens.

La Transition Energétique

Le point de vue de Nucléaire & Energie de Mai 2013 présentait la situation, les défis à relever ainsi que les scénarios envisagés. Qu’en est-il en décembre 2013 ?

La situation actuelle peut se résumer par deux citations : « L’impossible consensus » propose les Echos, « Consensus sur l’intention, divergences sur les moyens » précise Le Monde du même jour le 19 juillet. Cela étant, les quinze « recommandations pour la transition énergétique » proposées jeudi 18 juillet 2013 ne peuvent pas se résumer aux questions qui fâchent – la réduction du poids du nucléaire, la part des énergies renouvelables, l’ampleur des économies d’énergie – pour lesquelles le Medef refuse la réduction de 75 à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité, considère l’investissement trop couteux d’atteindre, à minima, 30 à 40% d’énergie verte dans le mix en 2030 et, si la nécessité ne fait pas débat, est loin d’être d’accord sur les efforts à consentir pour réduire la consommation de 50% d’ici 2050.

Certains éléments fondamentaux de la transition énergétique font malgré tout consensus :

C’est le cas pour la nécessité de rénover les logements ou de modifier nos habitudes en matière de transport. Personne ne remet en cause le principe du facteur 4, visant à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2050. Rappelons, selon l’ADEME, que le secteur des transports est le principal émetteur de CO2 avec un tiers des émissions totales. Quant au bâtiment, secteur le plus consommateur d’énergie et producteur de près d’un quart des émissions nationales de CO2, constitue un immense gisement d’économies d’énergie, donc de réductions de gaz à effet de serre.

En Allemagne, la transition énergétique se révèle coûteuse, polluante avec des effets pervers.

Pourquoi avancer à marche forcée dans les énergies renouvelables alors qu’aujourd’hui les technologies proposées ont des rendements faibles (éolien : 17 à 22%, photovoltaïque : 15%, et solaire 30%) et bénéficient de subventions qui perturbent l’équilibre des marchés et contribuent à arrêter des unités de production plus efficaces et rentables comme les centrales à gaz. Un gâchis d’investissement !

Donnons du temps à nos chercheurs et à nos ingénieurs, l’innovation et l’industrialisation seront au rendez-vous pour ceux qui savent attendre. Le 23 septembre 2013, le CEA, l’institut Fraunhofer et la société Soitec, (émanation du CEA) présentaient le record mondial de 44,7% de rendement qu’ils ont obtenu avec une cellule photovoltaïque à 4 jonctions grâce à un système solaire à concentration (développé également par Areva).Ne commettons pas les mêmes erreurs que l’Allemagne !

Problème financier : 14 milliards d’euros de subventions en 2012. Mr Altmaier, ministre de l’Environnement précise que le coût cumulé du système va atteindre 1.000 milliards d’euros d’ici 2040. Le coût très élevé du KWh. induit une perte de compétitivité pour les industriels allemands.

Problème technique : l’électricité ne se stocke pas, elle est souvent produite au moment où l’on n’en a pas l’usage. Les KWh sont produits dans le nord de l’Allemagne alors que les besoins sont dans le sud. Le réseau de distribution ne permet pas le transfert à ce jour.

Problème écologique : l’électricité allemande est produite avec des combustibles fossiles (charbon et gaz). Le contenu en CO2 du KWh allemand est cinq fois plus élevé que celui produit en France. A l’exception des lobbyistes et des idéologues, la plupart des allemands, à commencer par Mme Merkel, y voient un fiasco plutôt qu’un exemple (…à suivre serait-on tenté d’ajouter), précise Rémy Prud’homme, professeur émérite à l’université Paris-XII.

Le gaz de schistes provoque une onde de choc mondiale

Le gaz de schistes provoque une onde de choc mondiale qui bouleverse les grands équilibres énergétiques. Alors que la production de pétrole et de gaz atteindra outre-Atlantique près de 25 millions de barils équivalent pétrole par jour fin 2013, celle de la Russie ne sera que de 22 millions et de 13 millions seulement pour l’Arabie saoudite.

Plusieurs unités de liquéfaction, destinées à exporter le gaz de schiste sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), sont en projet sur les côtes américaines. Le géant russe Gazprom souffre déjà de la nouvelle donne car, par ricochet, il subit la baisse de la consommation de gaz sur le vieux continent : chassé par le gaz bon marché aux Etats-Unis, le charbon américain est massivement importé en Europe et concurrence les centrales à gaz au grand dam des énergéticiens européens.

L’onde de choc frappe d’autres secteurs comme la Chimie où les américains bénéficient d’une compétitivité accrue par la baisse du prix du gaz. L’AIE (Agence Internationale de l’Energie) prévoit une production de pétrole américaine en croissance de 30% d’ici à 2018. Les flux commerciaux vont considérablement évoluer. Les pays de l’OPEP vont devoir trouver d’autres clients que les Etats-Unis et se tourner vers les pays d’Asie en forte demande.

La commission européenne a l’intention de renforcer la législation environnementale pour prévenir les risques de l’exploitation des gaz de schiste compte tenu du nombre de ses membres qui souhaitent les exploiter.

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Selon François Kalaydjian de l’Institut Français du Pétrole Energies Nouvelles (IFPEN), la fracturation au propane serait une alternative à la fracturation hydraulique. Au Canada, les sociétés Gasfrac et Pétrolia ont déjà utilisé cette technologie qui diffère par l’utilisation de propane recyclable à 100% au lieu de l’eau, qui n’utilise aucun biocide (produit chimique) avec aucune possibilité d’émission de gaz à effet de serre car les opérations de séparation sont confinées en surface. Cela entraine toutefois la mise en place d’un périmètre de sécurité autour des installations de surface due à l’inflammabilité du propane avec des risques limités.

A noter que la recommandation N°10, émise lors du d ébat sur la transition de réaliser une étude de l’impact socio-économique (emploi, tourisme, prix de l’énergie), environnementale et climatique de l’exploitation des gaz de schiste, incluant une analyse complète du cycle de vie.

EDF prône l’allongement de la durée de vie des centrales de 40 à 50 ans

La loi sur la transition énergétique dont le vote est prévu à la fin de l’année 2014, ne comportera pas d’article sur la fermeture de centrale nucléaire, une bonne nouvelle pour EDF souhaite un allongement de la durée de vie de ses centrales de quarante à cinquante ans, voire soixante ans, à l’instar des centrales en service aux Etats-Unis. EDF insiste sur sa « maîtrise industrielle » qui sous-tend ce choix.

Une opération de ce type a déjà été réalisée en 2003 pour porter la durée de vie de 30 à 40 ans. Rappelons que c’est à l’ASN – l’Autorité de sureté nucléaire- et à elle seule de décider au cas par cas de l’allongement de la durée de vie d’un réacteur. Le gain obtenu est aussi comptable par l’amortissement du coût du parc nucléaire sur 50 ans au lieu de 40. Ce qui permet à EDF d’améliorer ses résultats et d’augmenter les dividendes versés à l’Etat actionnaire (84,44%). Le coût estimé de ce « grand carénage » est de 55 milliards et recouvre les opérations de maintenance nécessaires pour la prolongation des centrales.

Energie 1EDF s’engage dans le renouveau du nucléaire au Royaume Uni

EDF s’engage dans la construction de deux EPR sur le site de Hinkley Point dans le Somerset pour un investissement de 16 milliards de livres soit 18,9 milliards d’euros. Après une longue attente due aux négociations serrées sur le prix du Mégawattheure, le gouvernement britannique a accepté un prix fixe de 92,50 livres qui lui sera garanti pendant 35 à 40 ans. Il implique que Hinkley Point C offrira des prix stables et prévisibles au travers du « Contract for Difference » (CfD). Si les prix de marché de l’électricité dépassent le prix d’exercice du CfD, les consommateurs n’auront pas à payer plus. Si les prix de marché se situent en-dessous du prix d’exercice du CfD, l’exploitant recevra un paiement complémentaire.

Point important, EDF ne sera pas seul à porter l’investissement : Areva et deux partenaires chinois, China General Nuclear Corporation (CGN) et China National Nuclear Corporation (CNNC) font partie du tour de table.

Mais amorce son désengagement aux Etats-Unis

EDF se prépare à mettre fin à son aventure dans le secteur nucléaire américain. Il vient de conclure un accord avec Exelon, numéro un du nucléaire américain, qui lui permet de sortir de leur filiale commune CENG (Constellation Energy Nuclear Group) détenue par EDF à 49,99%. L’accord comporte trois volets : EDF va déléguer la gestion de ces réacteurs à Exelon qui pourra les intégrer à son parc de 17 réacteurs qu’il détient. En contrepartie, CENG versera un dividende exceptionnel à EDF de 400 millions et lui accordera une option de vente en s’engageant à lui acheter sa participation entre janvier 2016 et juin 2022 à un prix déterminé par un expert indépendant.

GDF-Suez réduit son exposition sur le vieux continent mais retrouve des ambitions à l’international

GDF-Suez a poursuivi sa stratégie de fermeture de capacités en Europe. Plombé par la baisse de la consommation d’électricité et par la concurrence du charbon américain bon marché en Europe, GDF-Suez a déjà fermé ou mis sous cocon de nombreuses centrales thermiques depuis 2009. Une réduction de 10 gigawatts (GW) de capacité dont 1,4 GW au cours du 1er semestre. Il en prévoit encore 2 GW en Europe centrale et méridionale.

GDF-Suez, un acteur énergétique majeur au Brésil qui devient une zone de référence

GDF-Suez, via sa filiale Tractebel Energia, dispose d’une capacité installée de 8.522 MW. Une fois la construction de Jirau terminée, une usine hydroélectrique géante de 3 750 MW située sur le fleuve Madeira, dans l’État de Rondônia, ce parc s’élèvera à 12.000 MW. Depuis le rachat en 2010 d’International Power- très présent en Asie et au Moyen-Orient – Gérard Mestrallet, le PDG de GDF-Suez, a fait des marchés émergents une cible prioritaire. Les services énergétiques sont un autre levier de développement de GDF-Suez au Brésil.

Dans ce domaine, GDF-Suez a annoncé le 9 août l’acquisition de Balfour Beatty Workplace (BBW), filiale du groupe britannique de BTP Balfour Beatty spécialisée dans les services énergétiques pour environ 220 millions d’euros, ce qui le place au troisième rang de ce marché. BBW emploie 9 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 580 millions d’euros.

GDF SUEZ et Mitsui sont liés par un solide partenariat de long terme et dans le cadre de ce contrat, Mitsui va acquérir une participation de 28% dans cinq actifs pour environ 300 millions d’euros, détenus par GDF SUEZ Australian Energy, filiale à 100% de GDF SUEZ

GDF-Suez s’ouvre le marché sud-africain de l’énergie en remportant, au sein d’un consortium avec Mitsui (28%) et deux sociétés sud-africaines, Legend power solutions et The Peaker Trust, un contrat pour la construction et l’exploitation de deux centrales à gaz dans les provinces du Capet et du Kwazulu-Natal. Le consortium, dans lequel GDF-Suez détient 38%, investira 780 millions d’euros pour une capacité cumulée de 1005 MW dont la production sera vendue à la société nationale publique Eskom.

GDF-Suez investit en Uruguay où il construira le premier terminal d’importation de GNL pour une unité flottante de stockage (263.000 m3 de capacité) et de regazéification (10 millions de m3) dont la mise en service est prévue en 2015 et représente un investissement de 640 millions d’euros.

Le paradoxe français

Alors que GDF-Suez est détenu à 36,7% par l’Etat français, le groupe a annoncé fin octobre avoir conclu un accord avec l’australien Dart Energy pour acquérir 25% de 13 licences situées dans le bassin de schiste du Bowland au nord de l’Angleterre pour 8,7 millions d’euros et participera aux efforts d’exploration à hauteur de 27 millions de dollars.

GDF-Suez fait également partie d’un consortium américain qui a déposé une demande de licence pour la construction d’un terminal d’exportation de GNL (provenant de gaz de schistes) dans un port américain.

Enfin, L’horizon nucléaire semble dégagé pour GDF-Suez qui vient de redémarrer depuis juin deux réacteurs en Belgique et d’être sélectionné, au sein du consortium japonais, pour construire deux réacteurs Atmea de 1000 MW (Areva et Mitsubishi Heavy Industries) en Turquie. Gérard Mestrallet, assure que « le groupe va rester dans le nucléaire au moins jusqu’en 2085 et qu’il y aura d’autres projets d’ici là ».

En France, la « guerre des prix » de l’électricité est déclarée

La commission de régulation de l’énergie (CRE) s’est prononcée pour une hausse des tarifs réglementés de l’électricité cet été. L’approche de l’hiver et la perspective d’une double hausse des tarifs réglementés (+5% en 2014 et 2015) ont rendu la période propice à la relance d’une offensive commerciale pour les concurrents d’EDF. GDF-Suez, le premier challenger a des objectifs particulièrement ambitieux avec 5 millions de clients visés d’ici cinq ans.

Direct Energy le troisième acteur est lui aussi décidé à doubler sa clientèle d’ici à 2016. Lampiris, fournisseur d’électricité belge est apparu sur le marché français en août 2010 et propose des offres d’électricité 100% renouvelable à un prix très légèrement inférieur au tarif réglementé d’EDF. Il aurait engrangé environ 130.000 abonnés.

Alors que le secteur de l’électricité est libéralisé depuis le 1er juillet 2007, EDF reste encore dominant. Sur 30,9 millions d’abonnés, seulement 2,27 millions s’approvisionnent ailleurs que chez EDF

Guy DUCROUX – Article tiré d’une revue : « nucléaire et énergie » N° 62/décembre 2013