France : Dépression collective ?

Deux articles osent des explications, sont-elles le reflet réel de la préoccupation première des Français, je ne le pense pas. MC

La France, année après année, s’enfonce un peu plus dans la morosité, et, à force, c’est la relation même des citoyens à la démocratie qui s’en trouve affectée. Telle est là la leçon principale du « baromètre de la confiance politique », publié lundi 13 janvier par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental.

Réalisée par OpinionWay du 25 novembre au 12 décembre 2013 auprès d’un échantillon de 1803 personnes, représentatif de la population française inscrite sur les listes électorales, cette enquête est la cinquième de ce type depuis 2009. Elle permet donc de mesurer les évolutions de l’état d’esprit des Français au cours de la période. Cinq idées majeures se dégagent.

Le pessimisme s’accroît.

Les vagues précédentes du baromètre faisaient déjà apparaître un niveau de pessimisme très élevé. Si élevé que, précise Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po et chercheur au Cevipof, « l’on pouvait s’attendre à ce qu’un palier soit atteint pour de bon ». Ce n’est pas le cas. Le climat général est à la « dépression collective », dit-il.

Pour la première fois depuis 2009, la morosité arrive en tête des sentiments qui caractérisent le plus les Français : 34 % d’entre eux estiment qu’il s’agit là du terme qui caractérise le mieux leur état d’esprit. C’est 3 points de plus qu’en décembre 2012.

Inversement, la part des personnes interrogées qui disent éprouver des sentiments positifs décroche : seuls 15 % se disent sereins (-5 points en un an), 14 % éprouvent du bien-être (-4 points), et 8 % s’estiment enthousiastes (-4 points) .La méfiance devient générale. Jusqu’à présent, la  » confiance d’en bas  » s’opposait très nettement à la  » défiance d’en haut « .

Autrement dit, la défiance suscitée par les institutions était inversement proportionnelle à la confiance inspirée par les relations sociales de proximité.

La distinction demeure, mais, avec le temps, elle est moins nette. En décembre 2009, 66 % des Français se reconnaissaient dans l’affirmation : « On n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ». Ils sont aujourd’hui 75 %.

De même, la défiance vis-à-vis de l’autre, quand celui-ci est porteur d’une différence culturelle ou religieuse, s’accroît. Le sentiment n’est certes pas majoritaire dans la population, mais il tend à se répandre. 66 % des Français disent faire confiance aux gens qui ont une opinion religieuse différente de la leur ; contre 73 % fin 2009. 60 % des personnes interrogées ont confiance envers les gens d’une autre nationalité ; ils étaient 72 % il y a quatre ans. La peur de l’autre, quel qu’il soit, gagne du terrain.

Cette « montée générale de l’hétérophobie » est une des leçons majeures de l’enquête, souligne Pascal Perrineau. Le fatalisme gagne les esprits. Le renforcement de la défiance s’accompagne d’une montée du sentiment selon lequel les Français n’ont plus prise sur leur avenir.

En quatre ans, la part des personnes interrogées qui estiment que « les gens peuvent changer la société par leurs choix et leurs actions » a baissé de cinq points.

Quant à ceux qui se reconnaissent dans l’affirmation « J’ai une liberté et un contrôle total sur mon propre avenir », ils ne sont plus que 51 %. Ils étaient 55 % il y a quatre ans.

L’hétérophobie se double ainsi d’un sentiment d’hétéronomie : l’autre fait d’autant plus peur que l’impression par chacun de maîtriser son propre destin est mise en question. La défiance politique s’accentue. On aurait pu croire que l’élection d’un nouveau président de la République et d’une nouvelle majorité parlementaire, au printemps 2012, contribue à inverser la courbe de la défiance politique. Il n’en est rien. 87 % des Français estiment que les responsables politiques se préoccupent peu, voire pas du tout, de ce qu’ils pensent : c’est deux points de plus qu’en 2012 et six points de plus qu’en 2009.

Titre original : Les Français s’enfoncent dans la « dépression collective » – Auteur – Wieder Thomas, Le Monde du 14 janvier 2014 – Extrait – Permalien

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Pour « Les Echos »

. Devant les touts aussi réjouissants « méfiance » et « lassitude », quand derrière elles, la « sérénité » et le « bien-être » décrochent… Quant aux chances de réussite des jeunes par rapport à leurs parents, les trois quarts des Français estiment qu’elles sont moindres (+ 5 points depuis 2009) et 69 % des jeunes eux-mêmes partagent cet avis. « Une proportion redoutable pour l’état d’esprit collectif », lâche Pascal Perrineau. Et si jusqu’ici la défiance était très forte vis-à-vis du politique, elle se diffuse à la « société de proximité » (« les autres ») et n’épargne pas, loin s’en faut, l’économique.

Ainsi, 60 % des Français – en hausse de 5 points sur un an – estiment que leur situation financière va se dégrader sur les douze prochains mois. Pis, ils sont 65 % à le penser pour le pays. Loin de l’idée d’une reprise…

Quant à la perception de la compétitivité des entreprises tricolores, elle est, malgré les discours de l’exécutif autour du Cice, en berne : elles sont compétitives pour 29 % des Français, en chute de 7 points depuis décembre 2012, et ne le sont pas pour 69 % (+ 6 points). « L’effort n’est pas perçu et c’est dans ce ­contexte que va devoir se développer le discours de François Hollande aujourd’hui », note le chercheur.

(…) Mais, et c’est le plus grave pour la cohésion sociale et les élections à venir, les Français, critiques sur le politique, estimaient en 2009 à 50 % que la démocratie fonctionnait. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 30 %. Quand 69 % – en hausse de 21 points – jugent que la démocratie ne fonctionne plus.

Titre original : Les Français sombrent dans une « dépression collective » auteur Ficek Isabelle, Les Echos du 14 janvier 2014 –Extrait- – Permalien