L ’abstention : n’ est pas que fatalité ! Explications

Près d’un Français sur cinq en âge de voter ne s’est pas rendu aux urnes en 2012. Aux 13 % des inscrits qui n’ont voté ni à l’élection présidentielle ni aux élections législatives, il faut en effet ajouter les 7 % de personnes en âge de voter qui ne sont pas inscrites sur les listes électorales.

Ce sont donc près de 8 millions de Français qui n’ont pas participé à une consultation électorale majeure. Et il n’y a pas de hasard dans la composition de ces exclus de la vie citoyenne, majoritairement issus des classes populaires.

C’est en effet, selon l’INSEE, chez les sans-diplôme que l’on trouve le plus grand nombre de non-inscrits (15 %) ainsi que chez les jeunes hommes nés entre 1980 et 1984 (13 %), soit 5 points de plus que leurs homologues féminines. Dans les quartiers populaires, le taux de non-inscrits atteint également 15 %.

Si on y ajoute encore les « mal-inscrits », c’est-à-dire les électeurs qui après déménagement n’ont pas changé d’adresse, ce sont près de 10 millions de personnes concernées, dont 1 sur 4 dans les quartiers populaires, privées de fait de droit de vote. « Le système compliqué d’inscription après déménagement pénalise les moins politisés », explique Céline Braconnier, maître de conférences en science politique et spécialiste de l’abstention. Des chiffres qui pèseront dans les prochaines échéances électorales, municipales et européennes.

Abstention

D’où la mobilisation des pouvoirs publics et des partis politiques pour accroitre l’inscription sur les listes électorales. Certaines communes, comme Nantes, ont mis à disposition des bus itinérants pour aller à la rencontre des non-inscrits.

À Paris, outre la campagne d’inscription de la Mairie, les candidats ont mobilisé leurs équipes pour inscrire les citoyens. L’équipe d’Anne Hidalgo (PS) revendique ainsi 30.000 portes visitées pour l’inscription. Dans la capitale, près de 60.000 personnes, soit 30 % de plus qu’à la veille des élections municipales de 2008, se sont inscrites sur les listes électorales. Des efforts et un mouvement militant sans doute insuffisants pour inverser la courbe de l’abstention qui ne cesse de croître depuis trois décennies.

Entre 2007 et 2012, présidentielle mise à part, chacun des scrutins a connu son record historique d’abstention. Les élections européennes de 2009 ont atteint des sommets avec 59 % d’électeurs qui ont boudé les urnes. Si les élections municipales restent les plus mobilisatrices, le taux de participation à 65 % en 2008 est également un record dans le mauvais sens. Selon l’institut OpinionWay, la participation pourrait chuter de 10 points lors du scrutin de mars 2014.

Et là encore, ce sont les classes populaires les plus éloignées des urnes. Selon Céline Braconnier, « l’écart de participation entre les catégories les plus diplômées et celles qui le sont le moins est désormais de l’ordre de 15 % ».

Dans les quartiers populaires, la part de ceux qui votent à toutes les élections « est de l’ordre d’un sur quatre » selon l’universitaire. Et les raisons sont profondes. « Les temps de crise sont marqués par un fort désenchantement à l’égard de la politique, alimenté par le constat que les élus ne peuvent manifestement pas vraiment améliorer la vie », analyse Céline Braconnier, ajoutant que « la succession d’alternances droite/ gauche a rendu sceptique quant aux capacités des candidats à proposer des alternatives aux modes de vie marqués par les difficultés accumulées ».

Pour les prochains scrutins, cette abstention prévisible pourrait tout changer. Si les sondages publiés depuis plusieurs mois indiquent une bonne résistance des maires sortants appartenant à la majorité gouvernementale, les enquêtes n’incluent pas le taux de participation. Or, les élections partielles qui ont jalonné les 18 premiers mois du quinquennat de François Hollande montrent une démobilisation forte de l’électorat de gauche. De la capacité des différentes forces de gauche à redonner du sens et de l’espoir au vote dépendra donc l’issue de cette année électorale.

Cédric Clérin, HD – 2/15 Janv, N° 21328