Qu’est-ce aujourd’hui que la propagande ?

Le mot a en effet pris un caractère suranné [1], si étroitement associé aux pratiques des régimes totalitaires qu’on ne voit rien dans les démocraties qui ressemble à ces mises en condition sommaires des esprits à coups de slogans simplistes assénés par haut-parleurs. C’est entendu, aujourd’hui, on fait de la communication.

Autrement dit, la propagande – car qui aurait cru que cela n’existât plus ? – est mise en œuvre dans la dénégation. Si elle apparaît, elle perd tout ou partie de son efficacité. Il a donc fallu trouver d’autres formules pour obtenir le consentement.

La propagande des pays démocratiques doit ainsi sacrifier aux critères des pays démocratiques.

Ce pourrait être d’ailleurs un propos de propagande que de dire qu’il faut une expression libre. Dans la sphère privée, la liberté d’expression ne gêne plus guère les régimes autoritaires : son contrôle est partout devenu moins tatillon ou plutôt moins policier. La parole publique importe plus aux pouvoirs.

En la matière, quel peut être le sens de la liberté d’expression ?

Comment se conjugue-t-elle avec, par exemple, le choix des invités dans les médias ? I

l faut bien qu’il y ait d’autres critères légitimes de choix et donc d’expression que la liberté qui est censée être une vertu universellement partagée. Or, les places sont comptées.

Les médias des pays démocratiques offrent la parole à l’extérieur du monde professionnel aux personnes qui leur permettent de satisfaire trois impératifs de légitimité démocratique : l’expertise, la notoriété et le pluralisme. Il faut avoir une compétence spéciale pour s’exprimer sur les plateaux ou dans les journaux… même si les micro-trottoirs ont le double avantage de la facilité et du souci citoyen. Si la personne est connue, elle a droit à une latitude plus grande, quitte à malmener un peu le principe collectif du pluralisme.

Dans l’organisation d’un plateau, c’est devenu une obsession que de respecter le pluralisme. Respecter est bien l’idée sinon le mot qui rend compte du caractère normatif du dispositif. Il faudrait plutôt parler d’organiser le pluralisme, c’est-à-dire mettre en place un groupe de personnes qui permette de dresser un tableau le plus exhaustif possible de la diversité des opinions dans la société.

Comme il n’est pas possible d’être exhaustif, les organisateurs se satisfont de la diversité pratiquement la plus grande. Et comme cela est très limité, c’est la diversité qui ne suscite pas, ou le moins possible, d’objection des principaux partis et dirigeants politiques. Même des médias ayant une orientation politique déclarée sacrifient parfois à cet impératif démocratique. Certains plus que d’autres.

(…)

… On est à la fin du programme, dans une situation de relâchement où l’on n’ose plus demander à quoi sert une émission politique qui conclut qu’il est inutile de discuter. Si on était assez naïf pour croire que la démocratie suppose des choix et la liberté, la leçon est cruelle. Si on croyait à ce que disent les dirigeants politiques, la leçon l’est encore davantage : ils ne sont pas naïfs mais cyniques et il faut être naïf pour les croire. Les « spécialistes » viennent enfin nous le révéler.

Des propos inachevés, des arguments opportuns, des exemples superficiels, des contre-vérités, des clichés… cela ressemblerait à un café du commerce si derrière ce curieux mélange de titres d’autorité galvaudés, pour faire sérieux, et de médiocrité de pensée, n’existait une ligne mélodique. Le café du commerce, c’est le bruit, cette cacophonie des idées sommaires et hétérogènes qui donne l’image de la diversité.

Ne pas s’y tromper, il existe bien une ligne mélodique générale qui s’accommode des fausses notes et qui fait une émission de propagande. Celle-ci a besoin de l’apparence du débat. Il n’y en pas réellement comme le trahit l’animateur en cours d’émission : « tout le monde est d’accord autour de cette table ». Une parodie bruyante de pluralisme.

Notes

[1] La traduction de l’ouvrage de Edward Bernays, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie, La Découverte, Paris, 2007, ne fait que confirmer dans son titre et relativement aux transformations des moyens.

Extraits d’un article trouvé sur le blog du « monde Diplomatique » d’Alain Garigou, intitulé « C dans l’air, un exemple de propagande » – Permalien pour lire le texte entier