L’Etat aurait ponction en catimini dans le budget des retraités dépendants ?

Au nom de la lutte contre les déficits publics, le gouvernement détourne des centaines de millions d’euros prélevés sur les retraités, qui devaient servir à l’aide à l’autonomie des personnes âgées.

L’affaire n’a, jusqu’ici, pas fait grand bruit.

Et pourtant. L’accusation lancée par Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), contre le gouvernement n’est pas anodine : « Pour boucler les fins de mois, détourner l’argent de la grand-mère est une faute morale. Bercy l’ignore », dit-il.

Les faits sont bien accablants. Depuis avril dernier, les retraités sont soumis au prélèvement d’une taxe de 0,3 % sur leur pension, dite contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa). Instituée en 2012, elle a été conçue pour financer la future loi sur « l’adaptation de la société au vieillissement », promise pour 2014.

ÉPONGER LE DÉFICIT

Que faire en attendant les quelques 600 millions d’euros que doit générer, en rythme annuel, cette taxe?

Dans le secteur de l’aide à domicile, comme dans celui de l’accueil en maison de retraite, les besoins sont aussi criants qu’urgents, en premier lieu en termes de personnel. Les professionnels du médico-social, les associations de personnes âgées, les syndicats de retraités tirent régulièrement la sonnette d’alarme à ce sujet.

Eh bien non, l’argent collecté en 2013 au titre de la Casa n’a pas été utilisé pour répondre à ces besoins, mais pour réduire le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont la vocation est tout autre (il finance le minimum vieillesse et prend en charge les cotisations retraite des chômeurs).

Et pour 2014, le gouvernement Ayrault a organisé la même opération de détournement, à peine camouflée: selon le projet de budget de la Sécu (PLFSS), qui devait être voté hier, les 600 millions d’euros de la Casa seront versés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui, elle, finance bien les actions d’aide à l’autonomie des personnes âgées, mais, d’un même mouvement, le budget de la CNSA sera grevé d’un même montant Et l’enveloppe ira, une fois encore, éponger le déficit du FSV (Fond de Solidarité Vieillesse).

MÉFIANCE ET VIGILANCE

Ce n’est qu’en 2015, promet-on à Matignon, que l’argent collecté pour les « vieux » ira bien aux « vieux ». (Souvenons nous de la vignette « Ramadier » destinée aux vieux … qui n’en ont jamais vu la couleur –MC)

Promesse à prendre avec des pincettes. On n’oublie pas, en effet, que, depuis la suppression d’une journée de congé (initialement le lundi de la Pentecôte), à la suite de la canicule tragique de 2003, pour financer une caisse dédiée aux actions de soutien à l’autonomie des personnes âgées, chaque année une partie de ces fonds a été détournée.

Il y a deux ans, un rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales avait estimé le préjudice total à 2,5 milliards d’euros. De quoi susciter la méfiance, et encourager à la vigilance, les professionnels du secteur, les associations et les syndicats.

De quoi aussi aiguiser la crise de confiance des Français dans l’impôt, comme le souligne Pascal Champvert, président de l’AD-PA, qui a lancé une pétition pour le rétablissement de tous les crédits de la CNSA aux personnes âgées fragilisées.

Devant les protestations, les députés ont adopté, le mois dernier, un amendement réaffectant 100 des 600 millions d’euros concernés, à l’action en faveur des personnes âgées. Une incitation, pour Pascal Champvert, à poursuivre la mobilisation.

Avec cet argument à la clé: les sommes détournées permettraient de créer sans délai 22 000 emplois pour l’aide à domicile ou, les maisons de retraite. Enfin, en décidant de réaffecter cet argent à sa destination première, le gouvernement renforcerait sa crédibilité au moment où il lance une concertation préparatoire à une loi sur « l’adaptation de la société au vieillissement ».

Yves Housson – L’huma Quotidien du 04 dec 2013