Sept Français sur dix (70 %) estiment que la France pourrait connaître une explosion sociale au cours des prochains mois, selon un sondage Ifop réalisé pour Dimanche Ouest-France. Ci après quelques extraits …
Entretien avec l’économiste Jean-Paul Fitoussi, ancien président de l’Observatoire français des conjonctures économiques. Pour lui, l’erreur est de résumer la complexité du monde à la réduction des dettes publiques. Et d’exaspérer les peuples en les appauvrissant.
Les Européens vont-ils se révolter ?
Par définition, les explosions sociales ne sont pas faciles à prévoir. (…) on viole les règles démocratiques qui sont de se préoccuper du sort du plus grand nombre. Or, ce plus grand nombre souffre. Lorsque le chômage est élevé, tout le monde a peur, y compris ceux qui ont encore un travail. (…)
Est-ce la période la plus difficile depuis 1929 ?
Oui, sans conteste. (…) Le niveau de vie français a baissé. (…) et, sur cinq ans, la croissance moyenne a été négative.
Pourquoi les États ne savent-ils pas tirer les leçons des crises précédentes ?
C’est la raison de ma colère. Je mets en parallèle le Treasury view (« L’opinion du Trésor »), doctrine de l’équilibre budgétaire défendue au lendemain de la crise de 1929 par les Britanniques et qui a été appliquée dans tous les États-nations, et le pacte budgétaire que l’Europe vient de signer. Grosso modo, il dit la même chose.
(…) L’austérité ne mérite ni excès d’honneur ni d’indignité. Le problème est le moment dans lequel on la pratique. Conduire une politique d’austérité en période de récession grave, ce que l’on a appelé la Grande Récession, est un crime contre l’intelligence. Cela ne peut que développer le chômage de masse, retarder la sortie de crise. Puisque, par définition, on va détruire du capital qui va nous manquer quand on sera, à nouveau, en période de croissance.
(…)
Vous dénoncez l’influence de la doctrine et des lobbies financiers ?
Ce sont les vices de construction de la zone euro. Ils mettent les pays sous tutelle des marchés parce que la zone euro est la seule région de la planète où les dettes nationales sont souveraines tandis que la monnaie est sans souverain. (…)
Pourquoi laisser l’Allemagne fixer le cap ?
Du point de vue social, c’est le contraire d’un modèle.
Pauvreté et inégalités y ont augmenté plus qu’en France, plus qu’aux États-Unis. Cependant, l’Allemagne ayant pratiqué une politique de désinflation compétitive dans la première moitié des années 2000, se retrouve créancière des autres États européens. Et ce sont les pays créanciers qui ont le pouvoir.
(…)
On ne peut continuer à obliger les pays à s’endetter dans une monnaie sur laquelle ils n’ont aucun contrôle.
Recueilli par Pascale MONNIER. Permalien
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