Gouvernement. Changer l’équipage ou changer le cap ?

Le dilemme…

La pression est forte sur un exécutif en panne.

Avec 21% d’opinions favorables, Jean-Marc Ayrault est désormais le premier ministre le plus impopulaire de la Ve République. Ça tangue fort au sein même du PS: « Il faut remplacer Ayrault d’urgence », dit le député socialiste Malek Bouhti.

Le Front de gauche appelle à une grande marche citoyenne le 1er décembre à Paris pour une révolution fiscale et sociale ça ne peut plus durer. 18 mois après la victoire de la gauche et l’installation du nouveau gouvernement, la conviction que la situation n’est plus tenable pour l’exécutif est de plus en plus partagée, même en son sein. Impopularité record jusque dans son propre camp, abstention massive des électeurs de gauche, défaites électorales, situation sociale en constante dégradation, mouvements successifs de la droite et du patronat, dont le dernier avatar est la fronde des bonnets rouges, tout indique que le gouvernement est en train de perdre son pari de « réformer dans la justice », ce que n’ose même plus marteler le premier ministre comme au début de son mandat.

Pouria Amirshahi, député socialiste, appelait, la semaine dernière dans « l’H D » (n° 386), à « la nécessité de changer de chemin à cette étape cruciale du quinquennat ». Il y a quelques jours, c’était au tour de Jean-Christophe Cambadélis, responsable des relations internationales du PS, d’écrire sur son blog « j‘enrage » : « J’enrage du climat de démission collective, du manque de vision, du débat à court terme… Des faux-semblants et des petitesses. »Le dirigeant socialiste ajoutant: « Un climat très juin 1940 règne sur la France. »

Sans toujours tirer dans le même sens, les voix se multiplient pour faire bouger l’exécutif, sommé au minimum de procéder à un remaniement ministériel. Anne Hidalgo, candidate socialiste à la Mairie de Paris, craignant de subir l’impopularité du gouvernement face à une droite offensive, a déclaré souhaiter un changement d’équipe, ajoutant: « Je pense qu’il faut aller assez vite car il y a une attente. »

Malek Boutih, député de l’Essonne, va plus loin : « Il faut remplacer le premier ministre d’urgence », a-t-il déclaré au « Parisien », car « la crise est exponentielle ». L’option du remaniement ministériel serait soutenue par 67 % des Français et 53 % des électeurs de gauche, selon un sondage Opinionway, publié le 11 novembre. Dans ce contexte, le président de la République consulte tous azimuts pour choisir la meilleure option.

L’urgence de la situation pourrait l’obliger à changer de gouvernement avant les élections européennes, comme initialement prévu. Mais, au PS, la tentation est grande de conjurer le désastre par un changement cosmétique, un simple changement d’équipe. Un avis que ne partage pas Marie-Noêlle Lienemann, sénatrice socialiste : « Il faut un changement

d’équipe et un changement de cap. » Stéphane Delpeyrat, secrétaire national du PS et membre d’Un monde d’avance, le courant de Benoît Hamon, pointe pour sa part le risque de voir « sortir la gauche européenne de l’histoire » si François Hollande ne prend pas la tête du combat contre le néolibéralisme.

Le changement minimal, on n’en veut pas non plus au Front de gauche. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, appelle de ses voeux « un nouveau contrat politique » pour sortir de l’austérité. Le Front de gauche estime que « la colère populaire contre les conséquences de l’austérité est juste et légitime », mais constate que « la droite, le MEDEF et l’extrême droite essaient aujourd’hui de la dévoyer ». Ses composantes, après des semaines de débats houleux pour les municipales, appellent d’une même voix à « une grande marche, le dimanche 1er décembre à Paris, pour une révolution fiscale, la taxation du capital et l’annulation de la hausse de la TVA ».

Une marche que la coalition envisage comme « la plus ouverte possible », s’adressant à tous ceux qui refusent l’orientation actuelle de la politique du gouvernement. Elle s’inscrit également dans une campagne d’actions de long terme pour faire prévaloir d’autres solutions. Le PCF invite ainsi à multiplier les initiatives dans la semaine précédant le 1er décembre, « avec marches, sit-in, soutien aux entreprises en lutte, occupations symboliques de places, chaînes humaines… et tout autres formes décidées localement ».

L’agitation gagne donc l’ensemble de la gauche entre mouvements institu­tionnels et mobilisations populaires.

Le peuple de gauche est-il en train de se réveiller?

Cédric Clérin – HD N°21295, 14 nov 2013

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