Le PPP, quelle connerie à terme.

Partenariat public-privé (PPP). À l’oreille, ça a l’air sympa.

Dans la réalité, il s’agit de la mise en coupe réglée des finances publiques au service du privé, de la fabrication d’une dette supplémentaire avec des projets montés à crédit sur plusieurs dizaines d’années.

L’affaire Écomouv’ qui vient de surgir après la contestation de l’écotaxe en Bretagne, en est la plus emblématique traduction puisque l’État a confier le recouvrement d’un impôt à un groupe privé.

Mais les PPP sont en pleine expansion depuis que Nicolas Sarkozy a assoupli les conditions pour y recourir.

Hôpitaux, prisons, écoles, restauration scolaire… On ne compte plus les services publics et donc les citoyens qui se font plumer.

C’est ce que l’on appelle un effet boomerang. La droite exploitait à fond les manifestations des « bonnets rouges » en Bretagne, qu’elle qualifiait de « révolte fiscale » par la voix du président de l’UMP, Jean-François Copé. Puis on a rappelé l’origine de cette « écotaxe » qui suscitait les manifestations violentes de Quimper: elle a été votée par le gouvernement Fillon, dont la ministre de l’Écologie est la candidate de l’UMP à Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette dernière se retrouve au centre des critiques, à cause d’une disposition concernant la collecte de ce nouvel impôt facturé aux routiers.

Cette « charge » revient à une société privée, Écomouv’, détenue à 70 % par un groupe italien, Autostrade, propriété lui-même du groupe Benetton. Autostrade est en Italie le premier constructeur et gestionnaires d’autoroutes du pays, et premier groupe autoroutier en Europe. Son intervention dans le processus de collecte de l’écotaxe, c’est-à-dire un impôt, est rendue possible par les partenariats public-privé (PPP).

L’État, ou une collectivité, et une entreprise privée, par ce dispositif, sont donc censés être « partenaires ». Dans la réalité, ce partenariat est très juteux… pour le privé. L’écotaxe devait rapporter 1,15 milliard d’euros par an à l’État. Et la société Écomouv’ empocherait 20 % de ce montant, soit plus de 250 millions d’euros, en échange de son travail de collecte.

Face au mouvement des « bonnets rouges » en Bretagne, personne ne se vante de la paternité de ce scandale potentiel. Jean-François Copé tape en dénonçant les modalités de la mise en œuvre du contrat entre l’État et Écomouv’, tandis que dans les rangs socialistes on rappelle que l’écotaxe a été créée par la majorité précédente. C’est une façon de passer à côté du problème : les PPP eux-mêmes. La tendance à privatiser des pans entiers de l’économie ne date pas d’hier. Mais après la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, elle a pris un tour nouveau en France.

Sitôt élu, il s’était fendu d’une lettre à son premier ministre, François Fillon, en octobre 2007, lui demandant de relancer le partenariat public-privé pour relancer la croissance, en mettant en place « un plan de stimulation » de procédé. Les conditions qui permettaient d’y recourir à l’époque étaient jugées trop restrictives… Objectif affiché : permettre la modernisation des infrastructures publiques.

Les éléments de langage du pouvoir de l’époque sous-tendaient donc la même idéologie libérale que pour les privatisations : le privé ça marche mieux et c’est moins cher. On le voit avec l’affaire Écomouv’, dont la genèse revient à l’ancienne majorité de droite, le nouveau pouvoir socialiste n’a pas remis en cause l’assouplissement général des règles de recours au PPP, malgré des critiques formulées en 2007 dans les rangs de la gauche. Certains, comme l’ancien ministre socialiste Christian Pierret, en font même la promotion.

Dans un entretien publié sur le site du Club des partenariats public-privé, l’ancien ministre revendique même cette excellente cohabitation entre les groupes privés et la collectivité sur sa commune, Saint-Dié-des-Vosges, « celle qui a fait le plus de délégations de service public dans tous les domaines ». Et l’ancien ministre de citer: « L’eau, l’assainisse­ment, les ordures ménagères, l’éclairage public, la restauration scolaire… » « Nous n’avons pas donc pas de complexes à l’égard de l’activité privée mêlée au service public si la philosophie qui est la nôtre nous paraît juste, si on fait attention à l’intérêt public comme à la prunelle de nos yeux, explique encore Christian Pierret. Je crois qu’il est sain d’affirmer dès le départ que le PPP est consubstantiel à une conception saine, juste, préservant l’intérêt public de la responsabilité qui incombe aujourd’hui aux établissements publics. » Pour l’ancien ministre, « pas d’a priori idéologique donc », même si ce qu’il vient d’énoncer contribue à diffuser l’idéologie selon laquelle l’intervention du privé dans la gestion publique « est consubstantielle » de sa bonne conduite.

Au final, les PPP sont-ils aussi sains pour les finances publiques que ce qu’ en disent leurs promoteurs?

Leur principe veut que l’État ou une collectivité verse un loyer à une entreprise privée contre la construction ou la gestion d’un édifice public ou d’un service public, et ce sur plusieurs dizaines d’années. Il s’agit donc d’un mode de financement qui engage les finances publiques sur du long terme, et auquel on a de plus en plus recours en raison des politiques d’austérité.

En 2007, la facture pour les finances publiques s’ élevait à 140 millions d’ euros.

Mais, entre 2014 et 2025, l’État devra reverser quelque 1,2 milliard d’euros chaque année au titre des PPP. Sans compter certains projets en cours tels que le « Pentagone » à la française, dont la facture devrait s’élever à 3,5 milliards d’euros avec pour partenaire le groupe Bouygues. Ou encore le TGI de Paris, qui coûtera, au terme des 27 années de loyers payés à un groupement d’entreprises emmenées (encore) par Bouygues, 2,7 milliards d’euros…

En mai dernier, l’inspection générale des finances avait soulevé que les collectivités investissaient dans des projets « surcalibrés ». À l’image d’un crédit revolving, dont l’on ne supporte pas le coût au moment de l’achat, mais qui s’avère dangereux avec le temps. Outre les « surcoûts », les administrations auraient pris, selon l’IGF, des « risques juridiques ».

Grâce aux PPP, des groupes privés peuvent ainsi s’offrir des marchés adossés sur les finances publiques. C’est-à-dire avec le minimum de risques, jusque dans la négociation des contrats puisque ceux-ci comportent des « clauses de dédit » suffisamment dissuasives au cas où les administrations souhaitent revenir sur un projet.

Ainsi, dans la gestion de services et d’équipements publics, il faut compter avec la marge bénéficiaire que doivent dégager ces entreprises qui n’ont rien de philanthropiques. Ce qui explique certainement les « surcoûts », payés bien entendu avec de l’argent public. Celui du contribuable.

Diego Chauvet – HD N°21295