Rythmes Scolaires : Une réforme mal engagée

L‘application de la réforme des rythmes de l’enfant tangue.

Il fallait s’y attendre. Le brusque passage, en partie improvisé, d’une école structurée à des animations diverses plus ou moins organisées ne pouvait être, dans un premier temps, que perturbant. Un rodage est nécessaire. Il faudra trouver des locaux adaptés hors des salles de classe, des animateurs formés et proposer des activités intéressantes. Il faudra beaucoup d’argent des communes pour que la réforme trouve son plein régime. Mais, sur le fond, est-ce une bonne réforme?

L’idée d’offrir des activités culturelles à tous les enfants après le temps scolaire est louable, comme celle de respecter les rythmes chrono-biologiques (1) de l’élève. De même, puisqu’il est entendu que les coupures hebdomadaires démobilisent les élèves plus qu’elles ne les reposent, le rétablissement de la semaine de quatre jours et demi semble une bonne mesure.

Les motifs de la réforme pris séparément se justifient. Mais la façon de les concrétiser les rend contradictoires. Le raccourcissement de la journée scolaire va à l’encontre du respect des rythmes chrono-biologiques. D’ailleurs, il n’en est plus question. On parle désormais d’aménagement des rythmes scolaires, ce qui est différent. Le référent scientifique a disparu. Contradictoires aussi la volonté d’un enrichissement culturel pour tous les élèves et le financement des actions périscolaires par des collectivités locales inégalement riches.

Les contradictions de la réforme ne démentent pas la nécessité d’une transformation de l’école élémentaire. Si nous voulons que l’école soit faite pour ceux qui n’ont qu’elles pour apprendre, il faut d’abord lui donner du temps. Plus que l’aménagement des rythmes répartis entre temps scolaire et temps périscolaire, il faut davantage d’école. Allonger le temps scolaire sur l’année permettrait d’organiser des journées respectant les fatigues passagères des élèves.

Sur une durée plus longue, aucune discipline ne serait négligée. Arts et éducation physique et sportive contribueraient ainsi pleinement à l’acquisition d’une culture commune. L’enseignement de soutien y aurait une place plus conséquente.

Mais cette réforme fondamentale en impliquerait d’autres. La polyvalence du professeur d’école devrait être abandonnée. Une polyvalence d’équipes composées de maîtres à dominantes ou spécialisés devrait s’y substituer. C’est un passage obligé pour que tous les savoirs disciplinaires soient bien exploités et deviennent objets de recherches didactiques. La spécialisation des professeurs d’école entraînerait une diminution de leurs horaires hebdomadaires. Mesure par ailleurs indispensable pour compenser un temps d’école annuel plus long. La diminution des vacances devrait aussi s’accompagner d’une revalorisation salariale.

Une réforme ambitieuse s’inscrirait dans « une école commune » incluant le lycée. L’ap­propriation progressive de savoirs structurés pour tous en serait la finalité. Une éducation nationale forte pour assurer l’égalité d’enseignement sur tout le territoire national en serait le garant.

De tels changements coûteraient et bousculeraient des habitudes. Seule une vraie volonté politique partagée pourrait mettre la réforme en chantier. L’aménagement des rythmes scolaires ne prend pas cette voie. L’école élémentaire étant ce qu’elle est, la réforme incite à déléguer certains enseignements aux collectivités territoriales.

Outre les inégalités qui en découleront, la cohérence et la mission de l’école en seront à terme affaiblies. En estompant les frontières entre le scolaire, le périscolaire et l’extrascolaire, les projets éducatifs de territoire représentent un danger pour l’unité nationale de l’école laïque.

Jack Proult

 Note:

  1. Au cours de la journée, l’attention et la concentration des enfants varient en fonction de leurs rythmes biologiques. Les travaux de chronobiologie les ont précisés. Ils varient aussi en fonction de leur intérêt pour les disciplines enseignées. Le second constat peut compenser le premier.

Une réflexion sur “Rythmes Scolaires : Une réforme mal engagée

  1. buzzlesiutcannes 29/11/2013 / 21h20

    Très bon papier, qui transpire de véracité. Un autre avis, sensiblement similaire, et plus factuel, sur la question ici « Nouveaux rythmes scolaires : une réforme qui dérange : http://wp.me/p2MrCW-1VX« . Bonne journée à tous 🙂

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