14-18. Ré-ha-bi-li-ta-tion des fusillés pour l’exemple.

Pour Hollande : Au-delà des morts, l’unité nationale d’abord

François Hollande, chahuté dans les sondages, a sacrifié jeudi à l’exercice imposé à tout président de la République: le discours historique. Rien de tel pour prendre un peu de recul…

Depuis l’Élysée, il a lancé officiellement les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale et du 70e anniversaire de la libération de la France. Mais même en cette matière, il montre quelques lacunes.

François Hollande n’a pas prononcé le mot « réhabilitation » à l’égard des soldats de la Première Guerre mondiale fusillés pour l’exemple. Or comme le montre le sondage réalisé par l’IFOP pour l’Humanité, cette réhabilitation fait consensus: 75 % des Français se disent favorables à une telle mesure.

Un niveau de soutien important, dans lequel les habituels clivages sont aplanis. L’idée d’une telle mesure trouve une majorité à gauche (84 %) comme à droite (75 %); chez les jeunes (79 % chez les moins de trente-cinq ans) comme parmi les générations précédentes (73 %); chez les hommes (74 %) comme chez les femmes (76 %)…

« Le temps a fait son office. Toutes les représentations associées à l’horreur absolue qu’a représentée cette boucherie généralisée font qu’aujourd’hui il existe une certaine bienveillance vis-à-vis de ces centaines de soldats, explique Jérôme Fourquet, de l’Ifop. S’il y a une avancée sur ce dossier ce sera apprécié. Mais de là à penser que cela permettra d’améliorer la popularité du président, ou que cela apaisera des tensions latentes dans la société, c’est hors sujet », analyse-t-il.

Après son ancien secrétaire national au PS, Lionel Jospin, ou son prédécesseur à l’Élysée, Nicolas Sarkozy, François Hollande a fait un petit pas, en abordant la « douloureuse question des fusillés ». Il faut veiller, a-t-il déclaré, à ce qu’« aucun des Français qui ont participé à cette mêlée furieuse ne soit oublié ». Au ministre de la Défense, il a demandé qu’une « place leur soit accordée au musée des Armées ».

En parallèle, les dossiers du ministère de la Guerre devraient être numérisés et rendus disponibles au plus grand nombre, « pas pour juger mais pour comprendre », comme le préconise le rapport du comité d’historiens présidé par Antoine Prost.

Hollande fait taire Jaurès

Pour le chef de l’État, l’agenda de ces commémorations coïncide avec « un moment où la France s’interroge sur elle-même, sur sa place, sur son avenir ». Le passé peut-il, venir à sa rescousse? François Hollande le croit. En une anaphore, qui n’est pas sans rappeler celle qui lui avait donné l’avantage rhétorique sur son adversaire à l’élection présidentielle, il décline ce que veut dire « commémorer »: certes, c’est tirer les « leçons terrifiantes » du passé, mais aussi « renouveler le patriotisme qui unit au-delà des croyances, des origines ou des couleurs de peau ». Il mettra plusieurs minutes à prononcer l’expression « unité nationale », mais une fois ces mots prononcés, l’ensemble du discours en a porté l’empreinte. « D’une manière globale ce n’est plus un sujet qui divise la société française, note Jérôme Fourquet. C’était un sujet sensible et tabou. Aujourd’hui, cent ans après, le délai de prescription semble largement atteint. »

Citant de Gaulle à deux reprises, ou les écrivains Romain Gary, avec qui il exaltera le patriotisme (« c’est toujours l’amour des siens »), ou Maurice Genevoix (« ce que nous avons fait c’est plus que ce que l’on peut demander à des hommes. Et nous l’avons fait »), François Hollande fait résonner l’engagement du peuple français d’alors avec les sacrifices qu’il lui demande aujourd’hui. En prenant, au passage, des raccourcis historiques.

Ainsi note-t-il bien que « jusqu’en juillet 1914 », deux camps s’opposaient: ceux qui voulaient « la revanche de Sedan » et ceux qui, derrière Jaurès, dénonçaient la « mécanique des alliances » qui allait conduire à la guerre. Mais « quand la mobilisation générale fut proclamée, il n’y eut plus qu’un seul pays ». Ou comment faire taire définitivement Jaurès, assassiné le-31 juillet, et des socialistes qui ont continué à porter sa voix malgré le conflit.

Dans son panthéon mémoriel, ce n’est pas le pacifiste qui est célébré, mais le « père la Victoire », Georges Clemenceau. Symbolique?

Grégory Marin et Adrien Rochaleou

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