Ces centres commerciaux qui phagocytent les commerces de centre-ville.

Ils sont grands, attrayants, animés. Ils regroupent bon nombre de boutiques autour d’une grande surface, disposent de restauration, cinéma, salle de sport, de jeux et surtout de parkings à l’immédiate proximité. C’est le rêve pour une certaine forme de clientèle.

L’envers du décor est beaucoup moins joli, c’est souvent la disparition de terres agricoles, bon nombre d’emploi précaire à moindre rémunération et surtout ils contribuent à faire disparaître les petits artisans commerçants des centres villes affaiblissant ainsi l’animation des villages et villes.

C’est aussi la perte de relations amicales et d’échanges commerciaux qui avec son boucher, sa boulangère, son épicier, sa quincaillère, son coiffeur, sa mercière, etc. des commerces à jamais  perdus. MC

CENTRES COMMERCIAUX LA FOLIE DES GRANDEURS (Extrait)

Il en faut de plus en plus pour attirer le consommateur. L’idée de passer son samedi après-midi à dépenser son salaire dans des hangars affreux ne le séduit plus. « Le modèle de consommation de masse des Trente Glorieuses produit par le capitalisme fordien touche à sa fin », analyse Philippe Moati, professeur d’économie et fondateur de l’Observatoire société et consommation. L’étalage de la surabondance ne fait plus rêver, comme en témoigne la crise des hyper depuis près de quinze ans. D’autant que le pouvoir d’achat des ménages stagne et que la consommation de services et l’e-commerce en captent une partie toujours plus importante.

Une logique de bulle

Malgré tout cela, on continue à créer des surfaces commerciales à tour de bras. « Depuis une quinzaine d’années en France, le parc de surfaces commerciales croît plus vite que la consommation. Il a progressé de 60 %, alors que, dans le même temps, la consommation n’a progressé que de 36 % », explique Pascal Madry, directeur du club d’enseignes Procos. Le mouvement a atteint son apogée en 2010 et 2011, pendant lesquelles, malgré la crise, plus de 3 millions de mètres carrés de nouvelles surfaces commerciales ont été autorisés par les commissions départementales spécialisées (et encore ne s’agit-il là que des implantations de plus de 1.000 mètres carrés soumises à autorisation).

Centre Com 1 001

Comment expliquer ce phénomène ?

Les enseignes, tout d’abord. Le secteur du commerce de détail est de plus en plus intégré : les groupes de distribution réalisent désormais 84 % de l’ensemble des ventes, contre 16 % seulement pour le commerce indépendant traditionnel. Pour ces groupes, étendre leur réseau de magasins permet à la fois de renforcer leur pouvoir de négociation auprès des fournisseurs et de réaliser des économies en matière de logistique. Cela contribue aussi à gagner des parts de marché. C’est ce qui explique que les enseignes acceptent de payer des loyers toujours plus élevés pour des surfaces dont la rentabilité moyenne au mètre carré stagne, voire diminue.

Mais cet emballement n’aurait pas été possible sans le consentement des collectivités locales, qui livrent une quantité surabondante de foncier aux projets commerciaux. Le cadre légal mis en place dès la fin des années 1960 pour contrôler l’implantation de surfaces commerciales n’a pas empêché leur développement totalement anarchique. Depuis la loi Raffarin de 1996, venue renforcer la loi Royer de 1973, les surfaces autorisées par les commissions départementales spécialisées n’ont cessé de croître. Ces commissions sont devenues des « machines à dire oui ». Et la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008 relevant le seuil d’autorisation de 300 à 1.000 mètres carrés n’a rien arrangé. Dans un contexte de compétition des territoires, la moindre agglomération veut son retail park, et les emplois et les taxes qui vont avec.

Petits et grands gagnants

Dans ce contexte, « seuls les meilleurs survivront », pronostique Philippe Moati. D’ores et déjà, la vacance commerciale progresse, en particulier dans le centre des villes petites et moyennes et dans les centres commerciaux de taille intermédiaire. Et ce n’est qu’un début.

Ceux qui tirent aujourd’hui leur épingle du jeu, ce sont les petits centres commerciaux qui jouent la carte de la proximité. « Certains l’ont très bien compris, comme Intermarché, Leclerc ou U, qui multiplient les ouvertures de moyennes surfaces dans les petites communes, en périphérie des agglomérations, en deuxième, voire en troisième couronne, là où le développement démographique est le plus dynamique », souligne Pascal Madry. Cette évolution reflète l’occupation de l’espace, mais aussi le vieillissement de la population, qui deviendra de ce fait moins mobile : « Demain, ce n’est plus le client qui ira vers le produit, mais le produit qui ira vers le client. »

A l’autre extrémité du spectre, les très grands centres commerciaux paraissent eux aussi résister. C’est sur ce segment que parient les très grandes foncières, à l’instar d’Unibail, qui a cédé tous ses centres recevant moins de six millions de visiteurs par an, Klépierre ou Altarea.Centre com2 001

Gare aux friches commerciales

Mais il y aura aussi des perdants. Les ensembles commerciaux vieillissants construits dans les années 1970-80 ont du plomb dans l’aile. « Le développement des friches commerciales est un vrai sujet d’inquiétude », souligne Carole Delaporte-Bollerot, de l’Agence d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France. Dans les zones les moins dynamiques, il n’est plus rare de croiser, le long des « corridors » commerciaux qui longent les nationales dans nos sinistres entrées de villes, des hangars désertés et des caddies qui rouillent sur des parkings à l’abandon.

Or, « les acteurs privés ont en général peu d’intérêt financier à investir dans des requalifications », souligne un récent rapport du Certu. Le coût de l’investissement n’est pas compensé par l’augmentation espérée des loyers. Une fois que les bâtiments commerciaux sont amortis, les investisseurs ont intérêt à se contenter de ramasser les loyers, même si les commerces vivotent, ou à céder les locaux. Pire, « il est aujourd’hui moins cher de poursuivre l’ouverture à l’urbanisation de terres agricoles que d’investir sur des espaces déjà urbanisés en perte de vitesse », déplore le Certu. Résultat : d’un côté, on continue à consommer des espaces naturels et agricoles pour étendre les surfaces commerciales (encore actuellement plus des quatre cinquièmes des surfaces en projet sont situées en périphérie) ; de l’autre, on produit des friches.

SANDRA MOATTI – Alternatives Economiques N°329 Nov 2013

INFOS+

  • « La situation du commerce en 2012 », Insee, juin 2013, www.insee.fr
  • « Urbanisme commercial. Une implication croissante des communautés mais un cadre juridique à repenser », Assemblées des communautés de France, juillet 2012, www.adcf.org « Requalification des espaces commerciaux. Retours d’expériences et premiers enseignements », Certu, 2013.
  • www.pascal-madry.fr : nombreuses ressources sur la distribution et l’immobilier commercial.
  • http://ibicity.fr : réflexions stimulantes sur le rôle des acteurs privés dans la ville