Hollande avait promis « une grande réforme fiscale ». Une telle initiative permettrait de réhabiliter l’impôt et d’en faire un outil de justice et d’efficacité économiques, à condition de…
Le principe inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens en 1789 d’un impôt « également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » est, 220 ans plus tard, toujours une promesse à réaliser. Un impôt juste est d’abord un impôt compris par tous.
L’égalité devant l’impôt suppose que chaque citoyen connaisse les modalités d’un impôt qui s’applique de la même manière à tous.
Dans une note de l’Observatoire des inégalités, Louis Maurin, son directeur, souligne ainsi que le premier défaut du système fiscal français actuel est son opacité et l’existence de « très nombreuses niches », « des systèmes de dérogation à la règle, qui font que certains paient moins que d’autres ». Ce sont bien sûr ceux qui ont les moyens de « l’optimisation fiscale » qui profitent de la complexité du système.
La multiplication des niches fiscales est le plus souvent justifiée par le principe d’exonérer d’impôts les éventuels investisseurs privés, donc les plus riches. Ces niches sont pour l’économiste Thomas Piketty, auteur de « Pour une révolution fiscale » (1), une des raisons de l’inégalité du système actuel : « À mesure qu’on monte dans l’échelle des revenus, le taux effectif d’imposition diminue » (2). La suppression de nombre de ces niches (environ 80 milliards d’euros) permettrait à la fois une plus grande transparence et une plus grande justice fiscales.
L’impôt juste est aussi un impôt payé par tous.
De plus en plus de voix militent ainsi pour un impôt universel. Ceci impliquerait une contribution de chacun, modeste pour les plus pauvres et sans échappatoire pour les plus riches. Thomas Piketty propose par exemple, dans le cadre d’un nouvel impôt sur le revenu agrégeant les autres impôts directs, un barème fixant une première tranche d’impôt à 2 %, soit 22 euros mensuels pour un revenu brut de 1 100 euros, ce qui constituerait pour l’économiste un gain de pouvoir d’achat pour le contribuable, l’autre bout de l’échelle, une lutte acharnée contre la fraude et l’évasion fiscales permettrait de mettre tout le monde à égalité.
La progressivité de l’impôt est la méthode la plus sûre pour qu’il soit juste.
Comme le note Louis Maurin, il réduit « les inégalités absolues et relatives ». En France, seul l’impôt sur le revenu est basé sur ce principe, mais il ne représente que 6 % des impôts des ménages et, mité par les niches fiscales, il devient « régressif » (3), selon l’expression de Thomas Piketty. Pour améliorer la progressivité de l’impôt sur le revenu, il faut instaurer des taux d’imposition plus progressifs et des tranches plus nombreuses.
Pendant la campagne présidentielle, le Front de gauche proposait ainsi un barème de 14 tranches (contre 5 actuellement) permettant cette progressivité, et une tranche supérieure relevée à 100 % (contre 45 % actuellement) au-dessus de 360.000 euros
C’est également grâce à un impôt progressif sur les sociétés que certains partis de gauche entendent « impulser un nouveau mode de production des richesses ». Pour Jean-Marc Durand, il s’agit « d’appliquer une modulation de l’impôt dû en fonction de l’investissement des entreprises, dans l’emploi, la formation, les salaires, la recherche ». Dans ce cadre, certains élus de gauche proposent une taxe territoriale (en remplacement de l’ancienne taxe professionnelle) assise sur le capital des entreprises « qui permettrait de taxer les placements financiers ».
Plus généralement, l’application du principe de progressivité en fonction des revenus aux impôts locaux mettrait fin à un barème injuste puisque datant des années 1960. Selon Louis Maurin, « les habitants des HLM (à l’époque, ils représentaient le confort) sont pénalisés en matière d’impôts par rapport aux centres villes, qui à l’époque étaient souvent en mauvais état ».
Un système d’impôts directs plus juste permettrait d’augmenter les ressources de l’État et de baisser les impôts indirects pesant sur la consommation, qui représentent les impôts les plus lourds pour les classes populaires et sont proportionnels et donc très inégalitaires.
La TVA représente 10 % des dépenses des ménages modestes contre 4 % chez les plus aisés (4). Le syndicat CGT propose ainsi de ramener le taux normal de TVA à 15 %. Enfin l’impôt juste est celui qui sert à renforcer la solidarité et améliorer la vie des citoyens. Or, en 2013, l’équivalent de 60 % (45 milliards d’euros) du produit total de l’impôt sur le revenu (69,3 milliards d’euros) est consacré au seul remboursement de la dette.
Le philosophe Pierre Crétois, spécialiste des Lumières, pose une question: ne faut-il pas réfléchir à limiter en amont les droits de propriété, facteur d’inégalités, plutôt que de les corriger en aval par l’impôt? « L’impôt permettrait ainsi de promouvoir le civisme, de limiter l’égoïsme et pas seulement de redistribuer les richesses », écrit-il (5). Ce serait une nouvelle révolution.
Auteur Cédric Clérin – Lu dans HD N°21277
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Note :
- Éditions du Seuil, 2011.
- Le taux affiché s’appliquant sur une base diminuée du fait des différentes niches.
- C’est-à-dire que l’impôt diminue à mesure que le revenu augmente.
- Source: CGT finances.
- « La Revue du projet», oct.-nov. 2013.