France : Pétrodollars et monarchies arabes, influences sa politique étrangère

Un article composé de plusieurs avis documentés, peut-être un peu long, mais la compréhension du problème Syrien oblige à plusieurs infos. MC

« Le massacre chimique de Damas ne peut ni ne doit rester impuni. Sinon ce serait prendre le risque d’une escalade qui banaliserait l’usage de ces armes et menacerait d’autres pays. Je ne suis pas favorable à une intervention internationale qui viserait à « libérer » la Syrie ou à renverser le dictateur, mais j’estime qu’un coup d’arrêt doit être porté à un régime qui commet l’irréparable sur sa population », expliquait François Hollande dans « le Monde » daté du 30 août. L’objectif officiel d’une intervention militaire n’est donc pas de stopper un conflit qui a déjà fait quelque 100000 morts mais de sanctionner « une violation monstrueuse des droits de la personne humaine ». (…). Or la notion de « punition » ne fait pas partie du corpus diplomatique. On imagine ce que ce concept, s’il était validé dans les actes, ouvrirait comme perspective de futures interventions. D’autant que compte tenu de l’état des débats actuels à l’ONU cette punition serait le fait non de la communauté internationale mais de quelques États qui s’arrogent le droit de décider qui mérite d’être ou pas puni. Sans compter que la question de qui « punir » reste ouverte.

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La France se trouve avec la Syrie sur une ligne opposée à celle qu’elle avait tenue sur la guerre en Irak en 2003, refus de participer -, faute d’aval de l’ONU. En filigrane François Hollande fait jouer le précédent du Kosovo de 1999. Plus largement on constate que la France a participé à six interventions militaires ces six dernières années : Tchad, 2008; Afghanistan, 2009; Côte d’Ivoire, 2010; Libye, 2011; Mali, 2012 et demain peut-être, la Syrie.

Sur la Syrie il est surprenant d’entendre François Hollande affirmer rechercher une solution politique par le biais des frappes, ajoutant que « la Russie refuse d’admettre que le régime ait pu commettre cette abomination, tant elle craint qu’en cas d’effondrement de Bachar Al Assad, ce soit le chaos. Je veux donc la convaincre que le pire, c’est la situation actuelle.

C’est elle qui favorise la montée des groupes djihadistes. J’ai toujours dit au président Pouline que je ne remettais nullement en cause les liens privilégiés que son pays entretient depuis longtemps avec la Syrie. Et l’intérêt de la Russie serait de parvenir au plus tôt à une solution politique ».

Or depuis le début de la crise syrienne les occupants du Quai d’Orsay, Laurent Fabius, et Alain Juppé avant lui, assurent que les « jours du régime sont comptés ». (…)

Dans les faits, la France s’aligne sur les intérêts des pétromonarchies du Golfe (Qatar et Arabie saoudite) et sur ceux des États-Unis.

Les pétromonarchies ont deux raisons de vouloir faire tomber le régime de Damas, raisons qui n’ont rien à voir avec la défense du peuple syrien.

  • D’une part l’affrontement chiites-sunnites. Avec d’un côté l’axe Iran-Syrie où les Alaouites sont proches des chiites. Axe qui passe par le Liban avec le Hezbollah qui contrôle le sud du pays, frontière avec Israël. Face aux chiites, l’Arabie saoudite et les pays à dominante sunnite, dont la Turquie, les pays du Golfe et le Qatar.
  • La seconde raison est d’ordre économique. Second producteur mondial de gaz, le Qatar veut devenir un fournisseur pour les pays européens. Ce qui implique la création d’une voie de livraison avec passage obligé par la Syrie. La Russie, premier producteur mondial de gaz, du fait de ses relations avec la Syrie, barre la route à ce concurrent qui pourrait lui tailler des croupières sur le marché européen. Quant aux États-Unis, énergétiquement indépendants depuis qu’ils exploitent gaz et pétrole de schiste, ils ne voient pas d’un mauvais œil un affaiblissement de Moscou. Dans ce jeu la France n’a pas grand-chose à gagner. Elle troque son influence politique dans la région contre une promesse de pétrodollars. Hasard du calendrier? Le 29 août était paraphé un contrat de plus d’un milliard d’euros avec l’Arabie saoudite pour moderniser quatre frégates et deux pétroliers ravitailleurs.

François Hollande fait-il alors le même mauvais calcul que Sarkozy. Ce dernier, favorable à une intervention militaire en Irak en 2003, a toujours jugé que le refus de notre pays de participer à cette guerre nous a privés de la manne financière de la « reconstruction ».

C’est aussi ce qui explique son empressement, sous la pression de ses amis qataris à déclencher l’intervention en Libye. Il pensait bénéficier de retombées économiques liées à la richesse du pays. La déstabilisation et le chaos qui règnent actuellement dans ce pays démontrent qu’il s’agit là d’une vision à courte vue. Et ce n’est rien à côté de l’embrasement et du chaos que risquent d’entraîner des frappes sur la Syrie.

Stéphane Sahuc, Journaliste-Ecrivain.

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Pour le responsable au PG des questions internationales, Christophe Ventura

Nous vivons des heures cruciales pour l’avenir de la Syrie, mais également pour la stabilité régionale et internationale.

Près de deux ans et demi après que le régime criminel de Bachar Al-Assad a réprimé dans le sang les espoirs portés par le soulèvement populaire de 2011, ce pays est plongé dans une guerre civile qui a déjà causé la mort de 100.000 à 150.000 personnes, ainsi que deux millions de déplacés. Le peuple syrien est prisonnier d’une lutte militaire sans issue prévisible qui oppose les autorités de Damas aux milices armées d’une « rébellion » hétéroclite, idéologiquement et politiquement divisée. Celle-ci, animée par la vengeance, n’hésite pas, elle non plus, à pratiquer la torture et à commettre des crimes de guerre contre plusieurs secteurs de la population. En son sein, les éléments jihadistes les plus obscurantistes ont pris l’ascendant, alors même que la « rébellion » est appuyée et financée par les pétromonarchies du Golfe sous l’œil des États-Unis et de leurs supplétifs occidentaux, au premier rang desquels… la France.

(…) comment croire qu’une nouvelle aventure guerrière sous commandement états-unien pourrait résoudre quoi que ce soit ?

Depuis dix ans, ce type de stratégie politique et militaire promue par les faucons de Washington a révélé, partout, son ruineux échec. En réalité, dans le cas syrien, une intervention occidentale n’aurait pour effet que d’aboutir à entériner la partition du pays. S’ensuivrait une période chaotique où, à l’instar de ce qu’on a vu en Afghanistan (…) en Irak, voire en Libye, des milices armées feraient la loi dans leurs sphères d’influence. Le pire serait le scénario de l’embrasement régional, auquel nul n’a intérêt.

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Sondage CSA pour Atlantico Publié le 28 août 2013

45% des Français favorables à une intervention militaire de l’ONU en Syrie mais la part de ceux qui y sont opposés augmente Alors que la proportion des Français qui soutiennent une intervention militaire en Syrie se maintient, l’opposition est passée de 34 à 40%

Voir cette étude du CSA – CLIC

Etude pour Le Figaro – IFOP  – CLIC 

Etude pour I-Télé – BVA  –  CLIC

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Ban Ki-moon : « Le chaos en Syrie et dans la région ne sert à personne »

(…) Le secrétaire général de l’ONU a adressé, mardi soir une importante mise en garde aux États membres du Conseil de sécurité, tentés par des frappes. « L’usage de la force est légal uniquement quand il s’agit (pour un membre) de se défendre, conformément à l’article 51 de la charte, ou quand le Conseil de sécurité a approuvé une telle action », a rappelé le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, ajoutant, comme pour mieux prévenir toute tentative de recours à la force hors du cadre légal : « C’est un principe ferme des Nations unies. »

(…) Ban Ki-moon a en outre fait valoir les risques-d’instabilité encourus par l’ensemble de la région en cas de frappes militaires. (…) Le chaos en Syrie et dans la région ne sert à personne. »

Malgré ces interpellations quant aux risques de déflagration, Washington n’a pas ménagé ses efforts afin de mettre ses plus hauts représentants en ordre de bataille. Lors d’une audition devant le Sénat américain, le secrétaire d’État John Kerry a justement expliqué que l’intervention militaire contre Damas constituait également une mise en garde non négligeable à Téhéran. (…)

Lina Sankars

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Enfin méditons ces infos :

Alors que les Britanniques et les Canadiens ont décidé de ne pas participer à l’intervention occidentale en Syrie, les Etats-Unis s’orientent vers des frappes

La divergence des intérêts européens et américains dans la crise syrienne C’est un premier ministre britannique Benjamin Disraéli (1804-1881) qui le premier a soutenu que, sur la scène internationale, les Etats n’ont à défendre que leurs intérêts.

Le vote du Parlement britannique qui a repoussé la motion de David Cameron soutenant le principe d’une intervention militaire contre la Syrie montre clairement que les parlementaires anglais perçoivent davantage les conséquences négatives pour leur pays d’une intervention que ses éventuels bénéfices.

Seuls l’administration et le président américain soumis au pouvoir des lobbies politiques, industriels, économiques ont un intérêt stratégique à une intervention contre la Syrie. (…) cette intervention est d’autant plus essentielle pour prévenir le nouveau climat de détente qui pourrait découler des déclarations du nouveau Président de la République iranienne qui s’est dit ouvert aux discussions sur le nucléaire.

Le complexe militaro-industriel américain a besoin d’un ennemi de relais avec en prime pour les industriels et les financiers qui investissent massivement dans l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste, l’impérieuse nécessité de maintenir le niveau du baril de pétrole au niveau de 100 dollars pour espérer rentabiliser leur investissement.

Une intervention militaire c’est obtenir cette assurance car une escalade du conflit est probable avec des scénarios du type : l’Iran menace de fermer détroit d’Ormutz, la Russie menace l’Europe d’un embargo sur le Gaz, etc.

Obama répond ainsi aux demandes pressantes de l’Arabie Saoudite qui soutient les Salafistes en Syrie et à qui ils doivent beaucoup : premier client du complexe militaro-industriel américain, l’Arabie Saoudite accepte de limiter sa production pétrolière à 9 millions de barils jours ce qui maintient le prix du baril autour de 100$, rentabilisant ainsi l’exploitation de gaz et de pétrole de schiste sur le sol américain et contribuant à son indépendance énergétique.

Obama s’assure l’appui aussi du lobby juif américain. Sous couvert de sauver les populations syriennes, les missiles guidés américains frapperont aussi les bases du Hezbollah en Syrie, allégeant ainsi la pression sur leur allié israélien.

De plus, si les Etats-Unis arrivaient à entrainer les Européens dans cette guerre, ils renforceraient le clivage entre l’Europe et la Russie et gèleraient pour longtemps les efforts de tous ceux qui en Europe prônent une alliance stratégique avec la Russie pour faire émerger un troisième acteur géopolitique qui perturberait leur jeu « d’adversaire-partenaire » avec la Chine.
Permalien

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