Cher Cyril Hanouna
Moi aussi, vois-tu, j’ai profité des langueurs estivales et des douceurs balnéaires pour rêver a la France de 2025.
Comme Pierre Moscovici, ce gros farceur cynique, j’ai cru possible l’espace d’un instant d’égarement utopiste le retour au plein-emploi, à la croissance à 55%, à la repousse des cheveux, et comme l’humoriste lugubre Arnaud Montebourg, je me suis persuadé qu’à l’horizon des douze années qui viennent, la Chine et le Qatar viendraient nous supplier d’investir dans leurs équipes de football et nous implorer de raccommoder de nos doigts de fées leur tissu industriel ajouré.
Laissant mon imagination dériver comme un frêle mais solide esquif sur la mer déchaînée de mes folles espérances, j’ai aussi rêvé qu’en 2025 tu aurais bel et bien décarré des ondes et des lucarnes. Pris de visions extralucides – le rosé tapait un peu fort, je dois le reconnaître je t’ai même vu, en pleine forme, je te rassure, animant avec ton talent de bateleur à peine émoussé la fête de la moule de Vivier-sur-Mer (35), entouré des vedettes décotées Christophe Maé et Tal, ces Herbert Léonard et Lââm en sursis.
Vers la fin, malgré un début d’arthrose que tu confessais avec beaucoup d’honnêteté au public venu en voyeur se payer la fiole d’un « ex-gugusse de la télé », tu esquissais ta fameuse « danse de l’épaule » au son du dernier tube de l’increvable Patrick Sébastien, J’ai pécho de la moule, j’ai des morpions sur la frite, il est vrai, particulièrement de circonstance.
Et puis, comme François Hollande avec ses ministres, après ce bon délire alcoolisé, il a fallu redescendre sur le plancher des vaches maigres et retourner à la réalité de 2013. Et là, du Hanouna, on en bouffe par tous les trous et à tous les repas. Deux services quotidiens, sans compter les redifs, avec d’une part, l’espèce de ragoût cathodique Touche pas à mon poste, fabriqué à partir des restes des autres chaînes, et d’autre part, l’arrivée de tes gros sabots sur Europe 1 pour mettre Les Pieds dans le plat chaque fin de matinée.
Que du frais, du délicat, du parfumé, à n’en pas douter, tel l’accouplement du degré d’intelligence d’un coussin péteur avec le discret raffinement d’une crise hémorroïdaire. Tu me diras, un pays qui regrette Sarkozy et Goldman prouve qu’il n’a jamais renoncé à toujours plus de vulgarité, et, à ce compte-là, un royaume avec de telles ambitions n’a que le bouffon qu’il mérite.
En revanche, par pitié, évite s’il te plaît de ramener ta fraise satisfaite à propos de l’arrivée d’Antoine de Caunes dans une case concurrente à celle que tu remplis de purin chaque soir.
Une arrivée que tu t’es permis de qualifier d' »énorme erreur » et de « très très mauvaise idée » avant d’adoucir la charge lorsque tu te rendis compte que Canal+ et D8, sombre couillon, étaient les deux mamelles d’une même nourricière. Hanouna-De Caunes, franchement, est-il besoin de procéder à un test comparatif pour évaluer les années-lumière qui vous séparent ou préférera-t-on laisser ce match en suspens pour éviter d’avoir à te vexer?
Je t’embrasse pas, j’attends 2025, on reprendra deux fois des moules.
Christophe Conte – Les Inrocks N°926, 28 aout – 03sept 2013