Bouillon « KUB » depuis 1907 …

La cuisine toute faite n’est pas récente … MC

Le 19 septembre 1882, dans la petite ville suisse de Glaris, le médecin hygiéniste Fridolin Schuler donne une conférence pour la Schweizerische Gemeinnützige Gesellschaft, société d’utilité publique dont l’objet est d’améliorer la condition de vie des ouvriers… et d’« harmoniser » leurs relations avec te patronat. Il fait l’apologie des pois et autres légumineuses dont la richesse en protéines en fait un substitut bon marché à la viande. Pour Julius Maggi, 36 ans, qui a déjà bien développé la minoterie industrielle héritée de son père, la rencontre de Schuler marque un tournant : il se lance alors dans la fabrication de farines de légumineuses. Les premiers sachets de « Maggi Suppen », la soupe en poudre prête à cuire, font leur apparition en 1884.

Julius Maggi, en phase avec une époque où les femmes quittent leur ferme et abattent de longues journées de travail en ville ou à l’usine, est convaincu qu’il faut offrir non seulement des aliments sains, nourrissants et pas chers, mais également rapides à préparer. Il se heurte toutefois à l’étroitesse du marché suisse et à la lenteur du changement des habitudes alimentaires. Il décide donc de se lancer à la conquête des autres pays européens en installant un peu partout des succursales.

Maggi n’est pas seul. Un autre marchand de soupe, l’Allemand Carl Heinrich Knorr, a déjà fondé une société en 1838. Il y a aussi Liebig, établie en 1863, qui va prospérer grâce à l’extrait de viande, inventé quelques Julius Maggi, un industriel années plus tôt en phase avec son époque. par le chimiste allemand du même nom. La concurrence est féroce et il faut à tout prix innover. Julius Maggi trouve la martingale : un « goût » pour relever ses soupes fadasses. Ce sera le fameux « Arôme Maggi », une sauce mise au point en 1886, à base de légumes et de plantes. La petite bouteille au long col va devenir le produit phare de l’entreprise, qui n’en diversifie pas moins ses activités, comme les bouillons de viande en pastilles (1888) ou la production de lait pasteurisé et de qualité dans une France d’avant-guerre marquée par des scandales de vente de lait coupé et frelaté.

Conservée dans les coffres d’une banque, ta recette de l’Arôme finit par être imitée et, à partir de 1907, les contrefaçons se multiplient. A 61 ans, Julius Maggi n’a pourtant rien perdu de son énergie et trouve la parade : il dépose le brevet du Bouillon Kub, version solide et cubique de l’arôme magique. C’est à dessein que le mot Maggi ne figure pas sur les emballages : en France, l’entreprise, désignée comme « allemande », subit une campagne très agressive du syndicat des crémiers et de l’extrême droite réunis. Cette ruse contribue, dès 1909, au succès foudroyant du petit cube qui, un siècle plus tard, continue d’avoir sa place dans les placards de tout cuisinier qui se respecte. Depuis sa naissance, Maggi (propriété de Nestlé depuis 1947) n’a ainsi jamais cessé d’offrir à la fois du prêt à consommer (la purée Mousline en 1962, Bolino en1980) et des aides culinaires parfumant les plats faits maison, brouillant malicieusement les pistes entre l’authentique et l’artificiel.

Source Alternatives économique – N°326, Antoine De Ravignan

En savoir plus : Maggi et la magie du Bouillon Kub. Monique Pivot. Hoêbeke, 2002