Plus que l’immigration et les émigrés, autrefois principaux fonds de commerce de l’extrême droite, la politique européenne d’austérité amène aux récessions sociales, à la perte de pouvoirs d’achats, au chômage, propulsant dans un réflexe de repli égoïste et d’autodéfense injustifiés et sans fondement réel, traverse une partie de la population européenne et les amène à tort parce qu’il ne résoudrait rien, vers un vote de « type Le Péniste ». C’est un autre politique économique et social qu’il faut mettre en place mais pour cela il faut sortir de la mainmise de l’Allemagne de Merkel, de la BCE, de la commission européenne. MC
Europe, qui continue de s’enfoncer dans la récession, est rattrapée par une crise politique. À force de rester sourds à la souffrance de leurs citoyens qui manifestent toutes les semaines de l’Italie à la Bulgarie, les dirigeants doivent affronter euroscepticisme grandissant, montée des nationalismes et rejet des partis qui favorisent les formations d’extrême droite. La gauche n’apparaît toujours pas comme une alternative.
Le 29 mai, la Commission européenne enverra aux 27 États membres ses recommandations de réformes. Elles seront basées sur la même idéologie: réforme du marché du travail, des systèmes de retraite et ouverture de certains marchés. « Occupés à colmater les brèches percées dans la « stabilité de la zone euro », les dirigeants européens demeurent sourds à la souffrance sociale », écrit Anne-Cécile Robert dans « Manière de voir » (juin-juillet 2013).
Ayant le sentiment que l’Europe se construit sans eux, les citoyens européens sont sans cesse plus eurosceptiques.
D’après l’étude du « Pew Research Center », le soutien envers l’Union européenne a nettement reculé de 2012 à 2013, passant de 60 % à45 %, soit le plus bas niveau de popularité enregistré. Si, à l’Est, l’opinion reste favorable, la France (60 % à 41 %) et l’Espagne (60 % à 46 %) enregistrent les principales chutes.
Cette désillusion débouche sur une crise politique et démocratique. Depuis deux ans, s’allonge la liste des pays qui ont vu leur coalition voler en éclats, des élections anticipées, un gouvernement d’experts et une impasse politique.
En Italie, le gouvernement de coalition (droite, centre et gauche), piloté depuis avril par Enrico Letta, chute dans les sondages à 34 % d’opinion favorable contre 45 % en avril.
En Bulgarie, les législatives ont débouché sur la victoire du premier ministre sortant, Boïko Borissov (GERB, droite), qui ne peut gouverner faute de majorité.
Croissance en berne (0,1 %), explosion du chômage (10,9 %) et de la pauvreté : l’Europe s’enfonce dans la crise.
Cette situation sociale, le scepticisme à l’égard de l’UE, le recul des partis dits traditionnels aux élections locales ou régionales profitent à des séparatistes en Belgique (N-VA) et en Espagne, et des partis souverainistes comme l’UKIP au Royaume-Uni, qui vit sa pire crise économique depuis les années 1930.
Selon l’institut de sondage YouGov, les Britanniques pointent l’économie (65 %), la santé (35 %) ou les retraites (32 %) comme leurs principales préoccupations. La nouvelle percée de l’UKIP (United Kingdom Independence Party) aux élections locales du 2 mai (1) est due essentiellement à son discours sur l’emploi et l’immigration. « Il perce en particulier au sein d’une population âgée, peu éduquée, qui se sent menacée. Les scandales entachant les partis traditionnels participent à ce rejet », décrit Matthew Goodwin, spécialiste de l’extrême droite à l’université de Nottingham.
Conservateurs et libéraux-démocrates usés par le pouvoir, politiques d’austérité et difficulté des travaillistes à présenter une alternative expliquent aussi ces succès locaux. De même en Bulgarie où le parti d’extrême droite Ataka, aux dernières législatives, a dépassé les 7 %, en tenant un « discours social » et en attaquant les minorités. « Depuis les protestations de cet hiver, les scandales et une pauvreté qui ne cesse de grandir, son score a été multiplié par cinq », constate Vesislava Dereva, du quotidien de gauche « Douma ».
Partout, les forces sociales et progressistes revendiquent des créations d’emplois.
En Italie, 100000 personnes ont défilé le 18 mai contre le chômage. Pour le secrétaire général du syndicat de la métallurgie (FIOM), Maurizio Landini : « Il faut tout recommencer à partir de nouveaux investissements privés et publics, faute de quoi, il n’y aura pas de créations d’emplois. (…) Il faut bloquer les licenciements et réformer l’aide sociale en introduisant un revenu citoyen pour lutter contre la précarité. »
Pour le président du Parlement européen, Martin Schulz, dans « La Croix »: « Il faut ouvrir un débat sur l’Europe. La question ne doit pas être « pour ou contre l’Europe? Mais de quelle Europe voulons-nous ? » (…) « Les élections européennes nous donnent une chance d’engager ce débat. »
Mais parallèlement, la social-démocratie, un des piliers politiques, vit une véritable crise après avoir été l’idéologie dominante en Europe avec Gerhard Schrôder et Tony Blair, impactant l’ensemble de la gauche qui n’apparaît plus comme une alternative. L’UKIP a pu faire son lit et, en Bulgarie, la droite au pouvoir depuis 2009, a été réélue.
Pourtant, Boïko Borissov (GERB) a poursuivi une politique de désendettement sans se soucier de la pauvreté qui touche la moitié de la population et a dû faire face à une vague de protestations sans précédent cet hiver, l’amenant à démissionner. « La coalition de gauche n’est arrivée qu’en deuxième position car elle paye ses années au pouvoir où, sa volonté d’intégrer l’UE, de rompre avec les années communistes, l’a amenée à appliquer les politiques libérales (taux d’imposition unique, privatisations, flexibilité) », explique Vesislava Dereva.
Dans le fond, la question posée est celle de la construction d’une Union européenne alternative jouant un rôle politique, économique et social au niveau international. Par exemple, en luttant contre l’évasion fiscale. Les élections européennes seront-elles l’occasion d’entamer ces débats? Certains partis, fascisants, comme Aube dorée en Grèce, Ataka en Bulgarie, affûtent déjà leurs arguments simplistes pour faire leurs choux gras de la crise que traverse l’UE.
Vadim Kamenka
(1) 23% des voix au plan national.