J’veux pas d’mac do !

Les États-Unis poursuivent leur offensive alimentaire

Lorsque l’on pense malbouffe, on pense États-Unis. Caricatural?

CHRISTOPHE LABBÉ. Disons que les États-Unis ont ouvert la voie de la malbouffe, c’est-à-dire à cette nourriture industrielle non adaptée à nos besoins physiologiques. Trop grasse, trop sucrée, trop salée, bourrée d’additifs chimiques… Ce cocktail a des conséquences terribles sur la santé publique. En France, les maladies dites de civilisation – obésité, diabète, certains cancers – provoquent près de 200.000 décès chaque année. Les États-Unis ont une longueur d’avance, mais nous nous attachons à les rattraper…

Que reste-t-il de fondamentalement différent?

CHRISTOPHE LABBÉ. L’approche de l’alimentation par les consommateurs. L’exigence vis-à-vis de ce que l’on trouve dans l’assiette est plus développée en Europe. C’est cette pression qui a permis de repousser certaines horreurs alimentaires, l’exemple type étant le bœuf aux hormones, dont l’Union européenne a interdit l’importation en 1988. Cela dit, nous l’avons payé cher, et les États-Unis continuent de développer une véritable stratégie agroalimentaire vis-à-vis de l’Europe. On l’a vu avec les OGM. Et l’on a perdu une bataille sur le bœuf lavé à l’acide lactique…

L’industrie de la viande européenne poussait à autoriser cette pratique…

CHRISTOPHE LABBÉ. Tout à fait. Mais c’est surtout le fruit d’un lobbying des États-Unis.

On perd sur la philosophie de production. Jusqu’à présent, celle de l’Europe était de limiter au maximum les contaminations tout au long de la chaîne. Côté États-Unis, on cherche à produire vite, massivement, en limitant les étapes de contrôle d’hygiène au niveau des ateliers de découpe et en compensant le tout par des techniques permettant de nettoyer les produits en bout de chaîne. C’est la même logique qui conduit à tremper les volailles dans un bain d’eau javellisée, procédé que tentent, là encore, d’imposer les États-Unis, mais qui reste pour le moment interdit en Europe. Il n’empêche que la malbouffe finit par s’y imposer sous le coup du lobbying des industriels, des politiques, et d’une pression publicitaire visant à masquer la réalité de ce que l’on a dans nos assiettes.

Quand le basculement, a-t-il lieu?

CHRISTOPHE LABBÉ. Dans les années quatre-vingt. C’est alors que l’on a commencé à « chimiquer » massivement notre assiette. L’agroalimentaire s’est mise à imposer ses lois, pour faire un maximum de profits. On lui a laissé le champ libre pour développer ses marchés, en fixant des règles minimales à la protection de la santé publique. À l’époque, les pouvoirs publics n’ont pas joué leur rôle. Encore aujourd’hui, en France, rien n’oblige à indiquer l’origine des produits sur l’étiquette des plats cuisinés. L’usage d’additif connus pour leur nocivité n’est pas réglementé, et les teneurs en sel dépassent de près de 40 % les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé.

Coauteur de Vive la malbouffe, à bas le bio, Christophe Labbé reviens sur ce qui oppose-ou pas- le Nouveau Continent et l’Ancien. Entretien réalisé par Marie-Noelle Bertrand

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Autre aspect …

La nourriture comme monnaie d’échange

Etats-Unis, Canada, Mercosur… La Commission européenne négocie tous azimuts. Et toujours au détriment des paysans européens.

En quoi un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, fondé essentiellement sur la baisse des tarifs douaniers appliquée aux produits agricoles, serait-il profitable aux agriculteurs français et à l’économie de notre pays en général? En rien, car les deux pays exportent surtout les mêmes produits, céréales et viandes notamment.

Or, la Commission européenne négocie parallèlement avec le Canada, niais aussi avec les pays du Mercosur dont font partie le Brésil et l’Argentine. Eux aussi veulent vendre des céréales et de la viande, tandis que leur soja entre en Europe sans prélèvement douanier depuis 1%2. Dans Ce type de négocia lion, l’Europe utilise les agricultures des pays membres connue monnaie d’échange pour tenter de vendre des avions, des TGV, des produits pharmaceutiques et des services financiers.

Concernant le projet d’accord avec le Mercosur, une étude d’impact commandée par la Commission et portant sur les conséquences, pour les paysans européens, d’une baisse des tarifs douaniers à l’entrée dans l’UE nous indique que les prix agricoles à la production chuteraient de 0,5 % à 3,2 %. Mais, toujours selon la Commission, « dans les régions vulnérables qui sont fortement spécialisées dans les production les plus sensibles », à savoir le bassin allaitant du Massif central, la baisse des prix pourrait atteindre 8 %, voire plus en cas de concurrence accrue de la viande bovine importée.

Une baisse des prix de 8 %, c’est une perte sèche de 8.000 euros sur un an dans un élevage qui vend quelques dizaines de broutards pour l’équivalent de 100.000 euros. Et comme le revenu moyen de cet éleveur est aujourd’hui de 16.000 euros par an, il diminuerait de moitié.

Prétendre, enfin que le consommateur européen sera gagnant en bénéficiant d’une viande moins chère est un mensonge dans un pays où les salaires et les retraites peinent à suivre l’évolution des prix.

Au bout du compte, de tels accords de libre-échange n’enrichissent que quelques entreprises. Mais ils sont susceptibles de ruiner des milliers d’éleveurs et auraient, dans tous les cas, un bilan carbone désastreux.

Gérard Le Puill