Hôpitaux publics et laïcité

La défense de la, laïcité ne supporte aucune faiblesse ni relâche. Des exemples comme celui qui suit sont le reflet d’un quotidien. Il faut être intransigeant, car c’est la défense de notre civilisation laïque.

Non et non, la religion ne fera pas sa loi à l’hôpital. (dixit Patrick Pelloux -Urgentiste)

Les religions ont imposé pendant des siècles leur féodalité, souvent en se servant de la santé, même si parfois elles ont contribué à certains progrès. Alors, actuellement, elles aimeraient bien entrer de nouveau dans l’établissement de soins en s’appuyant sur le droit des malades ou sur l’éthique.

Il y a un domaine dont elles ne supportent pas d’être exclues, c’est celui de la procréation et du sexe. Les intégristes de tout poil ont bien du mal à accepter l’IVG, les préservatifs ou l’accouchement sans douleur.

Mais la justice vient de remettre les pendules à l’heure de 1905. Le 8 novembre 1998, à l’hôpital de Bourg-en-Bresse, un accouchement ne se passe pas bien. L’obstétricien de garde se prépare à intervenir en urgence. Le père, très rigoureux sur la religion, s’oppose à l’intervention du médecin parce que c’est un homme.

Trente minutes passent, lourdes de conséquences en médecine d’urgence. Le temps perdu à négocier a eu pour dramatique conséquence la naissance d’un enfant neurologiquement handicapé à 100 %. Les époux ont attaqué en justice l’hôpital et les médecins, demandant cent mille euros de provision.

Dans pareil cas, il arrive que les familles incriminent les soignants, et jamais elles-mêmes ! Mais qui est responsable ? La cause ou la conséquence ? Le professionnel ou celui qui est à l’origine du drame ?

Cette affaire de Bourg-en-Bresse constitue une jurisprudence très importante dans le droit de la santé et de l’urgence.

La justice a condamné le père de l’enfant à mille euros de frais de justice, car « l’état de l’enfant est totalement imputable à l’attitude de M. Radouane Ijjou ».

« Totalement », car un homme qui empêche les médecins de faire leur job en assume les conséquences. Cela ne signifie pas qu’un médecin peut faire n’importe quoi, mais c’est l’affirmation par la justice de la responsabilité des malades et de leur famille.

La loi de mars 2002 renforçait le droit des malades, mais son interprétation n’était pas un laissez-passer pour permettre aux religions de dicter leur loi sous couvert du consentement des malades ! Il n’est pas rare qu’en urgence la confrontation avec les religions ou des sectes soit un problème majeur.

Des Témoins de Jéhovah aux intégristes, la tension entre laïcité et religion dans les établissements est palpable, y compris chez certains jeunes étudiants en médecine qui portent foulard, kippa, main de Fatma ou croix chrétienne. Mais la commission Stasi de 2003 avait permis de recadrer tout cela dans l’application stricte de la laïcité.

Il aura fallu dix ans pour arriver à ce jugement. Toutes ces années de procédure, de désespérance parfois pour des soignants qui ont tout fait pour sauver un enfant. Tout le monde regrette le handicap dont il a été victime, mais les religieux en comprendront-ils suffisamment les conséquences pour modifier leurs préceptes?

La procédure judiciaire est trop longue, et, surtout, la tendance de nos concitoyens à attaquer les toubibs et sages-femmes pour un oui, pour un non, devient une véritable mode et prend un réel tournant dans la société.

Dans ce cas, la justice a appliqué la loi, et cela est salutaire pour l’indépendance de la santé par rapport aux religions.

Mais le gouvernement actuel aurait-il le courage de faire appliquer la loi de 1905, ou au moins de la protéger ?

Chronique du 18 juin 2008 (ne croyez pas que cela n’existe plus aujourd’hui en témoigne la hargne des extrémistes dans la rue, contre le mariage pour tous, l’adoption, la PMA etc.- MC)

Auteur Patrick Pelloux extrait du livre « Histoire d’Urgences » tome 2,  p. 175 à 178