« Le changement, c’est maintenant » fut d’abord une belle promesse de campagne.
C’est rapidement devenu une incantation stérile. Puis, à mesure que l’inertie du pouvoir se confirmait, des manifestants ont fini par le scander sur le mode ironique. Aujourd’hui, il devient une sommation à agir, et à agir vite.
C’est que l’affaire Cahuzac est potentiellement explosive parce qu’elle touche tous nos concitoyens. Chacun est en droit de se sentir agressé, en tant que contribuable, en tant que salarié à qui on demande de se serrer la ceinture, en tant que retraité dont on veut désindexer les pensions…
Il ne s’agit pas seulement d’une « défaillance individuelle », mais du résultat d’une longue dérive idéologique qui a des conséquences au quotidien sur la vie des gens.
C’est une affaire politique au plein sens du mot. Bien sûr, la justice poursuit son cours. Et l’instruction nous réservera certainement d’autres surprises (…) On s’attend au pire. Mais ce n’est déjà plus l’essentiel.
Les vraies questions sont d’une autre nature.
Et d’abord celle-ci : pourquoi a-t-on nommé à Bercy un homme dont on connaissait les réseaux et les relations, et qui gravitait dans un monde d’affairistes naguère vilipendé par les socialistes ?
Un homme dont on avait pu observer la mansuétude pour Éric Woerth, son « double » sarkozyste, dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne. Il ne s’agit pas d’une « défaillance individuelle », mais d’une dérive idéologique qui a des conséquences sur la vie des gens. Une affaire politique au plein sens du mot. La réponse à cette question est simple et terrible : ce n’est pas une « erreur de casting », mais le résultat logique d’une culture politique qui vient de loin.
Depuis près de trente ans, gauche et droite sélectionnent leurs « élites » dans le même creuset. On patauge dans les mêmes officines de communication ou de désinformation. On dîne aux mêmes tables. On se refile les mêmes tuyaux. On copine sans principe et sans dégoût avec des fachos, pourvu qu’ils aient un bon carnet d’adresses. Cahuzac n’a pas été nommé à Bercy malgré ses relations sulfureuses avec les milieux d’argent, mais en raison même de ces relations.
(…) La fraude et l’austérité apparaissent comme les deux faces d’une même politique. Un système de redistribution des richesses au profit des plus riches et aux dépens de ceux qui n’ont ni la volonté ni les moyens d’échapper au fisc. L’évasion fiscale est la conséquence logique, on oserait presque dire « culturelle », d’un discours néolibéral qui, depuis longtemps, a discrédité l’impôt. (…)
Cahuzac était un peu l’âme damnée d’une politique qui est tout de même d’abord celle du président de la République et du Premier ministre. En théorie, il suffirait que François Hollande applique ses promesses de campagne. (…) Tout le reste (…) ne sera que littérature.
Sieffert Denis, Politis du 12 avril 2013 – Titre original « Ame damnée » – Permalien