Une leçon suisse !

 L’exercice de la démocratie suisse …

Extrait d’un article signé C. Makarian

Les Suisses viennent d’administrer une leçon magistrale à toute l’Europe et même au-delà. Avec 67,9 % des voix pour, ils ont plébiscité l’initiative d’un sénateur chef d’entreprise, Thomas Minder, qui s’était mis en tête de sou­mettre au vote populaire l’octroi aux actionnaires d’un droit de veto sur le montant des salaires des patrons, ainsi qu’une interdiction des primes d’entrée et des indemnités de départ dans les sociétés cotées en Bourse.

Bref, au paradis de la finance, voilà d’un coup que s’annoncent avec fracas la limitation des rémunérations abusives et la fin des parachutes dorés, soit un train de mesures qu’aucune autre nation européenne n’a su ni voulu prendre. Il reste à transformer l’« initiative Minder » en texte de loi, mais le signal envoyé par les électeurs suisses retentit d’ores et déjà dans toutes les capitales.

Deux leçons en ressortent.

Premièrement, la Suisse est capable de s’indigner contre les abus de certains patrons et de réagir avec promptitude, en dépit de la réputation qui lui est faite. Au mois dernier, la prime de départ de 72 millions de francs suisses (6o millions d’euros) que le conseil d’administration de Novartis avait consentie à son ex-président, Daniel Vasella (qui a fini par y renoncer), a provoqué une vague d’indignation.

Le sursaut populaire helvétique marque un coup d’arrêt à ces dérives : les rémunérations du conseil d’administration et de la direction des sociétés devront à l’avenir être approuvées obligatoirement par l’assemblée générale des actionnaires. Autant dire que c’est une réforme éminemment capitaliste, d’inspiration libérale.

Ce qui n’a pas empêché le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, de s’écrier « Vive les Suisses ! » et de s’emparer de la circonstance pour clamer le bien-fondé de la taxe exceptionnelle à 75 % portant sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros annuels – laquelle se situe aux antipodes de la logique suisse. Plus finement le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a salué une « excellente expérience démocratique », en considérant qu’il fallait s’en inspirer. (Chiche. Puisse-t-il mettre en accord cette déclaration avec des consultations populaires pour certains projets de lois… MC)

C’est la deuxième vertu, et pas la moindre, de l’« initiative Minder ». La Suisse vient de montrer qu’elle fait confiance à ses citoyens pour prendre des décisions ailleurs réservées aux experts, après convocation de moult commissions. Le Conseil fédéral était contre Minder, le Parlement aussi ; le peuple suisse a tranché de manière responsable.

Lorsque le peuple français refusa le Traité constitutionnel européen (TCE), il était responsable, ce qui n’empêcha pas les experts, technocrates et lobbyistes de France et de l’Union européenne, de dévoyer la volonté populaire par le traité « de Lisbonne » largement accepté par un Jospin et pour le plus grand profit de quelques uns au détriment des intérêts de la population française.. MC