Les partenariats public-privé (PPP) seraient-sont des bombes à retardement

Malgré les risques, le recours aux partenariats public-privé a explosé depuis leur création en 2004

Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, de nombreuses personnalités de gauche avaient pris position contre les contrats de partenariats publics-privés (PPP).

Au motif que ces dispositifs, qui délèguent à des entreprises la construction et l’exploitation d’infrastructures, sont trop onéreux et trop favorables aux majors du BTP. Certains avaient même alors parlé de  » bombe à retardement  » budgétaire menaçant d’exploser au visage des générations futures.

Depuis l’élection de François Hollande, les critiques subsistent mais le gouvernement ne parle pas d’abandonner ces outils. Il a commencé à esquisser une nouvelle doctrine, moins coûteuse pour les finances publiques. L’idée sous-jacente est de lever le pied sur ce type d’opérations.

L’emballement du recours aux PPP Instaurés par une ordonnance de juin 2004, les contrats de PPP permettent à une collectivité publique de confier à un opérateur privé le financement, la construction, l’entretien et l’exploitation d’équipements collectifs (collège, éclairage, etc.).

En contrepartie de la réalisation du projet, le donneur d’ordres public verse un loyer sur plusieurs décennies – jusqu’à 40 à 50 ans pour les infrastructures de transports. Lorsque le contrat arrive à échéance, la personne publique devient propriétaire de l’ouvrage.

En à peine neuf ans d’existence, les PPP ont connu un emballement spectaculaire : de 146 millions d’euros en 2007, le montant des investissements programmé dans ce cadre a atteint près de 5,6 milliards en 2011, plaçant la France au premier rang européen.

Un peu plus des trois quarts des chantiers ont été attribués par des collectivités locales, le solde relevant d’initiatives de l’Etat.  » Les banques et les industriels les ont promus en mettant en avant deux arguments : c’est plus rapide et ça ne coûte pas plus cher que les autres modalités d’investissements publics « , explique Didier Guidoni, du cabinet de consultants Kurt Salmon.

Un dispositif critiqué

Au Royaume-Uni, ils ont tourné au fiasco dans une soixantaine d’hôpitaux, à cause de remboursements trop lourd.

En France, plusieurs opérations sèment la controverse.

  • L’exemple sans doute le plus emblématique est celui du Centre hospitalier sud-francilien, réalisé par le groupe Eiffage.
  • Le loyer à payer représente  » une somme énorme  » qui  » a mis en faillite  » l’établissement, dénonce l’ancien directeur, Alain Verret, dans un entretien au Journal du dimanche du 3 mars.
  • Les syndicats de l’hôpital, eux, fustigent cette charge financière qui oblige la direction à faire des économies et à supprimer des postes.
  • Plusieurs rapports ont épinglé ces dérives, le dernier en date (décembre 2012) émanant de l’Inspection générale des finances (IGF).
  • Ce document, révélé par Le Canard enchaîné et que Le Monde s’est procuré, constate de  » graves défaillances dans l’utilisation des PPP « .

Les donneurs d’ordre publics y ont recours  » pour s’affranchir des contraintes budgétaires « , déplore l’IGF : la dépense est étalée dans le temps et, jusqu’à une période récente, n’était pas comptabilisée comme une dette dans le bilan de l’acheteur public.  »

Or, poursuit l’IGF, un PPP initié pour des raisons budgétaires est risqué : il incite l’acheteur public à investir au-delà de ce que ses ressources lui permettraient d’envisager avec raison.  » Dès lors, le risque est grand  » de surpayer un investissement  » ou de lancer  » des projets manifestement surcalibrés « .

L’IGF souligne aussi le problème des  » clauses léonines  » qui peut se poser en particulier pour les collectivités locales : celles-ci n’ont  » pas toujours de ressources internes suffisantes pour négocier avec des entreprises disposant de nombreux conseils « . Ce n’est pas le dispositif en lui-même qui est en cause, mais les conditions de sa mise en place, objecte, sous le sceau de l’anonymat, un consultant.  » Les PPP peuvent être tout à fait adaptées à certaines opérations, renchérit M. Guidoni.

Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, les dérives ne sont pas systématiques.  » Selon une étude diffusée en octobre 2012 par l’Institut d’administration des entreprises de Paris-Sorbonne,  » la personne publique se déclare satisfaite ou très satisfaite du respect du coût des travaux  » dans 90 % des projets.

Le pragmatisme du gouvernement

Plusieurs membres du gouvernement n’en restent pas moins très réservés. Dans un entretien au journal Acteurs publics, le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, a déclaré, fin octobre 2012, que les contrats de PPP  » coûtent trop cher sur le long terme « .  » Cette façon de masquer l’impécuniosité de l’État est dangereuse (…) « , a-t-il conclu. M. Hollande, lui, est plus mesuré. Lors d’un déplacement à Bordeaux, le 10 janvier, le président de la République a regretté  » de mauvaises surprises avec ces partenariats « . Mais il ne veut pas les  » jeter aux gémonies « .

A Matignon, on précise que le sujet est abordé  » sans tabou « .  » Les mauvais PPP sont ceux qui transfèrent de la dette « , déclare un conseiller mais il existe aussi des partenariats  » de type péage qui ont du sens « .

Cette réflexion laisse entendre que le gouvernement a désormais une préférence pour les  » dispositifs concessifs  » financés par l’usager et non pas par le contribuable, observe un bon connaisseur du sujet.

Avantage : les collectivités publiques sont moins sollicitées, sur le plan financier.

Dans ce contexte, le nombre de projets pourrait reculer, même si l’exécutif ne le dit pas officiellement.  » Le cadre reste encore à définir « , indique-t-on dans l’entourage du premier ministre. Des annonces pourraient être faites au début du printemps

Source : Bissuel Bertrand, – Le Monde  Permalien