La SNCF lance son offre de TGV du pauvre
Des TGV rose et bleu circuleront à compter du 2 avril. Il faudra prendre ces trains présentés comme moins chers sans trop de bagages et loin des centres villes. Le low cost est sur les rails.
Nouvelle opération de communication tonitruante de la SNCF, hier. Guillaume Pepy, son dirigeant, s’est rendu en personne à Marne-la-Vallée, à l’est de Paris, pour présenter la première rame de TGV rose et bleu, à classe unique, baptisée « Ouigo ». Les réservations sont ouvertes uniquement via un site Internet dédié, pour cette offre de transport ferroviaire à bas coût, censée répondre aux besoins des familles et des voyageurs groupés, et surtout faire face à la crise et à l’arrivée de la concurrence.
En réservant de trois à six mois à l’avance l’une des 400.000 places mises en vente chaque année, le prix du billet variera de 10 à 85 euros (5 euros pour les moins de douze ans accompagnés d’un adulte) de Marne-la-Vallée vers Montpellier (Saint-Roch), Marseille‑Saint-Charles et Lyon-Saint-Exupéry, notamment à bord de rames doubles qui permettent d’embarquer 1.268 passagers simultanément, contre 1.000 dans les TGV classiques. La voiture-bar a été supprimée pour faire de la place.
Les places assises y sont comparables à celles de la 2e classe actuelle des TGV, garantit la SNCF. Mais il y a des « mais ». Il faudra se présenter au plus tard trente minutes avant le départ, n’être muni que d’un bagage et d’un sac à main et s’acquitter de suppléments (5 euros par bagage supplémentaire, 2 euros pour accéder à une prise de courant…).
Voyager à partir de gares excentrées signifie par ailleurs rejoindre ensuite les centres-villes. Ainsi la navette de bus qui relie la gare TGV de Lyon-Saint-Exupéry au cœur de la ville, par exemple, coûte la bagatelle de 15 euros! Et pour la CGT des cheminots, cette offre réserve bien d’autres mauvaises surprises, en forme de « coups bas pour les usagers et les cheminots ».
« Sachant que le moindre incident matériel reporterait les voyages sans aucune garantie de délai, puisque ces usagers ne seraient pas autorisés à emprunter un TGV classique », la CGT a déjà alerté « des conséquences désastreuses que cela provoquerait sur l’image de la SNCF, celle des cheminots et leurs relations avec les usagers ».
Le syndicat relève qu’avec ce TGV low cost, la SNCF « réinvente la 3e classe à grande vitesse ». Des offres de TGV du pauvre, qui, comme pour l’aérien, « se font toujours au détriment des droits des salariés, de l’emploi et des salaires ». « Si cette organisation peut répondre à des demandes et des cas individuels, pour la CGT, le fond reste irrecevable. »
Laurence Mauriaucourt
LA SNCF TRIPLE SON BÉNÉFICE !!!!
En 2012, la SNCF a triplé son bénéfice net, à 383 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 33,8 milliards d’euros en hausse de 3 %. Elle a épongé une partie de sa dette à hauteur d’un milliard d’euros (celle-ci s’élève désormais à 7,3 milliards). Les branches SNCF Infra (entretien du réseau) et voyageurs ont bien rapporté mais, côté marchandises, une nouvelle baisse de 1,6 % est enregistrée. La SNCF prévoit de réaliser 150 millions d’euros d’économies, en 2013.
OUI MAIS … la vérité n’est pas si simple. Il faut lire les « Conditions Générales de vente et de transport OUIGO® – Version n°1 applicable à compter du 20 février 2013 – Permalien et se dire que des frais annexes importants sont à additionner au prix réduit proposé … pour s’apercevoir que ‘est une fausse impression.
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Le Point : a testé « le TGV low cost de la SNCF »
Nous avons voyagé dans le nouveau train à 25 euros. Malgré 1 268 sièges et un aménagement à haute densité, il reste confortable. Voici nos impressions.
La rame, bleu turquoise avec les portes peintes en rose, flashe en gare de Marne-la-Vallée à deux pas de Disneyland. La SNCF n’a pas cherché à faire du neuf avec du vieux. Les motrices sont parmi les plus récentes et les voitures duplex « monoclasse » ont été entièrement réaménagées et équipées de sièges de TER de dernière génération très confortables. Ces derniers sont bien espacés et disposés 2-2, sauf dans les trois salles basses des anciennes voitures de première où l’agencement 1-3 (sans accoudoir) peut séduire les familles et les groupes. La signalétique pour trouver son siège est même plus claire que sur les trains classiques. Avant de monter, un contrôleur vérifie votre billet, mais aussi que votre bagage ne dépasse pas 55 x 35 x 25 cm – la norme du transport aérien pour être placé sous le siège. Un sac à main ou une sacoche d’ordinateur est également autorisé, et le bagage supplémentaire coûte 5 €. Compter 2 € pour réserver un siège dans une voiture équipée de prises électriques et 1 € la possibilité de recevoir par SMS les incidents majeurs du voyage. Cette dernière option consiste à transférer sur le client le coût de la communication indispensable du transporteur…
En supprimant la voiture-bar, la SNCF fait d’une pierre trois coups. Un poste déficitaire est supprimé, l’activité de restauration ferroviaire n’ayant jamais été rentable. La voiture, en partie réaménagée en espace de repos pour le personnel de bord qui s’en félicite, compte aussi des sièges supplémentaires pour les passagers, soit au total 1 268, 20 % de plus qu’un TGV classique.
400 000 sièges à 10 euros
À 10 euros le trajet région parisienne-Marseille ou Montpellier parcouru à 300 km/h, on en a pour son argent. Cette desserte Ouigo, qui démarre le 2 avril avec trois allers et retours par jour (cinq le week-end) de Marne-la-Vallée, veut démentir la croyance – souvent vérifiée – selon laquelle le TGV en France est devenu cher. (…)
Copié-collé du low cost aérien
Comme Beauvais est préférée à Roissy-CDG pour les aéroports, Marne-la-Vallée d’une part et Lyon-Saint-Exupéry d’autre part sont choisies comme gares au détriment de la gare de Lyon à Paris et de celle de Part-Dieu à Lyon, toutes deux saturées, incapables d’accueillir des dessertes supplémentaires. Autres bonnes raisons, les sillons, ces créneaux à négocier avec RFF, le gestionnaire du réseau, y sont disponibles et moins coûteux. Pour le client loisirs, prendre le RER A pour descendre à la gare de Lyon ou prolonger son trajet jusqu’au terminus de Marne-la-Vallée (supplément de 7,30 €) reste une contrainte minime. Notons aussi que les parkings automobiles y sont plus disponibles qu’en centre-ville et moins chers, environ 50 euros pour une semaine. Certes, c’est élevé en comparaison d’un billet de train à 10 euros.
EasyJet avait demandé à Airbus de développer une version spéciale monoclasse de l’A319 au nombre de sièges portés à 156. La SNCF fait de même avec les rames duplex Ouigo où les trois voitures de première classe et celle du bar sont supprimées et transformées en espaces classiques à haute densité.
Autre règle incontournable du low cost, toute la commercialisation passe par Internet avec des billets non remboursables et échangeables avec pénalités.
Il n’y aura toujours qu’un conducteur par convoi, mais le salaire de celui-ci, comme celui des autres accompagnants, sera mieux amorti et la maintenance aura lieu la nuit pour optimiser l’utilisation des trains – de 11 à 13 heures par jour. C’est aussi une manière de s’affûter avant l’arrivée de la concurrence des autres compagnies ferroviaires en France en 2016.
Thierry Vigoureux – Le point – Permalien
Une réflexion sur “Un TGV moins cher, pas si sûr !”
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