Les associations militant contre le racisme s’inquiètent de la prolifération des propos racistes, antisémites et xénophobes sur Internet.
#unbonjuif, #unjuifmort, #unarabemort, #unnoirmort, #SiJetaisNazi… ces « hashtags » (mots-clés) ont entraîné dernièrement un déferlement de messages à caractère raciste et antisémite sur le réseau social Twitter utilisé par 6 à 7 millions de Français.
« Cachés derrière leur écran, certains internautes pensent pouvoir s’affranchir de toutes les règles en comptant sur un anonymat qui leur conférerait l’impunité, estime Alain Jakubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). À tort, puisqu’il est possible d’identifier et de poursuivre les auteurs de ces messages.
Avec la loi sur l’économie numérique et la mise en place de la plateforme Pharos, qui permet de signaler les contenus illicites sur Internet, la réglementation française est au maximum de ce qu’elle peut faire. Mais il en va autrement des organisations extrémistes : pourvues d’importants moyens techniques et financiers, elles échappent plus facilement à la justice. »
Un sentiment d’impunité
Interne offre un véritable boulevard aux organismes idéologiques qui profitent de la vitesse des réseaux numériques, de leur absence de frontières, mais aussi de législations différentes en fonction des pays où leur serveur est domicilié, pour déverser leurs messages de haine.
« L’expression raciste sur Internet est également plus difficilement détectable et donc punissable, notamment dans le cas du révisionnisme, pointe ». Stéphane Grégoire, juriste en droit des technologies de l’information et de la communication qui a participé au rapport « Lutter contre le racisme sur Internet » publié en 2010 par Isabelle Falque-Pierrotin, alors présidente du Forum des droits sur l’Internet. Elle bénéficie également d’un niveau de tolérance différent selon les pays et leur histoire. C’est particulièrement vrai des États-Unis, qui, au nom du premier amendement de leur Constitution permettent une liberté d’expression, y compris en ce qui concerne les propos racistes qui seraient jugés illicites en France. »
Des outils de régulation
Pourtant, Internet n’est pas une zone de non-droit. Les grand opérateurs (Google, Yahoo…), eux-mêmes, ont mis en plat des mécanismes de régulation et des systèmes de contrôle (outils de prévention, algorithmes). « ils témoignent d’un vraie prise de conscience, note Alain Jakubowicz, même s’il se révèlent insuffisants, les extrémistes ayant toujours un longueur d’avance. »
Pour Stéphane Grégoire, la difficulté se niche dans l’effet « volume », mais aussi dans les mentalités. « Internet offre une caisse de résonance à des propos qui, sans ce vecteur, seraient restés confinés. Dans les espaces sociaux que sont le web et les stades de football, on retrouve la même problématique de diffusion de propos racistes qui peuvent être sanctionnés par des juges s’ils en sont saisis
Un vrai travail de prévention est donc nécessaire, non seulement pour éduquer à l’utilisation d’Internet, mais aussi aux règles de la vie en société, dont le respect d’autrui et de la différence. »
QUEL DISPOSITIF INTERNATIONAL?
Divers leviers existent au niveau international pour lutter contre le racisme sur Internet. Sous l’égide des Nations Unies, les Conférences mondiales contre le racisme de Durban engagent les pays signataires à mettre en œuvre des plans d’action ciblés.
La Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe, fixant les lignes directrices des législations des 47 pays qui en font partie, comporte, depuis 2003, un protocole additionnel relatif aux actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques. L’ Union européenne a, quant à elle, adopté, en novembre 2008, une décision-cadre incitant les 27 États membres à recourir à des instruments pénaux comparables. Des progrès notables certes, mais encore dépourvus de vrais moyens d’action.
Des Chiffres
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Plus de 9.000 propos racistes et/ou xénophobes ont été transmis en 2011 à la plateforme de signalement des contenus illicites de l’Internet (soit 10% de l’ensemble), contre moins de 2.000 en 2009.
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30% des plaintes pour injures et diffamations à caractère raciste ont donné lieu à des poursuites en 2011.
Katia Vilarasau – Valeurs Mutualistes N°282 –Janv-Fev 2013