En barre, en plaquette, ou à la cuillère, le chocolat fait recette. A tel point qu’aujourd’hui les grands groupes craignent pour leur approvisionnement en cacao. Entre les nouvelles demandes, en hausse constante, et une production de fèves qui stagne, va-t-on finir par manquer de chocolat?
Tous les industriels du chocolat ont une angoisse : ne plus pouvoir fournir les rayons de barres, plaquettes, et autres gourmandises cacaotées. La fin du monde avant le 21 décembre 2012 ? Noël sans chocolat, retour aux oranges ? Car entre vieux continents et nouveaux mondes, on raffole tous du chocolat. Ily a l’Europe et les États-Unis, historiquement gros mangeurs de chocolat (11 kg par an et habitant en Suisse), mais il y a aussi les pays émergents.
Chaque année, la demande mondiale augmente ainsi de 2,5 à 3 %. Les Brésiliens en consomment déjà 2 kg par habitant et par an. Mais surtout, les Indiens comme les Chinois se découvrent amateurs de la denrée et en enfournent 100 grammes par an et par habitant. Alors, les industriels tirent le signal d’alarme.
En janvier dernier, le PDG de Barry Callebaut (chocolatier suisse qui détient Van Houten) prophétisait la pénurie d’ici 10 ans. En juin, encore plus alarmiste, le secrétaire général de l’Alliance des pays producteurs, Naga Coulibaly, prédisait que, si rien n’était fait « dans 50 ans ou un siècle, on ne pourra plus avoir de cacao ». La conférence mondiale du cacao en novembre à Abidjan en Côte d’Ivoire, le premier pays producteur de cacao, avait surtout pour but « d’assurer les approvisionnements ».
Pour comprendre leur angoisse, il faut retourner à la base : le cacaoyer, un arbre qui ne s’épanouit qu’autour de la ligne de l’équateur, sous de bonnes conditions d’humidité et un sol riche. 70 % de la production mondiale est issue de l’Ouest africain : Côte d’Ivoire (environ 35 % de la production mondiale) et Ghana en tête. Le reste est partagé entre Indonésie, Nigeria, Brésil et Cameroun.
Si, en Côte d’Ivoire, la production a régulièrement augmenté et atteint un record de 1,5 million de tonnes en 2011, ce n’est toujours pas assez. Changements climatiques, difficultés des paysans… Dans ce pays, l’or brun est produit par près de 900 000 exploitants, sur de petites surfaces. Les rendements sont faibles, les plantations ont vieilli. Les routes sont en mauvais état. Et pendant 12 ans, les paysans ont été livrés à eux-mêmes et aux fluctuations des prix internationaux par la libéralisation du secteur décidée par le FMI et la Banque mondiale.
Si une nouvelle réforme a été mise en place, toujours par le FMI, et garantit un prix aux producteurs (60 % du prix d’exportation), les effets ne se font pas encore sentir. En attendant, les producteurs vieillissent, l’attrait de productions plus rémunératrices et moins fragiles, comme l’hévéa, incite les paysans à délaisser le cacao.
Quant à la pénurie, attention, préviennent les spécialistes, les chocolatiers ont tendance à l’exagérer. Les cours mondiaux, eux, restent relativement bas. Le vrai défi, c’est avant tout de remettre le planteur à la base du système, lui donner envie de produire du cacao et surtout qu’il y gagne sa vie.
PIA DE QUATREBARBES