L’austérité en Europe :

Vu de l’Espagne.

EFFACER LA DETTE ?

Extrait (….)

Espagne, Portugal, Italie, Grèce : ce sont les plus frappés par les mesures de la troïka (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne), qui étouffent de larges franges de la société, menacées par l’exclusion et la pauvreté. Toutefois, des protestations ont également eu lieu en Allemagne, en France et en Belgique. (…)

L’austérité comme seule et unique mesure (…)  n’a donné aucun résultat, et aucune amélioration de la situation n’est attendue dans les mois à venir. Si l’on s’en tient aux indicateurs économiques et sociaux, la situation de presque tous les pays de l’Union européenne est pire que celle de l’année dernière. Les inégalités se sont accrues, tout comme l’instabilité sociale et politique, dans une bonne partie de l’Europe, où l’on observe qu’il n’y a tout simplement pas de travail pour de larges secteurs de la société.

C’est en Espagne que le taux de chômage est le plus élevé d’Europe. La Grèce est sur le point de la dépasser, suivie par le Portugal, la France et l’Italie. Il est paradoxal de constater qu’alors que le mécontentement et le chômage vont croissant Mme Merkel et la troïka félicitent ces gouvernements pour avoir appliqué les instructions reçues. La visite de la chancelière allemande à Lisbonne et à Athènes [début octobre et le 12 novembre] n’est rien d’autre que du cynisme.

Il est fréquent d’entendre des plaintes concernant le manque d’envergure du personnel politique. (…)  Mais le problème ne vient pas tant des politiciens que de la politique, de la manière de faire face à une crise armé de solutions dont on sait pertinemment qu’elles ne fonctionneront pas.

Nous pouvons bien sûr chercher les responsables parmi les gestionnaires précédents. Mais cela ne servirait pas à grand-chose. Ce qu’il faut changer, ce sont les méthodes politiques qui mettent la Grèce, le Portugal et l’Espagne dans une situation chaque jour plus difficile pour le paiement de leurs intérêts.

Ne serait-il pas temps d’effacer tout ou partie de la dette, comme cela a été fait si souvent au cours de l’Histoire ? Je ne vois pas d’autre issue.

Lluis Foix – La Vanguardia Barcelone

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Vu par l’Angleterre

LE REMÈDE EST PIRE QUE LE MAL ADMET LE FMI

Extrait,

L’austérité est bien plus nocive que prévu pour l’économie, selon l’institution internationale.

Cette annexe technique s’est avérée un acte d’insurrection. Selon une étude publiée par le Fonds monétaire international (…) les effets de la politique budgétaire sur la croissance sont plus importants qu’on ne le pensait. La conclusion politique est évidente : une austérité excessive est contre-productive. Il faut y mettre fin.

Il ne faut toutefois pas faire dire au FMI ce qu’il ne dit pas.

Il ne dit pas que la rigueur est trop dure (…). Il dit simplement qu’elle ne permettra peut-être pas d’atteindre son objectif – réduire la dette – dans un délai raisonnable. Les auteurs de ce document font deux observations. D’abord, le multiplicateur budgétaire utilisé dans les modèles de prévision, y compris ceux du FMI, est généralement 0,5. Cela signifie que pour chaque dollar ou euro de dépenses publiques en moins, l’économie se contracte de 50 centimes. Une hypothèse irréaliste dans la situation actuelle. (…)

Ensuite, le FMI estime qu’en réalité le multiplicateur devrait s’échelonner de 0,9 à 1,7. Pour les pays périphériques de la zone euro, on est plus proche du haut de cette fourchette. Alors, supposons qu’il soit de 1,5. Cela signifie qu’un tour de vis budgétaire équivalant à 3 % du produit intérieur brut (PIB) se traduirait par une contraction de ce dernier de 4,5 %. Et 3 %, c’est à peu près ce dont a besoin l’Espagne pour atteindre son objectif budgétaire pour 2013. On peut donc prévoir le genre de récession qui attend ce pays.Si l’on tient compte de l’effet multiplicateur, il est évident que la baisse de 0,5 % du PIB prévue par Madrid pour 2013 est largement sous-estimée.

Quelles sont les implications politiques de cette analyse ?

On peut espérer, à tout le moins, qu’elle persuadera les gouvernements européens de renoncer à leur lutte obstinée et vaine contre les déficits nominaux pour s’attaquer plutôt aux déficits structurels (…). Rien qu’en faisant cela – ce qui, à mon avis, serait loin d’être suffisant -, ils mettraient au moins fin au cercle vicieux dans lequel ils enchaînent les plans de rigueur pour tenter d’atteindre un objectif nominal totalement arbitraire (la limitation du déficit à 3 % du PIB).

(…)

Les conclusions qu FMI ont choqué les Européens, qui ont réagi très vivement à Tokyo où se tenait, du 10 au 13 octobre, l’assemblée annuelle du FMI. En osant remettre en cause le consensus en faveur de l’austérité, un consensus qui fut si difficile à construire, l’organisation « ne fait que créer de la confusion », ont-ils déploré.

Reste une question : pourquoi le FMI agit-il ainsi ?

Je pense qu’il a compris que la politique actuelle ne marchait pas. Le FMI a soulevé un problème important et il faut lui en savoir gré, ne serait-ce que parce qu’il fait ainsi preuve d’autocritique. Certes, personne ne se fait d’illusions sur la possibilité que la zone euro abandonne sa politique à la suite d’une analyse économétrique. (…)

Le mieux qu’on puisse espérer est qu’à terme les conclusions du FMI fassent évoluer le débat. Pour l’exercice budgétaire 2013, elles n’auront aucun effet. Les dirigeants européens sont paranoïaques dès qu’il s’agit de leur crédibilité, et je ne serais guère surpris qu’ils défendent bec et ongles l’austérité jusqu’à ce que cette politique implose. Une ère de sagesse économique finira par s’ouvrir, mais ce n’est pas pour tout de suite.

Wolfgang Münchau –Financial Times – Londres

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Vu par l’Italie

Extrait

1)      En finir avec l’austérité

Tout juste créé, le Réseau européen d’économistes progressistes lance un appel « pour une autre politique » économique en Europe. Et propose six pistes de travail.

Les politiques d’austérité doivent être inversées et les conditions drastiques imposées aux pays recevant des fonds d’urgence européens doivent être radicalement révisées, en commençant par la Grèce. Les contraintes dangereuses contenues dans le traité budgétaire (TSCG) doivent être supprimées, afin que les pays membres puissent conserver la maîtrise de leurs dépenses publiques et sociales, et gérer leurs politiques salariales. De son côté, l’Union européenne doit assumer un rôle plus actif de stimulation de la demandé, de promotion du plein-emploi et d’engagement dans une nouvelle direction, celle du progrès durable et équitable. Les politiques européennes devraient réduire les déséquilibres des comptes publics en obligeant les Etats membres dégageant des surplus à s’ajuster également.

2)       Redistribuer les revenus

Les politiques européennes doivent impulser une redistribution des revenus qui réduise les inégalités, et s’orienter vers une harmonisation fiscale, mettant fin à la concurrence fiscale par un transfert du poids de la fiscalité du travail vers celle des profits et de la richesse. Les politiques européennes doivent défendre et développer les services publics et la protection sociale. Le droit du travail et la négociation collective doivent être défendus ; les droits des travailleurs sont un élément fondamental des droits démocratiques en Europe.

3)      Revoir le fonctionnement de la BCE

Pour résoudre la crise financière, marquée par l’interaction entre la crise bancaire et celle de la dette publique, la Banque centrale européenne doit jouer le rôle de prêteur en dernier ressort sur les dettes publiques. Le problème des dettes publiques doit être résolu par une action com­mune sous la responsabilité des pays de la zone euro, les dettes publiques doivent être soumises à l’évaluation d’audits publics.

4)      Taxer les transactions financières

Une réduction radicale de la taille du secteur financier est nécessaire, via la taxation des transactions financières, l’élimination de la spéculation financière et le contrôle des mouvements de capitaux. Le système financier doit être socialement contrôlé ; il doit être transformé afin de promouvoir des emplois et des investissements productifs socialement utiles et écologiquement soutenables.

5)      Réduire la consommation d’énergie

Une transition écologique complète permettrait à l’Europe de sortir de la crise. L’ Europe doit réduire son empreinte écologique et sa consommation d’énergie et de ressources naturelles. Ses politiques doivent mettre en valeur de nouveaux modes de production et de consommation. Un vaste programme d’investissement favorisant la soutenabilité économique peut fournir des emplois de qualité, en développant les compétences dans de nouveaux domaines innovants et les possibilités d’action au niveau local, en particulier en ce qui concerne les biens publics.

6)      Plus de citoyens dans les rouages européens

La démocratie doit être renforcée à tous les niveaux en Europe. L’Union européenne doit être réformée et la concentration des pouvoirs entre les mains de quelques Etats et institutions sans justification démocratique, en cours depuis le début de la crise, doit être inversée. L’objectif est d’aboutir à une plus grande participation des citoyens, à un renforcement du rôle du Parlement européen et à un contrôle démocratique bien plus réel sur les décisions importantes.

Face au risque d’effondrement, les politiques européennes doivent prendre une autre direction. Une alliance entre la société civile, les organisations syndicales, les mouvements sociaux et les forces politiques progressistes est nécessaire pour sortir l’Europe de la crise engendrée par le néolibéralisme et la finance. Le Réseau européen d’économistes progressistes se donne comme objectif de contribuer à ce changement.

IL Manifesto Rome

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Vu d’Allemagne

LE MODELE ALLEMAND, OUI…A PETITE DOSE

Quatre cents journalistes du monde entier réunis à l’Elysée pour interroger François Hollande et une seule question sur les relations franco-allemandes…

Quel tournant ! Les deux dernières années de la présidence Sarkozy ont été dominées par la question des relations entre la France et l’Allemagne. Les deux pays se présentaient comme un duo. « Merkozy » dirigeait l’Europe (…). Puis Hollande a placé à la tête de son gouvernement Jean-Marc Ayrault, un homme qui devrait être une aubaine, mais qui suscite plutôt de nouveaux malentendus outre-Rhin. Il connaît l’Allemagne par cœur – ce qui ne veut pas dire qu’il soit adepte du « modèle allemand ».

Bien au contraire. Jean-Marc Ayrault est un Français affirmé et un Européen convaincu, qui connaît très bien les atouts et les faiblesses de l’Allemagne. Il sait parfaitement quelle dose d’Allemagne administrer à ses concitoyens. A son grand dam, Nicolas Sarkozy en a prescrit une surdose. M. Ayrault sait surtout que la politique fonctionne différemment de part et d’autre du Rhin.

(…)

En Allemagne, on sous-estime souvent la difficulté qu’il y a à faire accepter des réformes aux Français. Néanmoins, Hollande et Ayrault veulent moderniser leur pays. Ils veulent même libéraliser le marché du travail et alléger les charges des entreprises – en principe, selon le modèle allemand. Ils ont créé une banque d’investissement qui ressemble fort à la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), établissement de crédit public qui finance des missions d’intérêt général), ils tiennent au système de formation en alternance et ils sont adeptes du partenariat social à l’allemande. Mais si les deux socialistes français venaient à le reconnaître ouvertement, ils signeraient leur arrêt de mort politique.

Certains éléments de la gauche n’ont guère d’affinités avec l’Allemagne, et ils sont têtus. Aussi le tandem Hollande-Ayrault s’emploie-t-il à faire passer ses objectifs sans que les Français s’en rendent compte. Sous des airs d’inconstance, ils avancent réellement, comme le montre la récente baisse de 20 milliards d’euros du coût du travail – qui a même surpris, et enchanté, le Medef.

Du point de vue allemand, la situation semble stagner. Ainsi s’est répandue l’idée du « nouvel homme malade de l’Europe ». (…)

(…) Depuis des semaines, patrons et salariés négocient en coulisses pour conclure des accords sur l’emploi que François Hollande est décidé à imposer si nécessaire par décret. Une fois encore, l’idée vient d’Allemagne. Elle doit aboutir à une flexibilisation du marché du travail, mais personne n’en parle en ces termes, naturellement.

En visite officielle à Berlin, Jean-Marc Ayrault s’est entretenu avec la chancelière Angela Merkel pour la sensibiliser à cette ambiguïté politique.

Süddeutsche Zeitung (extraits) Munich

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Vu de Grèce

Un nouveau plan Marshall

Le chef de file du groupe parlementaire Syriza (gauche grecque), Alexis Tsipras, s’exprime dans les colonnes de Die Zeit (Hambourg).

« Il faut en finir avec la politique d’austérité. Elle produit de la récession, fait monter la dette et baisser les rentrées fiscales. Nous devons mener de nouvelles négociations avec nos créanciers pour examiner à la loupe les conditions de l’accord de crédit. Ensuite, il faut procéder à une annulation généreuse de la dette au profit de la Grèce, sur le modèle de ce qui a été fait au profit de l’Allemagne en 1953, dans le cadre de l’accord de Londres. En outre, pour relancer l’économie, nous avons besoin d’investissements publics et d’un nouveau plan Marshall. Quand nous en serons arrivés là, nous devrons, en Grèce, reformer rapidement l’Etat et l’économie. De ce point de vue, il sera grand temps que ce ne soient plus seulement les pauvres et les couches moyennes qui paient des impôts, mais aussi les riches. »

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Vu du Portugal

Renégocier la dette

Francisco Louça, 56 ans, économiste, a dirigé de 1999 à novembre 2012 le Bloco de Esquerda, parti de la gauche alternative qui compte huit députés.

Dans une interview publiée par Visào, il propose des solutions radicales pour sortir de la crise. D’abord, la renégociation de la dette : « En ramenant l’intérêt de la dette publique à 0,75 %, nous réduirons annuellement le déficit de 4,75 milliards d’euros. » Louça suggère d’appliquer aux intérêts de cette dette un impôt qui rapporterait environ 1,1 milliard d’euros. Ensuite, on pourrait tirer plus de 1 milliard d’euros de la fin des exemptions d’impôts dont bénéficient notamment l’Eglise et les banques « alors que de nombreux Portugais vont perdre un mois de salaire à cause de l’augmentation de la taxe foncière ». Et si les banques qui achetaient jusqu’ici de la dette portugaise n’en veulent plus, Louça voit deux alternatives. D’une part, un moratoire de la dette ; d’autre part, la création d’un impôt sur les capitaux qui ont fui le Portugal. 18 milliards l’an dernier, 20 milliards cette année. Tout doit être fait pour relancer la demande intérieure et annuler la dette. « Sinon, prédit Francisco Louça dans Pùblico, nous aurons de nouveaux plans de sauvetage toujours plus destructeurs. »

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Dossier vu dans « Courrier international » N° 1151 -22/28 Nov. 2012