A travers cet article nous pouvons penser que tous les cultes se valent et … penchent a droite de leur dieu sans doute … Mais libre à chacun de faire son appréciation sur le sujet. MC
Spécialiste de la finance, le nouvel archevêque de Canterbury, numéro un de l’ Église anglicane, n’a pas vraiment le profil habituel.
Les voies du Seigneur sont impénétrables, c’est vrai, mais elles ont rarement été aussi tortueuses que celles qui ont abouti au choix du nouveau chef de l’Église d’Angleterre.
Lorsque le cent quatrième archevêque de Canterbury, Rowan Williams, a annoncé au mois de mars qu’il allait quitter ses fonctions, Justin Welby ne faisait absolument pas partie des noms cités pour prendre sa succession. Il faut dire qu’il n’était évêque que depuis fin 2011.
Mais au fil des mois, on – les fidèles et les bookmakers – s’est aperçu qu’aucun des prélats évoqués pour succéder à Mgr Williams ne convenait. Les candidats étaient un peu, disons, médiocres. Ce qui n’est d’ailleurs guère surprenant : l’Église paie des clopinettes, elle est très démodée et la moitié féminine de l’humanité en est toujours exclue.
Puis, à y regarder de plus près, un homme à l’exceptionnel éventail de talents et au CV des plus intrigants s’est distingué des autres. Un spécialiste de la Bible qui avait passé les onze premières années de sa carrière dans l’industrie pétrolière est devenu archevêque. C’est ainsi qu’à 56 ans Justin Welby, évêque de Durham, sorti de nulle part, l’a emporté.
Il sera non seulement, à la tête de l’ Église d’Angleterre, une organisation controversée dans un pays largement laïcisé, mais aussi, de facto, de la Communion anglicane mondiale, forte de 8o millions d’âmes (dont un quart au Nigeria) et déchirée par la question de l’homosexualité. Le bien-aimé Rowan Williams avait renoncé à réconcilier toutes les factions. Et à seulement 62 ans, en proie au désespoir, il se retire dans un collège de l’université de Cambridge.
Mgr Welby fera-t-il mieux ?
Il est tout sauf un bigot à l’esprit borné. Feu son père avait failli épouser l’actrice Vanessa Redgrave ; il a fait ses études à Eton et à Cambridge ; sa mère est aujourd’hui mariée à un travailliste ; et puis il y a le pétrole, même si l’histoire manque de glamour : Justin Welby est devenu trésorier d’ Enterprise Oil – un poste sans grand intérêt mais vital pour la santé de l’entreprise.
Son intérêt pour la religion était connu de ses collègues, mais il n’en faisait pas étalage. Aussi, lorsqu’il a décidé de quitter la vie en entreprise, en 1989, et de se préparer à l’ordination, il a suscité l’étonnement.
Justin Welby n’a pas tardé à refaire sa vie dans la peau du recteur évangélique de la St James’s Church, dans la petite ville de Southam, dans le comté du Warwickshire [au centre de l’Angleterre], avec sa jeune épouse et, peu à peu, ses cinq enfants.
« Il a du charisme. Lorsqu’il demandait à une personne de faire quelque chose, elle le faisait parce que c’était lui », se souvient Terence Hill, le bedeau de l’église.
A Welby aussi, on confiait sans cesse des missions. Au péril de sa vie, il est allé travailler avec les rebelles au Nigeria et a côtoyé au moins un auteur de massacre au Burundi. « Et j’aimais bien ce type, même si je savais qu’il avait tué des dizaines de milliers de personnes », a-t-il récemment révélé. Puis il est devenu doyen de la cathédrale de Liverpool, une fonction très en vue, avant d’être promu à Durham.
Et pendant tout ce temps, l’homme se construisait la réputation de meilleur spécialiste du capitalisme de toute l’Église, ce qui le mena jusqu’à la commission du Parlement britannique sur les standards bancaires, poste qu’il entend bien conserver.
Assurément, aucun des 104 précédents archevêques d’Angleterre n’a passé les dernières semaines avant sa prise de fonction à se poser des questions sur le modèle de Volker (ancien directeur de la Réserve fédérale) et la captation réglementaire.
Son texte préféré sur le capitalisme est l’encyclique de 1891 du pape Léon XIII , Rerum novarum. On y lit notamment : « Il faut rapidement trouver un remède adéquat pour éradiquer la misère et la pauvreté qui pèsent injustement sur la majeure partie de la classe ouvrière », mais aussi : « Le droit devrait favoriser la propriété et la politique devrait viser à ce qu’autant de personnes que possible deviennent propriétaires.
- A présent sous les feux éblouissants des projecteurs, Justin Welby parviendra-t-il encore à satisfaire tout le monde ?
- A œuvrer pour la moralité des entreprises tout en restant gentil avec son conservateur de Premier ministre ?
- A faire que les anti-homosexuels acharnés du Nigeria cohabitent en harmonie avec les Américains de gauche ?
- A faire croire aux Anglais que l’ Église compte réellement ?
Une chose est sûre, il n’a pas moins de chances qu’un autre.
Matthew EngeI – Extrait du Financial Times, Londres
Lu dans « Courrier international » N° 1151 – 22/28 Nov. 2012