En recoupant les résultats électoraux du Front national dans 77 communes, une étude de l’ Ifop extrapole sa possible implantation municipale, objectif affiché de Marine Le Pen.
La boutique Front national veut ouvrir de nouvelles succursales. Avec seulement 118 conseillers régionaux, une soixantaine de conseillers municipaux et un conseiller général, le parti de Marine Le Pen veut retisser un maillage d’élus locaux pour être « (leur) visage, (leur) voix ». Les élections municipales de 2014 pourraient bien lui en fournir l’occasion, selon une étude de l’ Ifop.
« Marine Le Pen n’a pas, contrairement à son père, fait l’impasse sur l’implantation locale », explique l’institut. Lors de l’université d’été de La Baule, elle ciblait 531 villes où le FN, ayant réalisé de bons scores aux législatives, était « fondé » à présenter des listes aux municipales. L’ Ifop a resserré cette liste aux « 77 communes de plus de 4 000 habitants dans lesquelles le FN a franchi la barre des 40 % au second tour ». Parmi celles-ci, le sondeur en a répertorié 17 où le parti d’extrême droite a « même atteint ou dépassé les 50 % » : Les Saintes-Maries-de-la-Mer (72 %), Tarascon (57,4 %), Cogolin (52,7 %)…
Une implantation du Front national aux élections municipales constituerait « un événement politique d’importance ». Mais si l’étude reconnaît qu’il n’est « pas évident d’extrapoler les résultats des prochaines élections municipales sur la base des législatives », un examen attentif révèle une réelle possibilité d’implantation dans plusieurs villes dépassant les 20 000 habitants.
À Hénin-Beaumont, où le FN progresse d’élection en élection depuis qu’elle s’y présente, Marine Le Pen avait recueilli 55,10 % des suffrages en juin. Mais c’est sur les villes du Sud que le Front national mise le plus. À Miramas (Bouches-du-Rhône), la FN Valérie Laupiès avait totalisé 48,5 % aux législatives. Dans la ville voisine d’Istres, qui chevauche les 16e et 13e cantons du département, les scores sont inquiétants. Le 16e canton enregistre 53,80 % de vote FN grâce au désistement de l’UMP Roland Chassain. Dans le 13e canton, la frontiste Béatrix Espallardo totalisait 45,8 % des voix face à un candidat de droite. Si, en 2014, le duel se jouait avec la gauche, le report des voix serait sans nul doute favorable au FN, qui pourrait « faire tomber » cette ville gérée par la gauche depuis 1922.
À Cavaillon (Var), où le FN avait totalisé 49,3 % aux législatives, juste derrière le maire UMP, ou à Fréjus, où le secrétaire national du FN, David Rachline, déjà conseiller municipal, a réalisé 45,1 %, le parti affiche des ambitions. Elles pourraient se concrétiser grâce aux voix de la droite, dont les militants, ici plus qu’ailleurs, traversent facilement le « cordon sanitaire ».
Lire l’étude de l’ Ifop (Rappel la patronne de l’ IFOP est Laurence Parisot !)
- Lire aussi :
Les Bleus (Marine) à l’Assemblée : aux larmes citoyens
Le FN en ordre de marche pour 2014
Le FN rêve d’être fréquentable
Grégory Marin – L’Humanité quotidien – Permalien
Article intégral
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Les causes de la montée en puissance du Front national (FN) sont multiples et de nature très différente. (…)
Les progrès des partis populistes doivent également au jeu de leurs concurrents. Si nous revenons au cas français du FN, c’est d’abord à la gauche que ce parti populiste doit ses premiers succès. Au cours de la période 1982-2002, la gauche française a clairement identifié le FN comme un allié objectif. C’est la tactique mitterrandienne consistant à infliger à la droite le supplice du choix entre un rapprochement immoral et une défaite électorale ; c’est François Mitterrand demandant aux responsables de la télévision publique de recevoir plus souvent Jean-Marie Le Pen ; c’est la création et l’instrumentalisation de SOS Racisme ; c’est l’introduction de la proportionnelle en 1986 limitant la victoire de la droite et faisant entrer au Parlement une flopée d’élus frontistes, etc.
L’instrumentalisation du FN produit en effet des bénéfices pour la gauche jusqu’aux élections législatives de 1997, où elle n’aurait pu devenir majoritaire sans la contribution du Front national à la défaite de la droite sous l’effet des « triangulaires » ; jusqu’aux élections régionales de 1998, où, dans quelques régions, la droite cède à la tentation de l’alliance – notons que dans tous les cas il s’agit de l’ UDF et non du RPR –, avant de reculer piteusement sous le feu des critiques. Ironie du sort ou justice immanente, c’est au détriment de la gauche que la « tactique Mitterrand » produit son effet le plus violent : l’élimination de Lionel Jospin dès le premier tour de la présidentielle, le 21 avril 2002 !
Si la droite gagne l’élection présidentielle de 2002, cette fois grâce au FN qui élimine le candidat du PS, elle mesure cependant la force de la menace. (…) Entre 2002 et 2007, N. Sarkozy a construit sa singularité sur la revendication d’un discours se voulant « décomplexé », notamment sur l’insécurité et l’immigration. Il doit indiscutablement à cette nouvelle posture une part déterminante de son élection à la présidence de la République (…)
Mais son erreur est d’avoir à son tour cédé à la tentation d’instrumentaliser le FN, en favorisant l’installation, cette fois-ci au cœur du débat public, de thèmes tels que l’immigration, l’insécurité ou l’islam afin de mettre la gauche en porte-à-faux sinon hors-jeu. Car la crise économique et les difficultés inhérentes à l’action gouvernementale ont radicalement modifié les tenants et les aboutissants d’une telle stratégie. Imperceptiblement, pour faire face aux critiques ou pour tenter de retrouver une popularité régulièrement altérée, ces thèmes ont peu à peu joué un rôle prépondérant dans le discours public. Or, plus la droite se distinguait de la gauche sur ce point, moins elle se distinguait du Front national (…)
DES CAUSES PROFONDES ET TRANSNATIONALES
Pour autant, ce ne sont pas là les seules ni les principales raisons qui permettent de rendre compte de la montée du Front national. Il faut en effet observer que les partis populistes et xénophobes renaissent ou fleurissent partout en Europe, rencontrant des succès électoraux de plus en plus souvent spectaculaires, (…) Il existe donc des causes à la fois plus profondes et transnationales à la montée du FN. (…)
Leur succès est porté par la conjonction de facteurs lourds, tels que le vieillissement démographique et la globalisation économique qui se referment sur l’Europe comme un étau, tandis que la crise des finances publiques prive les États des moyens qui leur avaient permis jusque-là de soutenir la cohésion sociale et de contenir la poussée de telles forces politiques. (…)
(…) Au fur et à mesure que se déploient la globalisation et le déclin démographique de l’Europe, les électeurs deviennent plus sensibles aux sirènes de la xénophobie.
Une chose est sûre : le populisme n’est pas un problème qui se pose à la droite, mais un problème qui se pose à la France et à l’Europe. (…)
Dans la décennie qui vient, les partis de gouvernement, les Etats et l’Union européenne devront imaginer la réponse adéquate à ce puissant phénomène politique car il est potentiellement dévastateur.
Dominique Reynié, Le Monde Permalien
Les extraits sont sélectionnés par MC
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La montée en force du FN : faux coupable, vrai danger
Entraîné par son pote Buisson N. Sarkozy a bel et bien proférer un certain nombre d’imbécilités ces dernières années [de son quinquennat] ― qu’il se mêla de la question Rom ou qu’il revisite notre identité nationale. Mais lui faire porter [seul, la remontée] du lepénisme est aussi absurde que de lui reprocher de ne pas avoir forcé les Bahamas, Monaco et les Iles Cayman à mettre la clé sous la porte pendant son mandat.
Le Front national, un parti d’extrême droite assez porté sur la xénophobie, pollue notre paysage politique depuis quarante ans et, s’il faut s’en désoler inlassablement, lutter sans ménager ses efforts contre son influence pernicieuse, le réduire à un phénomène dont les hauts et les bas dépendraient de l’occupant (sic) d’un hôtel particulier du VIIIe arrondissement de Paris est surtout la marque d’une incapacité à envisager le monde autrement qu’en Gaulois provincial et borné.
Si tous les pays d’Europe sans exception, des Pays-Bas à l’Autriche, de la Grande-Bretagne à l’Italie, du Danemark à la Suède, de l’Espagne à la Belgique, de la Suisse à la Hongrie, ont leur propre version de cette machine à rabougrir les esprits, c’est sans doute qu’il s’y passe des choses (…).
Et s’intéresser à la manière dont une poignée de contrées françaises vieillissantes, dépassées par le mouvement de l’histoire, à ce point effrayées par le bouleversement des grands équilibres, stigmatisées par les médias, qu’elles en regretteraient presque le bon vieux temps de la Guerre froide, se jettent dans les bras de démagogues à grandes gueules serait peut-être plus pertinent…
Bah, Sarkozy et Buisson [après qu’ils furent] fichus à la porte des palais nationaux par une [majorité de gauche], le Front national aurait dû n’être plus qu’un mauvais souvenir, [mais c’était sans compter sur François Copé !] (…)
Propos tenu par Hugues Serraf, journaliste. Permalien
Article révisé par MC – les parties en italique et entre crochets
Note générale Les (…) désignent des parties de texte supprimées ne présentant pas un intérêt primordial pour la compréhension de texte – MC
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Prendre connaissance des infractions du FN lorsqu’il est en position d’élu ….