Trois avis pour vous faire une idée personnelle de la situation en Syrie, sans oublier les intérêts géopolitiques des USA dans l’acheminement du pétrole Irakien « passant » directement en Méditerranée au lieu du très dangereux détroit d’Ormuz. MC
Le cynisme et les mensonges de Frédéric Pons
Patron du service étranger de l’hebdo naguère sarkozyste Valeurs Actuelles, où il défend avec constance une ligne pro-américaine, pro-OTAN, pro-israélienne (et tout ce qui, dans le monde arabo-musulman s’est aligné peu ou prou sur cette lignez), Frédéric Pons a eu à plusieurs reprises les « honneurs » d’Infosyrie, pour l’ensemble son oeuvre anti-Bachar al-Assad, pro-ingérence et (longtemps) pro-rebelles. Sur ce dernier point, toutefois, on a pu constater une certaine « prise de distance » de notre éditorialiste, gêné à ses entournures occidentalistes, comme nombre de ses confrères de droite, par le caractère de plus en plus violent, sectaire, islamiste radical en un mot, de nombre de rebelles syriens.
Trois mensonges en un feuillet et demi !
Mais le tropisme anti-syrien est décidément trop fort chez Pons pour qu’il renonce à son rêve frustré, la chute du régime baasiste, qui porte à ses yeux la double tare rédhibitoire d’être un allié de l’Iran et du Hezbollah et un adversaire affirmé de l’ »axe du Bien » israélo-occidental ». Et donc Pons consacre dans le numéro de cette semaine de V.A. son édito au « plan secret » turc pour faite chuter le gouvernement syrien. La Turquie pourrait donc passer, assure-t-il (sur la base de quelles informations exclusives ?) à la vitesse supérieure, les répliques d’Ankara aux deux ou trois obus syriens (pas sûr d’ailleurs) tombés à 2 ou 300 mètres de la frontière prouvant selon Pons la ferme résolution d’Ankara.
L’édito de l’honorable correspondant de l’OTAN au sein du groupe Valmonde (société éditrice de Valeurs Actuelles et du Spectacle du Monde) est court, mais assez long néanmoins pour distiller trois ou quatre mensonges gros comme le déficit américain :
Pons ose parler de la « patience diplomatique » du gouvernement Erdogan, mise à mal par les provocations et exactions supposées du régime syrien. Mais alors que dire de la patience du dit régime syrien ! Depuis plus d’un an, la Turquie est la base arrière de l’ASL et des bandes armées qui ensanglantent le pays ; c’est en Turquie que les rebelles reçoivent armes, argent, appui logistique et même entraînement de la part d’officiers turcs et d’agents de la CIA ; les derniers incidents sont survenus précisément parce que, à Tal al-Abyad et en d’autres points, les rebelles se battent le dos à la frontière turque, derrière laquelle ils se réfugient ou évacuent leurs blessés. Mais peut-être M. Pons ne sait-il pas lire une carte de la région ?
Pons va jusqu’à écrire qu’en passant à l’attaque contre l’armée syrienne, Erdogan satisferait son opinion publique « qui réclame un engagement plus marqué ». Tiens donc ! Alors que TOUS les sondages (trois ou quatre à notre connaissance) qui ont été publiés en Turquie à ce sujet montre un refus majoritaire des Turcs de toute guerre contre leur voisin : le dernier, publié début octobre par le quotidien Hürriyet donne le chiffre de 64% de turcs défavorables à la ligne belliciste du pouvoir (voir notre article « Avec ou sans Erdogan et son Parlement, l’opinion turque pour la paix avec la Syrie », mis en ligne le 5 octobre 2012) ; alors que TOUS les partis de l’opposition parlementaires, de gauche et de droite, ont dénoncé depuis ds mois la ligne provocatrice et belliciste du gouvernement Erdogan ; alors que des milliers de manifestants ont défilé à Istambul et Antioche, contre la guerre et pour l’expulsion de l’ASL du territoire turc…
-Pons, qui se pique d’être un spécialiste chevronné de ces questions, ne craint pas d’écrire, pour présenter le conflit syrien à ses lecteurs, de le présenter comme la lutte des héroïques combattants de l’ASL, bouclier des sunnites, qui sont, écrit-il, « matraqués par les alaouites syriens« . En être encore là après 19 mois de crise, quand tout démontre que la rébellion, et c’est son handicap majeur, n’a rallié à son panache vert qu’une minorité (sans doute plus minoritaire encore qu’il y a un an) des sunnites syriens, et échoué à convaincre les chrétiens et les alaouites bien sûr, mais aussi les Kurdes et les Palestiniens, oui, livrer pareille « analyse » ravale M. Frédéric Pons au rang de stagiaire d’I-Télé (et dans notre bouche, ce n’est pas majoratif !)
Et, droit dans ses bottes de cow-boy néoconservateur, Pons conclut son papier en évoquant avec gourmandise la « suite des opérations » : l’armée turque créant une « zone libérée » dans le gouvernorat d’Alep, créant ainsi une légitimité territoriale et politique à l’opposition CNS/ASL contrainte jusqu’à présent de s’abriter dans quelques villages de la zone-frontière. Et ainsi Alep « serait transformée en base d’assaut » contre le régime syrien. Tout ceci correspondant, assure notre stratège otanesque, au « plan secret » (de Polichinelle) ourdi par la Turquie, le Qatar et l’Arabie séoudite. Il fallait bien que Frédéric Pons conclue sa litanie de mensonges par un faux-scoop !
Un ours nommé Syrie
On lui suggérera qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, surtout quand l’ours en question résiste depuis 19 mois à une formidable coalition internationale, l’alliance de la CIA, des bobos occidentaux et des barbus pour faire simple. et qu’il (l’ours) est plutôt en passe de faire de la bataille d’Alep le Stalingrad de la rébellion. Mais sans doute ce « détail militaire » a-t-il échappé à notre visionnaire occidental… Quant à l’offensive libératrice turque, elle n’a pas vraiment démarré.
Belliciste, désinformateur, agent d’influence de l’Amérique et du Qatar – on serait tenté d’ajouter « irresponsable » car ce grand défenseur des chrétiens et d’Israël se croise en cette circonstance pour l’islamisme radical – Frédéric Pons nous revient, en cette rentrée 2012, en une forme éblouissante !
Louis Denghien, Permalien
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Alerte ! Arour le boucher est en Syrie
D’abord, nos médias ont fait mine d’ignorer son existence. C’est qu’il faisait un peu tache d’huile sur leur joli tableau printanier. Une fois que sa barbichette teinte au henné a inondé les écrans télé des pays du Golfe et les rues syriennes acquises à la rébellion, ces mêmes médias ont eu le culot de traiter ses détracteurs de propagandistes du régime de Damas. Le quidam dont on parle ? Adnane Arour, la Bête de l’apocalypse syrienne.
Originaire de Hama, Adnane Arour est un ancien soldat de l’armée syrienne. Il a été limogé, dit-on, pour une sombre histoire de viol. Il s’engage ensuite dans l’insurrection anti-baathiste. Mais la répression le contraint à fuir le pays. Durant son exil saoudien, il se recycle dans le takfirisme, un courant sunnite radical qui prône l’Inquisition contre tous les courants religieux non sunnites à commencer par les chiites et les alaouites considérés comme « pires que les Juifs ».
A partir de 2006, il anime une émission sur Wissal TV où il exhorte les jeunes sunnites à aller égorger les hérétiques chiites et alaouites et à « s’occuper de leurs filles entre 14 et 16 ans ». C’est à croire que sa pieuse retraite en « terre sainte » n’a eu aucun effet sur ses pulsions perverses.
En Occident, certains s’étonnent aujourd’hui que la rébellion syrienne puisse faire preuve de tant de cruauté à l’encontre des forces loyalistes ou de simples citoyens qui ont le malheur d’appartenir à la mauvaise confession. Depuis son célèbre appel à « hacher les alaouites » et à « donner leur chair aux chiens » en cas d’insoumission au califat qu’il prône, son nom décore les poubelles de nombreuses villes.
Mais sur les pentes du Djebel Zawiya, le « Peshawar » syrien, une zone montagneuse de la province d’Idlib réputée puritaine et réfractaire aux idées progressistes du panarabisme laïc, Arour fait des émules. Officiellement, les commandants de l’ASL ne voulaient pas de cet énergumène. Mais il y a quelques jours, Arour a été accueilli en véritable Pierre L’Ermite de cette armée prétendument libératrice.
Arour prononça même le discours inaugural du « Commandement central des conseils révolutionnaires syriens » fraîchement créé dans le Nord de la Syrie en présence de son fils Mohammed Arour lui aussi combattant de la rébellion unifiée.
Avec la verve qu’on lui connaît, Arour s’attaque aux opposants prêts à un cessez-le-feu avec l’armée syrienne, reprochant à ces mêmes militants d’être « plus dangereux que le régime ».
A la veille de l’Aïd El Adha, il paraît donc difficile d’envisager le moindre apaisement avec un tel provocateur dans les rangs de la rébellion.
Étaient présents à cette grand-messe démocratique copieusement arrosée d’« Allah ou Akbar » le major de l’ALS Maher Al-Naimi et le lieutenant-colonel Amar Abdullah Al Wawi du Mouvement des officiers libres. Récemment blessé dans une attaque de la base aérienne d’Abou Al Duhur et soigné à Antakya, certaines sources avaient donné Al Wawi pour mort.
A noter aussi que dans son discours, Adnane Arour n’a pas manqué de remercier les Etats turc et jordanien avec une mention spéciale pour la dictature saoudienne : « Moi je sais tous les sacrifices consentis par l’Arabie saoudite » a-t-il confié. Et de conclure par un vibrant remerciement adressé aux « hommes d’honneur du Qatar et du Liban ».
En janvier de cette année, Arour s’était rendu en Libye. En direct de Tripoli, il avait félicité l’aviation de l’OTAN pour son travail de précision dans ses bombardements contre les villes et les quartiers fidèles à Mouammar Kadhafi. Arour demande la même chose pour son pays.
Message très vite reçu par le safari club de BHL qui rempile sur le front syrien aux côtés de ses frères d’armes Kouchner, Glucksmann, Bérès et Bettati (cf. Le Monde, Assez de dérobades, il faut intervenir en Syrie, 22 octobre 2012)
Le Grand Soir tant espéré par les démocrates syriens sincères mais naïfs aura été de courte durée. Avec le retour d’Arour en Syrie, bonjour l’Apocalypse.
Bahar Kimyongür Permalien
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Mais quels principes guident Hollande en politique étrangère ?
François Hollande vient d’appeler « l’opposition syrienne à créer un gouvernement provisoire, inclusif et représentatif ». Et il se dit prêt à en reconnaître la légitimité.
Ces quelques mots soulèvent de nombreuses questions. D’abord, au nom de quoi un chef de gouvernement peut-il décider qu’un autre gouvernement est illégitime ?
C’est contraire à toutes les règles internationales : ce sont les pays qui sont reconnus et non les gouvernements. Par exemple, lorsque le général de Gaulle reconnaît la République populaire de Chine en 1964, était-il devenu subitement marxiste-léniniste ? Eh bien, pas du tout ! Simplement, il y a vu une évidence : cette chine-là existait vraiment, et Taïwan n’était qu’un appendice US.
Imaginez un monde où l’on reconnaît non pas les pays, mais les gouvernements de ces pays. Á chaque changement de gouvernement, il faudrait redéfinir les relations diplomatiques ? L’instabilité deviendrait la règle.
La Syrie existe bel et bien. Elle a un gouvernement légitime, parce que constitué légalement selon les dispositions syriennes. Les choix sont du ressort exclusif des Syriens. S’ils veulent changer de gouvernement, c’est leur affaire, et s’ils ne veulent pas, ce n’est toujours pas notre problème.
Cela s’appelle la « non-ingérence », principe de base des relations internationales. La France l’exige pour elle-même, elle doit s’y tenir pour les autres.
Mais plus encore, sur quels critères François Hollande va-t-il juger ce gouvernement « inclusif », c’est-à-dire ne laissant personne de côté ? Il va vérifier que les hommes de main des Turcs, du Qatar, de l’Arabie Saoudite, les services spéciaux français, anglais, étasuniens, et tutti quanti, ont bien la place qu’ils méritent ? Et pire encore, par quel miracle va-t-il s’assurer de la « représentativité » de cette chose qu’il attend ? En suçant son pouce ? Ce qui semble la méthode la plus scientifique, vu le contexte !
Mais selon ces pseudo-principes, on se demande pourquoi il faudrait se limiter à la Syrie ? Le gouvernement de Bahreïn lui convient, comme celui du Qatar ? Et le prince Saoud, qui fait décapiter au sabre des condamnés selon une moyenne de deux par semaine, ça lui va ? Et rien à dire sur la Jordanie ? J’allais oublier, et Israël, tout baigne ? La colonisation de territoires occupés c’est super, pas vrai ! L’asphyxie de Gaza, ça c’est de la gouvernance, mon pote !
Ce trépignement n’est que ridicule. Mais imaginons la suite. Voilà que la mer s’écarte, et un « gouvernement provisoire » tout droit sorti des poches étasuniennes vient se présenter devant l’invocateur. Comment fait-il pour le conduire à Damas ? Il fait la guerre ?
Un ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Fleury, fait benoîtement remarquer que ça va être dur. Parce que l’armée syrienne compterait deux fois plus d’avions de combat (environ 500 selon cette source) que l’armée française, restrictions budgétaires obligent. Ce même général explique que, même si ces avions ne sont pas tous « modernes », ils sont servis par des pilotes entraînés, expérimentés et préparés à une confrontation avec Israël.
De plus, puisque ce serait une agression en terre étrangère, il faut compter avec la défense anti-aérienne syrienne. François Hollande devrait se souvenir que les Turcs ont testé la défense anti-aérienne syrienne pour lui : leur avion a tenu environ deux minutes au-dessus des eaux territoriales avant d’être abattu : c’est-à-dire qu’il n’a même pas pu survoler le territoire syrien ! Il devrait aussi se tenir au courant de l’actualité : les Russes et les Chinois ont déjà dit qu’ils ne toléreraient aucune intervention militaire en Syrie. Et l’agence Russe RIA Novosti fait presque un papier par semaine sur le système de défense anti-aérienne S-400, qui est décrit comme performant. Il pense peut-être que la DCA syrienne se limite à des pétoires de bédouins ?
François Hollande, par cette déclaration stupide, ridiculise notre pays, et se range sottement dans le mauvais camp, celui qui est méchant et cupide, celui qui est sans avenir !
D.R. Permalien