Le prix de l’aveu

Plusieurs études ont récemment montré à quel point il est aisé de faire avouer aux gens des fautes qu’ils n’ont pas commises. L’assurance et l’autorité de l’interrogateur peuvent suffire.

En août 2011, The Economist relatait ainsi un test élaboré par Saul Kassin et Jennifer Perillo, profes­seurs au College of Criminal Justice, et proposé à soixante et onze étudiants : « Les participants étaient conviés à appuyer sur les touches d’un clavier quand une personne, complice des deux chercheurs, le leur demandait.

Les volontaires étaient informés que la touche ALT était défectueuse et que, si on la pressait, l’ordinateur risquait de s’éteindre, entraînant la perte de toutes les données de l’expérience (…).

En réalité, les ordinateurs étaient programmés pour s’interrompre une minute après le début du test.

Quand cela arriva, les chercheurs firent mine d’être fâchés. Ils prétendirent que toutes les données avaient été effacées et réclamèrent aux étudiants des aveux.

En réalité, une seule personne avait appuyé, par erreur, sur la touche interdite, mais un quart des participants innocents furent si désarmés par l’accusation qu’ils en vinrent à confesser un acte imaginaire (1).»

Variante de cette expérimentation : « Une personne dans la salle, à côté du chercheur, affirme qu’elle a vu l’individu appuyer sur la touché ALT. Dans ce cas, le taux d’aveu grimpe à 80 %

Toujours citée par l’hebdomadaire britannique, une recherche conduite par un groupe d’universitaires néerlandais, et dirigée par le Dr Horselenberg, parvient aux mêmes conclusions.

Quatre-vingt-trois personnes pensaient prendre part à un test de goût pour une chaîne de supermarchés : « Le meilleur goûteur devait gagner un prix, comme un iPad ou une collection de DVD. Les volontaires devaient boire dix canettes de soda et attribuer chacune d’entre elles à une marque. Le logo était caché par un bout de tissu particulièrement facile à retirer, afin d’inciter les participants à tricher.

Pendant le test, filmé en caméra cachée, dix personnes ont effectivement triché. Et huit autres personnes ont avoué avoir triché – alors même que c’était faux et qu’elles étaient prévenues que la tricherie serait punie par une amende de 50 euros.

Le nombre de confesseurs innocents augmente quand des techniques d’interrogatoire plus poussées sont utilisées. » Et The Economist de conclure : « Bien que de nombreuses législations imposent de recouper les aveux avec des preuves, en pratique l’auto condamnation est souvent accablante pour l’accusé – et, semble-t-il, assez simple à provoquer »

(1)   « Silence is golden», The Economist, Londres, 13 août 2011.

Auteur B. B. – Le Monde Diplomatique –Manière de voir, N° 122, Avril-Mai 2012