IMMIGRATION : Vérités contre fantasmes

Thème chéri du Front national, l’immigration est, à la faveur de la crise, plus que jamais présente dans la vie publique française.

Le solde migratoire (1) s’élève pourtant actuellement à 75 000 personnes par an (200 000 entrées moins 125 000 sorties) pour 65 millions d’habitants. Le flux des arrivées, certes supérieur à celui des années 1990, a cependant chuté de moitié par rapport à la période 1955-1975. Et si elle se compare à ses voisins européens, la France accueille moins d’immigrés (2) que les autres. C’est notamment dû au fait que sa démographie naturelle est relativement dynamique, contrairement à une majorité de pays de l’Union européenne, où l’augmentation de la population repose désormais principalement sur les arrivées d’étrangers (3).

Ce courant d’immigration est relativement stable depuis dix ans, malgré les efforts des autorités pour le restreindre. L’immigration de travail ou « choisie » s’est certes développée depuis la loi de 2006, mais elle demeure marginale, tandis que l’immigration familiale (4) reste largement majoritaire.

S’il ne faut pas exagérer le « flux », qu’en est-il du « stock » ?

Le nombre des immigrés – parmi lesquels 38 % sont en réalité devenus des Français – est souvent perçu comme un fardeau pour les finances publiques. Les études économiques à ce sujet démontrent qu’il n’en est rien. Ce que « coûtent » les immigrés en termes de protection sociale est largement compensé par ce qu’ils « rapportent » en cotisations sociales et recettes fiscales. De même, la plupart des études montrent que l’immigration n’a pas d’effets sur le taux de chômage ou sur le niveau des salaires.

Même si l’on ne peut considérer l’immigration sous un angle purement économique, le rappel de ces faits permet d’évacuer de fausses questions. Plus que le nombre des immigrés, c’est leur situation sociale en France qui pose des problèmes, avec leur concentration spatiale (73 % de la population de Seine-Saint-Denis est constituée d’immigrés et d’enfants d’immigrés), leur surexposition au chômage ou encore l’échec scolaire que peuvent rencontrer les jeunes de la seconde génération.

Gabriel Hassan – Alternatives Economiques Hors-Série N°94

Notes

1-  Solde migratoire : différence entre les entrées et les sorties de migrants. Les sorties de migrants étant inconnu, on obtient le solde migratoire par différence entre l’accroissement total de la population et l’accroissement naturel.

2-  Immigré : personne née à l’étranger. Un immigré peut avoir la nationalité de son pays d’accueil, par naturalisation.

3-  Étranger : personne qui n’a pas la nationalité du pays d’accueil. Ce n’est pas nécessairement un immigré.

4-  Immigration familiale : au sein de l’immigration familiale, on distingue les membres de la famille de français, le regroupement familial au sens classique (familles d’étrangers) et les «  liens personnels et familiaux » (personnes dont les liens en France sont tels que le refus d’autoriser le séjour porterait atteinte à leurs droits au respect de la vie privée et familiale ; parents d’enfants scolarisés en France notamment).

5-  Accroissement (ou solde) naturel : nombre de  naissances moins un nombre de décès.

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Des flux stables

200 000 à 210 000 étrangers s’établissent légalement en France chaque année. Parmi eux, un quart d’Européens, soit 55 000 personnes. Les 150 000 personnes restantes sont mieux connues grâce aux titres de séjour. La famille reste leur premier motif d’admission : 80 000 entrées par an, dont 50 000 conjoints, ascendants ou descendants de Français. L’immigration de travail s’est amplifiée depuis 2005, mais ne représente guère plus de 20 000 entrées. Enfin, le nombre d’étudiants a fortement augmenté en quinze ans, de 17 000 en 1995 à 65 000 en 2010 ; mais seuls 6 000 d’entre eux ont bénéficié en 2010 d’un changement de statut, une procédure qui permet aux diplômés de master ou de doctorat de rester travailler en France (possibilité durcie par la circulaire Guéant de mai 2011). Plus généralement, il ne faut pas oublier que beaucoup d’immigrés repartent : le solde migratoire (5) en 2010 n’était que de 75 000 personnes.

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Une intégration minimum

La France a des progrès à faire en matière d’insertion des populations étrangères et immigrées. Le taux de chômage des étrangers, surreprésentés dans les métiers pénibles, est deux fois supérieur à celui des Français, et davantage encore pour les femmes et pour les étrangers hors Union européenne En outre, ces dernières années, le gouvernement a conduit une politique répressive et stigmatisante, guidée par l’obsession de faire grimper les chiffres des expulsions, gonflés entre autres par les renvois de Roms… lesquels, citoyens européens, ne se privent pas de revenir en toute léga­lité sur le territoire. Le contrat d’accueil et d’intégration mis en place en 2007 contient cependant des aspects positifs, comme l’enseignement du français.

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L’immigration ne pèse pas sur les finances publiques

Les immigrés rapportent autant (et même un peu plus) à l’Etat que l’Etat dépense pour eux, ont calculé les économistes Xavier Chojnicki et Lionel Ragot. S’ils sont surreprésentés parmi les bénéficiaires des prestations sociales, leur concentration dans les classes coûtent » moins en matière d’éducation et de retraites. En outre, les immigrés consomment une large part de leurs revenus, ce qui procure des rentrées fiscales sous forme de TVA.

Où trouver ces chiffres

Insee : www.insee.fr , rubrique « Immigrés et étrangers ». Ined : www.ined.fr , Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration : www.immigration.gouv.fr, aller à « Ressources », puis « Etudes/Stats » puis « Publications » pour accéder à la revue Infos Migrations. Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) : rapport annuel sur : www.ofii.fr/IMG:pdf/Rapport_CICI_8ed.pdf . Système d’observation permanente des migrations (Sopemi) : rapport annuel sur www.immigration.gouv.fr/IMG/pdf/Contrib_SOPEMIFR11.pdf . La France sait-elle encore intégrer les immigrés ? Bilan de la politique d’intégration en France depuis vingt ans et perspectives : Haut conseil à l’Intégration (www.ladocumentationfrancise.fr/var/storage/rapports-publics/114000211/0000.pdf . L’immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ?, par Xavier Chojnicki, Lionel Ragot, Les Echos Editions, 2012.