Comprendre l’enjeu des dépassements d’honoraires … Ajout du 28/12/12

Pour le gouvernement, l’écart entre les « tarifs Sécu » et les prix réclamés par les médecins pose un problème d’accès aux soins.

La difficulté de réduire cet écart est le noeud de la négociation entre médecins et Assurance-Maladie.

Les dépassements d’honoraires creusent-ils le trou de l’Assurance-maladie?

Par définition, non. Les dépassements sont des sommes que certains médecins de ville peuvent réclamer en plus du «tarif Sécu»: elles ne sont donc pas remboursées. La dépense est à la charge du patient ou éventuellement de sa complémentaire santé. Les honoraires libres ont justement été créés par Raymond Barre en 1980 pour permettre aux médecins de mieux gagner leur vie sans faire déraper les dépenses de l’Assurance-maladie.

Cette pratique est-elle légale et jusqu’à quel montant?

Les dépassements d’honoraires, à ne pas confondre avec des dessous de table, sont tout-à-fait autorisés pour les médecins dits de secteur 2. Les médecins de secteur 1 ont aussi le droit d’en réclamer en cas d’ «exigence particulière» du patient (consultation à une heure tardive par exemple). La limite inscrite dans la loi est bien floue: le médecin doit facturer ses actes avec «tact et mesure». Seul le conseil de l’Ordre est chargé de vérifier le respect de cette notion et les sanctions sont pour ainsi dire inexistantes.

Pourquoi le gouvernement tient-il à limiter les dépassements?

Ni problème de finances publiques, ni infraction à la loi: le candidat Hollande a promis de s’attaquer aux dépassements au nom de l’ «égalité d’accès aux soins». Tous les Français ne peuvent pas se permettre de débourser de leur poche quelques dizaines d’euros pour une consultation ou plusieurs centaines pour une intervention chirurgicale. Les bénéficiaires de la CMU sont à l’abri (il est interdit de leur facturer des dépassements). Les patients qui ont le plus de difficulté sont ceux qui n’ont ni CMU ni complémentaire santé (un Français sur dix environ) ou ceux dont la complémentaire couvre mal ces dépassements – les fonctionnaires notamment. Les enquêtes sérieuses montrent que les renoncements aux soins pour des raisons financières restent rares, sauf là où l’Assurance-maladie a renoncé à tout remboursement ou presque et où les prix sont totalement libres: optique et prothèses dentaires. L’enjeu est donc d’éviter que ces renoncements s’étendent à certaines spécialités médicales.

Quelle est l’ampleur du phénomène?

Contrairement à une idée reçue, la part des dépassements dans le montant global des honoraires médicaux est restée assez stable au cours de la dernière décennie (2,4 milliards d’euros de dépassements sur 20,9 milliards d’honoraires en 2011, selon l’Assurance-maladie). Le problème vient plutôt de leur concentration dans certaines spécialités: 86% des chirurgiens libéraux sont en secteur 2, tout comme les deux tiers des obstétriciens, et la majorité des ORL et des ophtalmologues. Les généralistes sont peu concernés. La concentration est aussi géographique: l’Ouest parisien, l’agglomération lyonnaise et la région Paca sont les zones les plus concernées.

Pourquoi le problème est-il si difficile à résoudre?

L’écart entre «tarif Sécu» et prix pratiqués par les médecins à honoraires libres peut être réduit de deux façons. Soit en augmentant les tarifs de l’Assurance-maladie. Elle y est prête sur certains actes, notoirement sous-valorisés, en chirurgie notamment, à hauteur de 300 millions – difficile de faire plus compte tenu de son déficit. Soit en incitant ou en contraignant les médecins à modérer leurs dépassements. Mais nombre de médecins et de futurs médecins ne voient pas au nom de quoi ils réduiraient leurs revenus, ayant choisi l’exercice libéral. Si d’autres sont néanmoins prêts à y réfléchir, c’est parce qu’ils savent que leurs patients n’ont pas des moyens illimités. Pour preuve, tous les médecins ont la possibilité de rompre complètement avec la «Sécu»: ils deviennent alors absolument libres de leurs tarifs mais leurs patients ne sont plus remboursés. A peine 964 des médecins libéraux sur 115.000 environ avaient choisi cette option fin 2011, selon l’Assurance-maladie (531 généralistes, 259 homéopathes, acupuncteurs ou ostéopathes, et 174 spécialistes, souvent Parisiens). Solution intermédiaire: faire mieux rembourser les dépassements par les complémentaires. Ces dernières ont une position fluctuante. Certaines sont prêts à s’engager, d’autres freines et évoquent une flambée de leurs cotisations ; elles posent souvent comme préalable des critères de qualité des soins difficiles à définir.

Les médecins sont-ils «trop» bien payés?

Selon l’OCDE, les spécialistes libéraux gagnent en France l’équivalent de 3,7 fois le salaire moyen. Pas volé, estiment-ils, compte tenu de leurs études qui durent au moins dix ans, de leur degré de responsabilité, de la flambée de leurs primes d’assurance découlant d’une jurisprudence de plus en plus sévère en cas d’erreur médicale, ou du coût du personnel qui augmente. Les tarifs Sécu de certaines spécialités, comme la chirurgie, n’ont globalement pas été relevés depuis les années 1990, et l’Assurance-maladie elle-même reconnaît que certains actes se font quasiment à perte. La plupart des comparaisons internationales sont défavorables aux médecins français (le spécialiste allemand gagne 5 fois le salaire moyen). Les revenus sont toutefois très différents d’une discipline à l’autre: d’après la revue professionnelle Le Généraliste, le revenu moyen d’un généraliste a atteint 78.869 euros en 2011. Les cardiologues de ville ont gagné 117.000 euros, les ophtalmos 135.000, les radiologues 149.000 et les anesthésistes 190.000. Tous les spécialistes ne sont pas aussi bien lotis: les endocrinologues plafonnent à 48.000 euros, les psychiatres à 65.000 et les pédiatres à 69.000.

Quid de l’hôpital public?

Les médecins hospitaliers sont autorisés à pratiquer, sur 20% de leurs temps maximum, une «activité privée» à tarif libre. Il s’agit d’éviter que des praticiens de très haut niveau partent pour le privé, voire pour l’étranger, sans faire exploser la masse salariale des hôpitaux. Ces «grands profs» sont souvent ceux qui exigent les sommes les plus élevées et suscitent la controverse médiatique. Le vrai souci est que leur activité est peu ou pas contrôlée : impossible ou presque de savoir s’ils respectent la limitent des 20% et s’ils reversent bien une partie des honoraires encaissés à l’hôpital dont ils utilisent locaux, matériel et personnel, comme ils sont censés le faire. Et surtout, les délais d’attente sont souvent bien plus longs que pour accéder aux mêmes spécialistes dans le cadre d’une consultation «normale» – ce qui est théoriquement interdit. L’hôpital n’est pas concerné par la négociation en cours mais le gouvernement a lancé une mission spécifique sur le sujet.

Auteur et permalien  Olivier Auguste

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Précisions par « Le quotidien du médecin

Consultations longues et forfait médecin traitant

Plusieurs revalorisations significatives ont été actées pour les médecins de secteur I, sous forme de consultations majorées (sortie d’hospitalisation, suivi des insuffisants cardiaques) ou de forfaits.

La valorisation spécifique du rôle de médecin traitant a été actée sous la forme d’un forfait annuel par patient de 5 euros. Cette rémunération forfaitaire a vocation a été généralisée à l’ensemble des patients (hors ALD) à partir de juillet 2013, comme le réclamait MG France.

Par ailleurs, il a été décidé une majoration transversale de 5 euros pour les consultations des patients de plus de 85 ans au 1er juillet 2013 (étendue aux patients de 80 ans à compter du 1er juillet 2014), demandée par la CSMF.

La révision de la nomenclature des actes techniques est également programmée par étapes (juillet 2013, mars 2014 er janvier 2015) pour revaloriser principalement des actes de chirurgie et d’obstétrique.

L’assurance-maladie a précisé avoir programmé un investissement global supérieur au 243 millions d’euros mis sur la table il y a cinq jours. Les complémentaires s’engagent à hauteur de 150 millions d’euros.

Le quotidien du Médecin    Permalien

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Pour les complémentaires une hausse à venir et par conséquence de moins en moins de personnes pourront suivre l’augmentation et se désengageront des complémentaires. Médecine accès aux soins à deux vitesse même plus demain il y aura ceux qui peuvent se soigner et ceux qui mourront ; triste à dire mais réel. C’est ça l’avenir de la médecine et des soins ? MC

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Ajout du 25 Octobre 2012 – Journal Le Monde Permalien

Pour les patients, un gain incertain Se sentiront-ils moins démunis face aux dépassements d’honoraires ? Certains clairement.

Les praticiens de secteur 2 qui s’inscriront dans le nouveau  » contrat d’accès aux soins  » devront faire payer leur consultation au tarif de la Sécu non plus seulement aux cas d’urgence et aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU, pour les plus démunis), mais aussi à ceux éligibles à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), soit plus de 4 millions de personnes ayant des revenus inférieurs à 900 euros par mois. Pour leurs autres patients, les médecins qui ont signé le contrat devront plafonner leurs dépassements au niveau de ceux qu’ils pratiquaient en 2012. Mais comme leur consultation sera remboursée 5 euros de plus, la somme déboursée par le patient sera moindre. Pour entrer en vigueur, l’accord prévoit qu’il faut qu’au moins 30 % des 25 000 médecins qui pratiquent des dépassements inférieurs à deux fois le tarif Sécu aient signé ce contrat. Difficile de savoir s’ils suivront en nombre.

Pour les médecins qui ne signeront pas, il n’y a aucune régulation des dépassements, sauf en cas d’excès. Un système de sanction des tarifs abusifs édulcoré Le gouvernement voulait que les médecins pratiquant des dépassements 2,5 fois supérieurs au tarif de la Sécu puissent être sanctionnés. Un casus belli pour certains syndicats de médecins qui ne voulaient pas entendre parler d’un seuil maximum.Au final, ce taux ne fait plus figure que de  » repère  » et  » pourra faire l’objet d’adaptations dans certaines zones géographiques « .  » Il n’était pourtant pas très bas « , estime Claude Leicher, le président du syndicat de généralistes MG France (gauche). Rien ne dit comment les zones à dépassements plus élevés seront définies, – cela promet encore de longs pourparlers.  » A part Paris, il n’y a pas eu de demande de dérogations de la part des médecins « , nous indique la ministre, qui se veut rassurante.

Autre problème, ce sont des commissions paritaires, constituées de syndicats et de représentants de l’assurance-maladie, qui pourront sanctionner les abus. Elles seront saisies non directement par les patients mais par l’assurance-maladie.  » Les associations, qui avaient fondé beaucoup d’espoir, ont l’impression d’avoir perdu « , s’inquiète Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Les médecins revalorisés Ce n’est pas un hasard si la quasi-totalité des syndicats se préparent à signer l’accord. Ils ont réussi à imposer une revalorisation de leurs tarifs en secteur 1 (sans dépassements), à hauteur de 320 millions d’euros. Cette hausse bénéficiera également aux médecins de secteur 2 qui auront signé le  » contrat d’accès aux soins  » et dont les cotisations seront en partie prises en charge.

Le gouvernement a aussi accepté de satisfaire une vieille revendication des médecins : le passage en secteur 2 de plusieurs centaines d’anciens chefs de cliniques bloqués en secteur 1. Ce qui augmentera le nombre des médecins à honoraires libres. Les complémentaires santé préservées Elles se sont engagées à mettre 150 millions d’euros sur la table pour le secteur 1, mais les médecins auraient aimé qu’elles financent davantage les dépassements des contrats d’accès aux soins.  » Nous dépensons déjà 800 millions d’euros pour les dépassements, il aurait été contradictoire d’en financer encore plus alors que le but est de les limiter « , a expliqué Patrice Henry, le président de l’Unocam, qui les représente.

En fait, les mutuelles préfèrent aider au financement du secteur 1, contrôlé par la Sécu, que le secteur 2, aux dépassements totalement imprévisibles. Mais comme elles ont intérêt à ce que le  » contrat d’accès aux soins  » soit attractif, elles promettent que les 800 millions d’euros iront prioritairement vers les médecins signataires du contrat.

Le gouvernement pressurisé Il ne sort pas forcément renforcé de la négociation, car il a dû reculer plusieurs fois pour obtenir un accord coûte que coûte. Il a notamment cédé sur la non-inscription d’un seuil de dépassements abusifs, même s’il se peut, comme l’espère la ministre, que le facteur de 2,5 soit gravé dans les esprits.

En passant par la méthode traditionnelle des négociations avec les syndicats médicaux, le gouvernement s’est exposé par ailleurs aux rebondissements tragi-comiques qui leur sont propres : vrais-faux départs des négociateurs et coups de poker se sont multipliés au prix d’un manque de transparence. Les patients, eux, sont restés à la porte. Et à plusieurs reprises, Michel Yahiel, le conseiller social de François Hollande est intervenu directement pour sauver une des principales promesses de campagne du président.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Ajout du 28 oct 2012

Les patients seront-ils « les pigeons de la farce » ?

On attendait avec impatience la réaction des associations de patients sur l’avenant n° 8 et on n’a pas été déçu. Christian Saout, président du CISS, dénonce les effets pervers du texte en indiquant que « les pigeons seront les patients ». « Oui, les dépassements les plus élevés seront supprimés. Mais on va garder les dépassements moyens, et pire, on va les légitimer pour tous dès lors que l’on est au-dessus du seuil de l’aide à la complémentaire santé (ACS), soit 900 euros mensuels. Et dans de telles conditions, il ne voit pas « comment on pourrait éviter un rapport de l’IGAS dans deux ans qui dirait qu’on arrive à 3 milliards d’euros de dépassements d’honoraires ».
Le CISS, la Fnath et l’Unaf, ont lancé une Journée d’action sur l’Assurance maladie le 26 octobre. A l’occasion d’un point presse, les associations ont révélé les résultats d’un sondage Viavoice destiné à démonter « l’incroyable écart entre les attentes de nos concitoyens et l’accord qui vient d’être signé ». Ce sondage montre en effet que 8 Français sur dix ne trouvent pas « normal » la facturation des dépassements d’honoraires. Plus des 2/3 des Français (69 %) jugent « abusif » tout dépassement supérieur à 50 % du tarif de la sécurité sociale… alors que l’accord ne permet même pas d’inscrire fermement le seuil de 150 % comme un critère suffisant pour la qualification d’excessif. 86 % des personnes interrogées désirent que les médecins pratiquant des dépassements abusifs soient rapidement poursuivis et 37 % que les éventuelles sanctions soient du ressort de l’Assurance maladie, en concertation avec des représentants de médecins.

Seuls 7 % d’entre eux sont contre un dispositif de sanctions. La participation des complémentaires santé à la revalorisation des honoraires de secteur 1 est jugée « mauvaise » par 61 % des personnes interrogées, parce qu’elle va faire « augmenter le coût des complémentaires santé ». Pour 68 % des sondés, les difficultés liées à la répartition des médecins sur le territoire doivent être abordées conjointement à celles des dépassements d’honoraires. Enfin, une très large majorité de sondés (84 %) estime que les associations de malades et les usagers du système de santé devraient être partie prenante dans les négociations portant sur l’encadrement des dépassements d’honoraires médicaux.
Les résultats de l’enquête menée cette année par les représentants en CPAM du CISS, de la FNATH et de l’UNAF ont également été dévoilés. A partir de l’analyse des éléments adressés par 42 CPAM, il ressort notamment que la part de médecins spécialistes en secteur 2 est souvent plus élevée dans les départements caractérisés par une forte densité médicale alors qu’elle est plus faible dans les territoires présentant des carences en offre de soins de ville. L’enquête porte également sur les tarifs dentaires. Dans ce domaine, Il est nécessaire, pour le CISS, « de protéger les malades et les assurés contre les abus et les prix prohibitifs qui sont pratiqués par certains professionnels de santé ».

Source Annuaire Sécu. lettre N°525