Est-ce cette Turquie … qui voudrait être dans l’Union Européenne !

Fazil Say Idole et tête de Turc

Le pianiste réputé pour ses compositions et pour sa défense de la laïcité est traîné devant la justice. Le pouvoir islamo-conservateur a décidément un problème avec la liberté de création.

C’est un génie du piano qui ose mélanger les genres, un artiste naïf qui croit que les quartiers défavorisés peuvent voter à gauche si on leur donne accès à la musique classique, un fervent défenseur de la laïcité, un brin élitiste.

Pianiste turc de renommée internationale, Fazil Say suscite, dans son pays natal, tout sauf la tiédeur. On l’adore pour ses superbes compositions inspirées des musiques traditionnelles d’Anatolie, qui sont de véritables odes au pays. A l’image de l’accueil réservé à sa symphonie Mesopotamia : cette célébration du Tigre et de l’Euphrate, qui reprend en leitmotiv une vieille chanson kurde, a été applaudie debout par des milliers de spectateurs, lors de sa première, en juin dernier, à Istanbul.

Mais on le déteste lorsqu’il ne mâche pas ses mots pour se plaindre de l’islamisation de la société turque ou de la censure.

Les attaques médiatiques, il connaît. Il en a essuyé, lorsqu’il a déclaré, en 2007, vouloir quitter la Turquie après une écrasante victoire du parti islamo-conservateur AKP. Mais cette fois-ci, c’est autre chose. Le 18 octobre devrait s’ouvrir son procès à Istanbul, pour « atteinte aux valeurs religieuses ». Il risque un an et demi de prison pour avoir partagé sur Twitter des messages revendiquant son athéisme.

Il y citait les vers du poète persan Omar Khayyam, lequel critique les musulmans qui croient que « les flots de vin coulent au paradis ». Dans un autre message, il se moquait de la précipitation du muezzin à lancer son appel à la prière. « C’est incroyable qu’on puisse lui faire un procès pour avoir simplement cité Khayyam, commente Ozlem Ertan, critique musicale au journal turc Taraf. Une éventuelle condamnation montrerait à quel point la liberté d’expression est en train de régresser en Turquie. »

Chez lui, musique et politique sont indissociables Le climat de lynchage qui a suivi l’affaire a poussé Fazil Say à envisager l’exil. « Il n’est plus possible de vivre et de penser librement en Turquie, je vois que je suis exclu à 100 % de la société turque, je pense qu’il est temps pour moi de m’installer au Japon », avait-il déclaré, en avril dernier, au journal Hürriyet. Mais difficile pour le pianiste de quitter ces terres qui nourrissent tant ses oeuvres. Et puis, chez lui, musique et politique sont indissociables. En témoignent ses oratorios sur le poète communiste Nazim Hikmet, exilé mort à Moscou, et sur Metin Altiok, poète victime du massacre de Sivas, au cours duquel 37 intellectuels laïques furent brûlés vifs, en 1993, dans une attaque d’islamistes radicaux. « La plupart des musiciens évitent les sujets politiques en Turquie, raconte la journaliste Zeynep Oral, une proche ». Mais Fazil affiche toujours sa position. Je suis parfois tentée de lui dire : « S’il te plaît, concentre-toi sur la musique. » Au nom d’un certain conservatisme, l’art est aujourd’hui réprimé en Turquie. »

Après avoir passé l’été à enchaîner les tournées et à présenter sa nouvelle symphonie, intitulée Universe, Fazil Say se consacre ces jours-ci à un opéra où il abordera de nouveau le massacre de Sivas. Le jour de son procès, il donnera un concert à Hambourg.

GERCEK BURCIN – L’express

Vu dans le Figaro du 19 Oct 12

Un art libre pour un monde libre. C’est l’un des commentaires que l’on pouvait lire sur les pancartes des protestataires rassemblés, hier matin, devant le palais de justice d’Istanbul. Intellectuels, militants des droits de l’homme ou simples fans: tous étaient venus soutenir le pianiste classique Fazil Say, icône de la Turquie moderne et fervent défenseur des valeurs laïques, lors de son procès pour «atteinte aux valeurs religieuses de l’islam.»

Le journal Le Monde ne se trompe pas en titrant :

Fazil Say, jugé pour blasphème et pour l’exemple et de  poursuivre

(…) Le compositeur clame régulièrement son athéisme et tourne ouvertement en ridicule la bigoterie du gouvernement islamo-conservateur au pouvoir et d’une partie de la population turque, sur un ton que n’apprécie guère l’entourage du premier ministre Recep Tayyip Erdogan. En avril, M. Say avait moqué l’appel à la prière d’un muezzin. « Le muezzin a terminé son appel en 22 secondes. Prestissimo con fuoco !!! Quelle est l’urgence ? Un rendez-vous amoureux ? Un repas au raki ?  » Il avait également eu l’audace de reproduire sur les réseaux sociaux des vers du poète persan Omar Khayyam, auquel il a consacré un concerto pour clarinette : « Vous dites que des rivières de vin coulent au paradis. Le paradis est-il une taverne pour vous ? Vous dites que deux vierges y attendent chaque croyant. Le paradis est-il un bordel pour vous ? »

Depuis, l’artiste, très populaire parmi les Turcs laïques , a cessé de pianoter sur Twitter et s’est fait le plus discret possible dans les médias, se concentrant sur la musique. En juin, la première de sa symphonie, Mésopotamie, a été acclamée pendant dix-sept minutes par un public conquis. Il ne sera pas présent à l’ouverture du procès et espère une décision clémente de la justice. Mais il risque, en théorie, de neuf à dix-huit mois de prison pour avoir enfreint l’article 216 du code pénal turc, qui punit toute « offense propageant la haine et l’hostilité » contre une institution, mais aussi « le dénigrement des croyances religieuses d’un groupe ». Une définition suffisamment large pour laisser libre cours à l’interprétation des magistrats.

« Je n’ai pas insulté l’islam, dit-il, juste « retweeté » des vers que je trouvais amusants. 165 autres personnes ont fait de même, mais je suis le seul à avoir été poursuivi. » (…)

Pour RTBF

Le pianiste turc de renommée internationale Fazil Say, connu pour son athéisme militant, comparaît jeudi devant un tribunal stambouliote pour répondre d’atteintes aux valeurs religieuses des musulmans dans un procès relançant la controverse sur une islamisation de la société turque.

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Voilà bien un aperçu de la mentalité de l’État plus totalitaire qu’il ne laisse paraitre aux yeux du monde. MC