Fraude fiscale, vaste débat !

Facile de tirer sur Bernard Arnault, plus délicat de dénoncer l’arrivée en France des financements Quatari ou de quelconques Émirats.

MC

La révélation, début septembre, de la demande de nationalité belge du milliardaire Bernard Arnault a suscité une polémique sur le manque de patriotisme du riche résident fiscal français. Plus récemment, une autre controverse a porté sur le fait que des Qataris investissent dans l’économie française et les banlieues. Ces deux épisodes ont un point commun : le patron de LVMH et le fonds d’investissement qatari font de l’optimisation fiscale en Europe. En effet, en installant ses sociétés financières dans le paradis belge, Bernard Arnault a multiplié par huit l’actif de celles-ci entre 2008 et 2010, pour un taux d’imposition à seulement 3,84 % !

De son côté, la France est devenue elle aussi un formidable paradis fiscal pour certains pays, européens ou non. Ainsi, les investissements qataris bénéficient d’une convention fiscale très avantageuse. Les placements immobiliers ne sont pas imposables sur les plus-values, et les résidents qataris ne payent pas l’ ISF pendant les cinq premières années.

Les expatriés, toujours plus nombreux, n’ont rien à craindre de Bercy puisqu’ils résident à l’étranger en toute légalité. Fin 2010, ils étaient environ 5 000 millionnaires (dont 2 000 Français) à profiter du bienveillant accueil suisse. Un nombre en hausse de 75 % en dix ans.

Dans son palmarès des « 300 plus riches de Suisse », le magazine helvète Bilan avait recensé en 2011 « 43 exilés français, dont 13 milliardaires, pour un patrimoine total de 36,5 milliards de francs [plus de 30 milliards d’euros]. Parmi les nouvelles entrées dans notre liste, on note Nicolas Puech, principal actionnaire familial du groupe de luxe Hermès, ou encore Denis Dumont, qui possède l’enseigne Grand Frais ». Au sein des familles en tête du classement, les Peugeot, premiers actionnaires du groupe PSA, lesquels ont annoncé récemment la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois.

Riches particuliers et grandes entreprises sont les principaux acteurs de ce marché européen de l’évasion fiscale, qui privilégie les intérêts privés au détriment de l’impôt. Le groupe ArcelorMittal, engagé dans un bras de fer avec le gouvernement à propos de la fermeture du site de Florange, en Moselle, vend l’acier produit en France par l’intermédiaire d’une société « offshore » luxembourgeoise qui dégage de gros bénéfices. La filiale paie 80 % de son impôt sur les sociétés au Grand-Duché, à un taux bien moins élevé qu’en France. Autre avantage, les dividendes ne sont taxés qu’à hauteur de 15 %. « Résultat, en quatre ans, près de 700 millions d’euros auraient échappé au fisc français », indique le Canard enchaîné (3 octobre).

Les grandes entreprises se livrent sans retenue à l’évasion fiscale. Le rapport d’une ONG norvégienne (PCQVP) indiquait en septembre que 2 083 des 6 038 filiales contrôlées par les géants mondiaux du pétrole, dont Total, sont enregistrées dans les paradis fiscaux, la plupart positionnées en Europe ou sous le contrôle d’un État européen. (…) En France, le groupe GDF Suez, dont l’État reste un important actionnaire (36 % du capital), n’a pas caché sa volonté de créer une société financière au Luxembourg.

L’ Allemagne, le Royaume-Uni et l’Autriche ont signé avec la Suisse des accords qui régularisent la fraude fiscale, grâce à un prélèvement forfaitaire effectué par la Suisse sur tous les comptes détenus sur son territoire par un résident de ces pays. « En échange, l’anonymat des clients est préservé.», commentent les sénateurs de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France  (Rapport publié en juillet 2012).

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En France, l’évasion et la fraude fiscales coûteraient 40 à 50 milliards d’euros par an à l’État, dont 15 à 20 milliards par le biais des paradis fiscaux, estime le rapport d’information sur les paradis fiscaux publié en septembre 2009 par la commission des Finances de l’Assemblée nationale. « C’est l’équivalent en 2009 du déficit de la Sécurité sociale », notent les syndicalistes de Solidaires Finances.

Les grands gagnants de cette Europe de la concurrence fiscale sont les riches détenteurs de capitaux, qui peuvent déplacer ceux-ci librement, comme Bernard Arnault.

D’après un article de Politis Permalien