Ce texte est un document destiné à être remis aux hommes qui envisagent de pratiquer un dépistage du cancer de la prostate par dosage des PSA dans le sang. Ce test sanguin largement pratiqué n’est pourtant par recommandé par les instances sanitaires françaises et internationales. Face à cette situation, il est nécessaire que les hommes qui le souhaitent puissent s’informer afin de prendre une décision éclairée.
Aussi curieux que cela paraisse, tous les dépistages ne sont pas bénéfiques. Celui du cancer de la prostate fait l’objet d’une controverse : il est promu par les urologues, mais n’est pas recommandé par les autorités sanitaires ni les médecins généralistes. C’est pourquoi il est important que vous receviez cette information.
Si vous souhaitez simplement vous en remettre aux ont dit, la stratégie est simple : vous avez plus d’inconvénients que de bénéfices à attendre de ce dépistage. C’est l’opinion de la Haute Autorité de Santé française, de son équivalent américain, et de nombreuses sociétés savantes internationales.
Pour autant, impossible de vous promettre que vous n’aurez pas de cancer de la prostate : 3% des hommes en meurent. C’est un cancer qui touche essentiellement les hommes très âgés : l’âge moyen au décès est de 80 ans et seulement 0,1 % des hommes en meurent avant 70 ans.
Ce qui motive la réticence et celles des autorités sanitaires, c’est que ce dépistage ne sauve pas de vies, et n’évite paradoxalement que peu ou pas de décès par cancer de la prostate. En revanche, ce dépistage induit de façon certaine des cas d’impuissance sexuelle ou d’incontinence urinaire chez des hommes encore jeunes, et quelques accidents plus graves liés aux biopsies de la prostate ou aux traitements.
Le bilan de ce dépistage est donc peu favorable. Néanmoins, certains médecins et notamment les urologues le trouvent utile et continuent à le promouvoir. Il est donc encore largement pratiqué. C’est l’existence de cette divergence de point de vue au sein de la communauté médicale qui conduit à remettre ce document informatif. Si vous voulez en savoir plus avant de prendre votre décision, lisez les pages qui suivent.
Notez que vers la cinquantaine, les troubles urinaires tels que des envies plus pressantes et des levers nocturnes sont banals et n’évoquent pas particulièrement la présence d’un cancer de la prostate.
Vous direz lors de votre prochaine consultation si vous souhaitez ou non la prescription d’un dosage des PSA. Si l’analyse présente un taux anormal, il vous sera proposé un toucher rectal pour compléter le dépistage dans un premier temps.
Explications détaillées sur le dépistage du cancer de la prostate
Le principe du dépistage des cancers paraît une évidence : soigner tôt, prendre la maladie à temps pour extirper la tumeur et sauver le patient. Voila qui semble peu contestable. Pourtant et paradoxalement, certains dépistages peuvent entraîner plus d’inconvénients que de bénéfices.
Il n’existe pas de dépistage systématique du cancer du poumon, du pancréas, du rein, de la thyroïde, du testicule, des os ou des ovaires. La raison en est simple : Ces dépistages peuvent faire plus de mal que de bien. Les circonstances qui annulent l’intérêt du dépistage sont les suivantes :
- La maladie est incurable (le dépistage a alors comme seul effet d’apprendre plus tôt au malade qu’il va mourir. C’est le cas du cancer du pancréas.).
- La maladie se soigne aussi bien quand elle finit par donner des symptômes. Un dépistage visant un diagnostic très précoce a donc peu d’intérêt (c’est le cas du cancer du testicule).
- Aucun test simple ne permet d’identifier correctement le cancer avant qu’il ne devienne incurable (cancer des os).
- Et enfin, la cause la plus fréquente : Le dépistage aboutit trop souvent à considérer à tort des lésions non évolutives ou bénignes comme de dangereux cancers, et à opérer ou irradier des gens qui n’auraient jamais été malades.
Quand les vies brisées ou perdues par un dépistage intempestif l’emportent sur celles qui sont sauvées par le dépistage, ce dernier est considéré comme nuisible et n’est pas recommandé. C’est le cas pour le cancer du poumon, des ovaires, de la thyroïde, du rein et, comme nous allons le voir, de la prostate.
Ce que vous êtes en train de lire est donc vrai pour d’autres cancers, notamment pour le fréquent et redoutable cancer du poumon.
Le dépistage du cancer de la prostate n’est pas un acte anodin. Il engage votre santé et n’est pas recommandé par les autorités sanitaires françaises et internationales. Certains médecins, essentiellement les urologues, sont au contraire favorables à ce dépistage.
Le PSA (initiales en anglais de l’Antigène Spécifique de la Prostate) est une substance sécrétée par la prostate. Son taux sanguin augmente avec le volume de la glande, qui croît naturellement avec l’âge. Les PSA peuvent donc être élevées en l’absence de cancer. En cas de cancer de la prostate, ce taux peut augmenter dans des proportions très importantes.
La découverte d’un taux de PSA anormal ou la palpation d’un nodule suspect pourront dans certains cas conduire à des biopsies, qui détecteront ou non la présence de cellules cancéreuses dans votre prostate. La réalisation de cette analyse peut avoir d’importantes répercussions sur votre santé ; une fois son résultat connu, il vous sera peut-être difficile de décider de l’ignorer si le taux sanguin est élevé.
Parallèlement, le toucher rectal permet de rechercher des nodules ou des anomalies de la glande. L’intérêt de cette stratégie n’est pas évident, car du fait de la croissance du PSA avec l’âge, la majorité des hommes qui ont un taux de PSA au-dessus de la moyenne n’ont pas de cancer. Un seuil couramment pris en compte pour commencer à s’inquiéter est un taux de 4 ng/ml. Mais encore une fois cette inquiétude est injustifiée dans la majorité des cas. Si ce chiffre est dépassé à plusieurs reprises, ou s’il augmente rapidement, les urologues proposent de réaliser des biopsies de la prostate. Une aiguille est introduite dans la glande en passant par le rectum et des prélèvements sont réalisés puis analysés pour y rechercher des cellules cancéreuses.
La détection précoce des cancers est considérée généralement comme une bonne idée, une bonne pratique préventive. Pourtant, comme vous venez de le lire, ce dépistage n’est pas toujours utile, voire paradoxalement néfaste pour certains cancers.
C’est plus compliqué quand le dépistage sauve quelques vies, mais qu’il présente des effets indésirables suffisamment graves et fréquents pour en annuler le bénéfice. C’est le cas d’un dépistage qui conduirait trop souvent à considérer comme malade une personne qui ne l’est pas. L’enchaînement des examens et des interventions peut aboutir aux décès de patients qui étaient pourtant en parfaite santé.
Avec le dépistage du cancer de la prostate, nous sommes confrontés au même problème. La présence de cellules cancéreuses dans la prostate de l’homme de plus de 50 ans est très fréquente : près de la moitié des hommes ce cet âge en sont porteurs, et ce pourcentage frôle les 100% au delà de 90 ans. Heureusement, seuls 3% des hommes meurent d’un cancer de la prostate, et généralement à un âge avancé.
De plus, le traitement du cancer de la prostate est loin d’être anodin, malgré les progrès constants de la radiothérapie et surtout de la chirurgie. Les troubles sexuels et les troubles de la continence urinaire restent fréquents et constituent un lourd handicap.
Le risque de mourir spécifiquement d’un cancer de la prostate, ne semble pas diminué par ce dépistage. En revanche, il ressort de ces travaux que de nombreux hommes ayant subi une opération ou une radiothérapie présentent des complications significatives de ces traitements. Le diagnostic précoce par dépistage ne semble par changer suffisamment le pronostic des cancers agressifs, tout en conduisant à opérer ou irradier pour rien des hommes qui n’auraient jamais été malades.
Du fait de ces résultats décevants, aucun pays au monde n’a organisé le dépistage du cancer de la prostate, comme c’est le cas pour d’autres cancers dont le dépistage est reconnu comme utile.
L’Organisation Mondiale de la Santé, la Haute Autorité de Santé française, l’Institut National du Cancer ne recommandent pas le dosage des PSA pour ce dépistage. L’organisme américain d’évaluation des dépistages (USPSTF) vient de publier une réévaluation du dépistage du cancer de la prostate à la lumière des travaux scientifiques les plus récents : elle incite les médecins américains à ne plus pratiquer de dosage des PSA dans un but de dépistage.
Voilà pourquoi il vous faudra réfléchir avant de demander à réaliser cette analyse. Une fois votre taux de PSA connu, et si par malheur il est élevé, le doute sera dans votre esprit et vous serez probablement contraint d’aller au bout de la démarche, avec les inconvénients et les incertitudes exposés.
Mais alors, que faire ?
La médecine est loin d’être armée contre toutes les maladies. Pour de nombreux cancers, la médecine préventive est encore prise en défaut. Nous espérons pouvoir un jour prévenir utilement le cancer de la prostate, comme c’est le cas pour le cancer du col de l’utérus par le frottis de dépistage. En attendant, nous disposons de traitement médicaux qui permettent souvent de contrôler la maladie pendant de nombreuses années, y compris quand elle est découverte à un stade avancé.
En médecine, face à une maladie ou un simple risque, ne rien faire n’est pas toujours la plus mauvaise option, même si cette impuissance désole.
INFOS +
Synthèse (en anglais) dans le British Medical Journal et complément ultérieur par le même auteur.
Rapport de la Haute Autorité de Santé française.
Position et recommandations des urologues français
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Source http://www.atoute.org/n/Informations-destinees-aux-hommes.html