Enrichissement sur la pauvreté …

Au sortir de la guerre les plus anciens se souviennent hélas des achats qu’ils pouvaient faire dans les épiceries. Les produits étaient vendus pour la plus part au détail -en gramme ou en kilo, en quart, demi ou litre, a l’unité ou en paquet. Certes les tickets de rationnement en étaient responsables mais également une grande pauvreté. Les commerçants détaillaient leurs produits en fonction de l’argent dont disposaient la ménagère. Aujourd’hui avec la récession organisée par ceux qui détiennent l’argent et son pouvoir, quelques grandes familles et des banques, nous faisons un retour de 60 ans en arrière alors que les salariés n’ont jamais, par leur travail, produit autant de richesses. MC

Michel-Édouard Leclerc, patron de l’enseigne du même nom, emboîte le pas du géant Unilever, qui table sur le retour de la pauvreté en Europe et du coup revoit une partie de sa stratégie! Le groupe va réduire la taille des produits pour les rendre meilleur marché, mais pas leur prix au kilo pour améliorer ses marges et ses profits.

Le marketing est l’un des leviers de la guerre économique mis au point par les idéologues américains du capitalisme en même temps que le taylorisme, à la toute fin du XIX’ siècle. L’objectif, à travers sa définition, est d’un cynisme étonnant: « Le marketing, c’est l’ensemble des actions ayant pour objectif de prévoir, de stimuler susciter ou renouveler les besoins du consommateur, et de réaliser l’ adaptation continue de l’appareil productif et de l’appareil commercial. » En clair, le consommateur-citoyen est un gibier, même quand il est pauvre!

Dans un entretien à « la Tribune », deux patrons, experts de la grande distribution, Jan Zijderveld, le directeur Europe d’ Unilever, géant anglo-néerlandais de l’agroalimentaire, et Michel-Édouard Leclerc, le patron français du groupe de distribution du même nom, partagent le même constat: « La pauvreté revient en Europe. »

L’Union européenne n’en finit pas avec la pauvreté. En 2010, 16,4% de sa population, soit 80 millions de personnes, vivaient sous le seuil de pauvreté. La République tchèque (9 % de la population), les Pays-Bas (10 %), l’Autriche et la Hongrie (12 %) font partie des pays où la pauvreté est la plus faible.

En France, les derniers chiffres publiés par l’INSEE indiquent une hausse de la pauvreté en 2010.

Le taux de pauvreté atteint 14,1 %, en hausse de 0,6 point, note l’Institut de la statistique, précisant qu’il « poursuit la hausse de 2009 (+ 0,5 point) et atteint son plus haut niveau depuis 1997 ». En 2010, 8,6 millions de personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté monétaire (964 euros par mois), la moitié d’entre elles vivant avec moins de 781 euros par mois. Les taux les plus élevés, supérieurs à20 %, sont observés en Europe de l’Est, en Roumanie et en Bulgarie.

L’Espagne et la Grèce présentent des niveaux de pauvreté similaires, de l’ordre de 20 %: ces deux pays sont fortement touchés par la crise économique et ont vu leur taux de chômage augmenter de manière considérable, notamment chez les plus jeunes. Selon les estimations d’Eurostat, 25,254 millions de personnes étaient au chômage en juillet 2012 dans l’Union européenne (UE), dont 18 millions dans la zone euro. Comparé à juillet 2011, le chômage s’est accru de 2,104 millions dans l’UE et de 2,051 millions dans la zone euro. Michel-Édouard Leclerc, qui partage le point de vue d’ Unilever, prévoit un élargissement de l’offre pour répondre à cette clientèle pauvre en adaptant le conditionnement des produits.

En Espagne ou au Portugal, les yaourts commencent à se vendre à l’unité. Unilever a commencé à vendre, dans la péninsule Ibérique de petits paquets de lessive permettant de ne faire que cinq machines. On est loin des barils de 5 kg. En Italie, beaucoup de magasins vendent en vrac.

Mais la stratégie de vente s’affine. Dans un premier temps, les industriels et les distributeurs ont répondu à cette paupérisation par une gamme de premiers prix.

Aujourd’hui, alors que la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal sont en récession, ils changent de braquet et proposent de nouveaux petits conditionnements. « Si un Espagnol ne dépense plus, en moyenne, que 17 euros quand il fait ses courses, je ne vais pas lui proposer un paquet de lessive qui prend la moitié de son budget », a déclaré, au « Financial Times Deutschland », Jan Zijderveld. Leclerc qui, jusqu’ici, ne menait pas une telle réflexion, commence à s’y pencher avec l’évolution des comportements de consommation au Portugal ou en Espagne. Mais si les Européens s’appauvrissent, l’on pourrait croire que les distributeurs aussi. Et bien, pas du tout!

Pour l’heure en France, Leclerc dit « tirer son épingle du jeu dans un marché atone ». « Nos parts de marché continuent de progresser substantiellement », assure son patron. Et les profits ? Les profits, eux, vont augmenter car la marge sur chaque échantillon est proportionnellement plus élevée que sur les packages. « En Indonésie, nous vendons des échantillons individuels de shampoing pour 2 à 3 centimes pièce et pourtant nous gagnons de l’argent », a ainsi déclaré Jan Zijderveld. Une stratégie commerciale expérimentée dans les pays asiatiques et qu’il veut développer en Europe. Laissons la parole à Warren Buffett, troisième personne la plus riche au monde: « Il y a une guerre des classes, c’est vrai, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui la mène, et nous sommes en train de la gagner. »

JEAN-PIERRE CHAMPIAT – HumaDimanche

LA PAUVRETÉ EN FRANCE

10 Millions

Avec 8,6 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté (964 euros par mois) en 2010,

et une hausse à prévoir de 400 000 du nombre de pauvres par an (tendance sur la période 2009-2010),

la France pourrait franchir la barre des 10 millions de pauvres en 2013.

14,1%

C’est le taux de pauvreté de la population, qui est en augmentation de 0,6 point.

Il poursuit la hausse de 2009 (+ 0,5 point) et atteint son plus haut niveau depuis 1991.