Voilà bien un type d’exposé semblant amener à une solution à la crise mais à bien regarder c’est bien pour la relance de l’économie libérale, qu’il s’agit. Toutefois si j’ai « posté » cet article sur mon blog c’est avant tout parce qu’il faut connaitre toutes les infos afin que chacune, chacun, puisse se faire une idée en connaissance de cause. Mais au fait : les eurosceptiques ont-ils raison ? MC
Cet article trouvé dans l’express est une belle illustration, ci-dessous des extraits
Propos recueillis par notre correspondant Philippe Coste – L’Express 29 aout 2012
Votre livre « Sortez-nous de cette crise… maintenant ! » est un plaidoyer contre la rigueur et le dogme de la lutte anti déficit. Vous n’avez pas impression de prêcher dans le désert ?
Paul Krugman – Face aux républicains américains, sûrement. Bien que j’aie la conviction que les conservateurs se moquent du déficit. Ce qu’ils souhaitent, c’est en finir avec l’Etat providence et diminuer les impôts. Le consensus des élites se résume à saisir le prétexte des déséquilibres causés par la crise pour promouvoir leur agenda habituel, sans égard pour les conséquences économiques de leurs politiques. Ce discours s’est répandu dans l’ensemble du monde occidental. En Europe, à partir de 2010, comme aux Etats-Unis, la classe politique a cessé de parler d’emploi pour ne plus se focaliser que sur le déficit Avec des nuances, certes. L’Allemagne, comme la Banque centrale européenne (BCE), souhaite éviter les régressions sociales tout en affirmant un credo de discipline budgétaire. Mais voyez la Grande-Bretagne : sous le couvert de la chasse au déficit, c’est très clairement l’Etat providence que l’on a attaqué. Et David Cameron en découvre les conséquences aujourd’hui.
D’après vous, l’Europe s’est trompée de bataille ?
Paul Krugman – Au commencement était la Grèce. Personne ne peut nier qu’Athènes avait un problème de discipline budgétaire et porte de grandes responsabilités dans ses déboires. Mais, dans la panique, on a transformé ce pays en explication par défaut de la crise européenne. rappelle cela l’« hellénisation du discours économique » Il cadrait parfaitement avec la tendance naturelle des banques centrales à serrer la vis et à accuser le laxisme social et budgétaire d’être à l’origine des problèmes de la zone euro. Il reflétait aussi le dogmatisme des Allemands, toujours prompts à reprocher aux autres de ne pas égaler leur vertu. C’est oublier à quel point le cas de la Grèce est unique, isolé. Or l’interprétation de sa grave mésaventure a contribué à faire un amalgame qui a justifié le dogme général de la rigueur. Par conformisme, tout autre point de vue a été très vite exclu du débat.
Vous incriminez donc les Allemands ?
Paul Krugman – Historiquement, leur attitude s’explique par une phobie de l’inflation, qu’ils voient comme la source de leur tragédie passée. Mais ils semblent avoir rayé de leur mémoire collective les souffrances causées par les terribles politiques déflationnistes des années 1930. Leur influence à la BCE s’explique, bien sûr, par leur statut dominant en Europe et aussi par l’ambition originelle de faire de cette institution un garde-fou contre l’indiscipline et l’inflation. […] Plus encore, l’Allemagne est le créancier d’une Europe qui a effectivement connu une période d’exubérance. J’aurais pourtant été curieux de voir quels remèdes on aurait proposés si, par exemple, les flux de capitaux étaient venus d’Espagne vers l’immobilier allemand, et non l’inverse.
Etiez-vous dès le départ un eurosceptique ?
Paul Krugman – Oui, je pense que l’euro était une idée romantique, un beau symbole d’unité politique. Mais, lorsque vous abandonnez votre monnaie nationale, vous perdez beaucoup de flexibilité. Il n’est pas évident de pallier ce manque de marge de manœuvre. Deux moyens existent en cas de crise localisée : la mobilité de la main-d’œuvre, pour compenser la perte d’activité, et surtout l’intégration fiscale, pour lisser les pertes de recettes. […]
Comment jugez-vous la réponse européenne à la crise ?
Paul Krugman – Mon propos contre les politiques d’austérité s’adresse aux pays qui ont encore le choix. Ni l’Espagne ni la Grèce ne pouvaient s’affranchir des exigences allemandes et prendre le risque de se faire couper les vivres. La France est dans une situation différente. Si votre pays, lors de la première attaque spéculative contre l’euro, en 2011, présentait effectivement des caractéristiques proches de ceux d’Europe du Sud, ce n’est plus le cas. De mon point de vue, la France n’est pas dans une situation budgétaire critique et n’a pas tant besoin d’une politique de rigueur.
Il faut cependant garder la confiance des marchés… Comment y parvenir ?
Paul Krugman – Je n’imagine pas les pays européens agir par des biais budgétaires. Leur marge de manœuvre est trop étroite. La réponse est monétaire. Elle passe par la Banque centrale européenne. […]
Et la Grèce ?
Paul Krugman – Je ne vois pas comment ce pays peut rester dans l’euro. C’est pratiquement impossible. Mais sa sortie provoquerait un retrait massif des dépôts des banques espagnoles et italiennes, auquel la BCE devrait absolument répondre par un apport de liquidités illimité. Sinon, en deux semaines, la Bundesbank jetterait l’éponge, et c’en serait fini de l’euro.
Quelles seraient les conséquences d’une disparition de la monnaie unique ?
Paul Krugman – Imaginez des dettes libellées dans une monnaie qui, soudain, n’existe plus… Je pense que la zone basculerait dans une récession sévère pendant un an avant que les pays ne retrouvent le moyen de poursuivre leurs échanges et, comme pour l’Espagne et l’Italie, recouvrent un peu de compétitivité. […]
Quelle solution préconisez-vous pour les pays du Sud ?
Paul Krugman – Classiquement, ce serait la dévaluation interne. Je mets à part la Grèce, qui dispose d’une forte économie touristique et maritime mais n’a pas beaucoup de produits à vendre à l’extérieur. En principe, la baisse des salaires permettrait de recouvrer de la compétitivité. Mais aucun pays, pas même l’Irlande et la Lettonie, n’a vraiment réussi à obtenir une baisse réelle des salaires du secteur privé. Par ailleurs, la déflation alourdit le poids de la dette privée en euro. Ajoutons à cela le risque de fuite des capitaux, l’instabilité des gouvernements chargés de ces mesures, et vous aboutissez à une impasse. Les salaires espagnols sont aujourd’hui trop élevés de 3o %, si on les compare à ceux des Allemands. Plutôt que de les baisser de force – impossible politiquement -, pourquoi ne laisserions-nous pas les salaires augmenter outre-Rhin pour relever la compétitivité de l’Espagne ? Cela impliquerait un relâchement de la politique monétaire, et, certes, plus d’inflation en Allemagne.
[…]
Quel avenir entrevoyez-vous pour la zone euro ?
Paul Krugman – Si la BCE prend les bonnes mesures, on pourrait imaginer une amélioration en trois à cinq ans. Mais l’Europe serait toujours fragile. Sa monnaie est une construction bancale et le restera jusqu’à la création d’une garantie bancaire européenne. D’ici là, le système pourrait survivre plus confortablement en admettant, comme un lubrifiant, une plus forte dose d’inflation. Mais rappelons-le : l’Europe n’est pas, fondamentalement, en déclin. C’est un continent productif et innovant il a seulement raté sa gouvernance et ses institutions de contrôle économique. C’est tout à fait réparable.