Armer les Syriens ?

Avant tout pensons à la population sous les bombes enfants, femmes, vieillards mais pour autant ne négligeons pas les éternels conflits entre les sunnites (largement dominants), alaouites, mais aussi druzes, ismaéliens et chiites dans ces régions. La domination du parti Baas au pouvoir depuis 1970 (Hafez el-Assad puis son fils en 2000 – Bachar el-Assad). En dehors de l’aspect humanitaire regardons de près la situation géopolitique de la Syrie. Israël, Jordanie, Irak sont sous domination directe ou indirecte des USA.

La conquête de la Syrie par les unités US permettrait via des gazoducs et pipeline de faire arriver directement en Méditerranée les ressources en énergie au lieu de le faire transiter par les golfes Persique détroit et golfe d’Oman, océan Indien golfe d’Aden et mer Rouge, au risque d’être intercepter lors du passage des différents détroits,  bordés de pays instables.

Bien évidemment il ne s’agit pas d’amender un régime de répression totalitaire, mais observons bien ce qui s’est passé dans les différents pays maghrébins, ces révolutions au nom de l’humanitaire pour la délivrance d’un peuple sous un joug qui se traduit pour la population par plus de totalitarisme induit par l’établissement d’une religion obscurantiste, rétrogrades envers la femme.

MC

Il ne faut pas insulter l’avenir, surtout quand on dirige un pays. C’est sans doute la raison pour laquelle face aux massacres commis par le régime de Bachar al-Assad, François Hollande n’a pas exclu une intervention militaire en Syrie qu’il a assortie toutefois d’une condition bien improbable : l’approbation du Conseil de sécurité. La Russie et la Chine s’y opposent, notamment parce que l’an dernier, une résolution du Conseil avait autorisé une intervention militaire qui ne visait pas à changer le régime libyen mais dont les puissances occidentales avaient ensuite largement  » interprété  » les termes pour justifier leur assaut contre Kadhafi.

François Hollande n’a pas précisé quelle forme prendrait une intervention militaire. S’agit-il d’envoyer des troupes occidentales au sol ? À vue humaine, personne ne semble l’envisager, et notamment pas les pays qui se retirent d’Afghanistan. S’agit-il alors de bombarder par air des positions syriennes pour stopper la répression ? Certains le demandent comme Bernard-Henri Lévy, étonnamment persuadé qu’une intervention serait plus facile en Syrie qu’en Libye [1], notamment parce que Bachar al-Assad serait un être rationnel, contrairement à Kadhafi, et donc sensible au rapport de forces. L’expérience cruelle du Liban, où la Syrie joua sans cesse les pompiers-pyromanes pour justifier son occupation (1976-2005), laisse penser que les dirigeants de Damas sont avant tout cyniques. Et plus encore quand ils se sentent acculés. Si demain la mafia qui est au pouvoir à Damas était menacée par l’extérieur, en plus de l’intérieur, elle n’hésiterait sans doute pas à déclencher un incendie chez son voisin, voire au-delà.

À défaut d’intervenir directement, la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis armeront-ils les Syriens en révolte pour qu’au moins ceux-ci puissent mieux se défendre ? Si le régime de Damas poursuit ses tueries de masse, c’est une hypothèse probable. Bien sûr, les puissances occidentales peuvent laisser d’autres, des pays du Golfe notamment, s’en charger. Et ceux-ci le font déjà, semble-t-il, chacun choisissant ses clients dans une opposition syrienne inévitablement disparate. Comparaison n’est pas raison, mais il peut être utile de rappeler un précédent. Lorsque dans les années 1980, les États-Unis confièrent au Pakistan le soin de canaliser leur aide militaire aux résistants afghans en lutte contre l’occupation soviétique, Islamabad privilégia les factions qui lui étaient idéologiquement les plus proches d’elles. Elles sont aujourd’hui alliées aux talibans.

Yann Mens, rédacteur en chef, Alternatives Internationales n°55

(1) Les Matins de France Culture, 6 juin 2012

Source :

Espagne, Grèce, Portugal : l’austérité au quotidien

Alternatives Internationales n° 055 – juin 2012

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Autre vision

Comment sortir la Syrie de la guerre dans laquelle elle s’enfonce inexorablement ?

Nicolas Sarkozy se venge. Avec la droite, il veut faire , payer les critiques dont il fut l’objet lorsque son gouvernement et lui-même, en 2011, ont choisi de soutenir jusqu’au bout le dictateur tunisien Ben Ali et même son compère égyptien Moubarak, fourvoyant ainsi la France dans une consternante et très réactionnaire bévue, si caractéristique d’une politique peu regardante sur les principes et sur l’exigence démocratique pourvu qu’elle puisse assurer la continuité de certains intérêts économiques et stratégiques.

Faut-il le rappeler, Nicolas Sarkozy crut possible – à tort -d’effacer du débat politique son indigne soutien aux dictatures en poussant Washington, Londres et l’Otan dans une vaste opération militaire en Libye… au nom de la démocratie (et là aussi pour quelques intérêts). Les résultats ne furent pas probants. Et, surtout, cette guerre de Libye fut le facteur déclenchant d’une déstabilisation brutale du Mali et d’une mise en danger de l’ensemble de la région sahélo-saharienne, où la montée de l’islamisme politique radical, et notamment d’al-Qaida, ne fait qu’ajouter à la fragilité des pays concernés. On a vu comment l’État malien s’est littéralement effondré. Milon, Copé, Morano… mais aussi de Villepin et encore l’inénarrable BHL ne tarissent pas de blâmes ou de commentaires pour fustiger l’absence et l’impuissance diplomatique de la France dans le dossier syrien.

Mais cette impuissance est-elle seulement française?

Aucune des initiatives avancées par l’opposition syrienne, la Ligue arabe, le Conseil de sécurité et Kofi Annan et même la Russie n’a pu aboutir à quoi que ce soit. Kofi Annan, négociateur de grande expérience, a dû jeter l’éponge. On en est à plus de 20.000 morts. Des villes entières subissent des destructions majeures… À qui fera-t-on croire qu’une crise de cette dimension ne dure que par la faiblesse des diplomaties? Le soulèvement syrien a d’ailleurs commencé en mars 2011. Entre mars 201I et avril 2012, soit plus d’une année, la droite française et Nicolas Sarkozy se sont-ils distingués par une efficacité diplomatique particulière?

Ce qui se passe en Syrie est d’une telle gravité pour le peuple syrien et pour l’ensemble du Proche-Orient que cela appelle autre chose que ces joutes verbales de basse polémique.

Oui, hélas, il y a impuissance. Impuissance de la France, de l’Union européenne, du Conseil de sécurité… Cette impuissance, nul ne peut s’en accommoder. Mais elle a ses raisons.

Des raisons politiques immédiates. L’équilibre des forces est tel que nul ne peut aujourd’hui franchement l’emporter. Ni le pouvoir, en dépit des défections, ni l’opposition – militairement aidée par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie – ne sont parvenus à rassembler l’ensemble du peuple syrien. Dans cette escalade à la militarisation, il n’y a guère de place pour la négociation même si, au bout, il faudra bien une solution politique. Des voix progressistes importantes se font entendre dans l’opposition syrienne qui le rappellent, soulignant l’urgence d’en finir avec une guerre civile qui met des villes entières à feu et à sang et risque de diviser durablement la Syrie.

Des raisons géopolitiques expliquent aussi l’impasse actuelle. La crise n’est pas seulement syrienne. Elle est régionale et internationale. Elle traduit des affrontements stratégiques qui dépassent l’enjeu démocratique qui, au départ, a mobilisé avec force et courage tout une partie du peuple syrien contre la répression criminelle du régime de Bachar Al Assad.

Les Etats-Unis cherchent à briser l’alliance Iran, Syrie, Hezbollah. D’où le refus qu’ils ont opposé à Kofi Annan d’une négociation impliquant le régime de Téhéran, accusé de vouloir accéder à la maîtrise du nucléaire militaire. L’idée était pourtant intelligente: c’est bien, avec ses principaux ennemis qu’il faut négocier! La diplomatie est faite pour ça. Washington porte donc une responsabilité dans l’impasse. La Russie aussi qui ne veut ni perdre l’allié syrien actuel, ni devoir affronter dans l’avenir une montée de l’islamisine politiqué radical et du djihadisme dans ses zones d’influence, alors que ces courants sont très présents dans l’opposition au régime de Damas, et notamment au sein du Conseil national syrien (CNS).

Ainsi, à la crise syrienne se mêle la crise sur le nucléaire iranien, le problème de l’instrumentalisation de l’islamisme radical par Washington, Djedda et Doha… mais aussi la question de Palestine puisque le gouvernement israélien, qui renforce actuellement ses capacités militaires, ne cesse de menacer l’Iran d’une vaste offensive militaire. Ce qui permet aux dirigeants de Tel-Aviv d’écarter toute initiative éventuelle sur l’exigence de l’État palestinien et tout respect des résolutions de l’ONU. La crise syrienne révèle ainsi que tout est lié. Au Proche-Orient, toute crise est surdéterminée par des enjeux géopolitiques majeurs. Cela n’échappe d’ailleurs à personne. François Fillon, et d’autres avec lui ne vont pas (pas encore?) jusqu’à en appeler à une intervention militaire. Tout le monde est obligé de mesurer l’ampleur des risques. La Syrie n’est pas la Libye…

L’impuissance est donc générale. Elle révèle des politiques à bout de souffle dans un monde où explosent les aspirations à la démocratie, à la souveraineté, à la sécurité, au développement humain… Les modes de gestion traditionnels des relations internationales ne peuvent plus contribuer aux réponses nécessaires. Les problèmes du monde appellent d’autres conceptions politiques sur d’autres valeurs.

C’est ce qu’expriment les changements progressistes en Amérique latine, les soulèvements populaires dans le monde arabe, la montée des luttes en Europe et ailleurs. Les stratégies hégémoniques, les luttes d’influence, les politiques de puissance, jusqu’au clientélisme de domination… toutes ces logiques de force néo-impériales très actuelles, qui accompagnent des aises économiques profondes et un néolibéralisme socialement destructeur, sont dépassées.

Le peuple syrien paie très cher la cristallisation dans son pays de toutes ces contradictions. Et le prix à payer serait encore plus élevé si une intervention militaire était décidée, avec ou sans résolution de l’ONU: éclatement possible de la Syrie, guerre civile au Liban, déstabilisation de l’ensemble de la région…

On voit cependant revenir les idées d’une zone d’exclusion aérienne ou de couloirs humanitaires… Ce ne serait probablement que de premiers pas dans une confrontation militaire de grande ampleur.

Devant de tels enjeux et de tels dangers, il faut bannir la polémique, faire preuve de grande responsabilité et chercher avec ténacité tous les moyens politiques possibles pour faire prévaloir un processus politique négocié. Il est nécessaire que la France soit à l’initiative mais dans un tel contexte l’initiative doit être multilatérale. Une réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel – demandée par la France – est un choix positif. Dommage que malgré l’urgence il faille attendre fin août pour l’obtenir… ce qui en dit long sur l’hypocrisie ambiante et les cris d’indignation devant l’escalade de la violence.

Les autorités françaises doivent montrer leur volonté d’aider, l’ensemble de l’opposition à s’unir tout en favorisant les forces porteuses d’un projet réellement démocratique et unificateur pour la Syrie.

Enfin, il faudra tirer les enseignements essentiels de cette énième crise internationale majeure après l’Irak, l’Afghanistan, la Libye… Il n’est pas une de ces guerres qui ne se soit traduite par une déstabilisation régionale, qui n’ait démontré l’inanité des logiques de force et l’exigence d’une transformation profonde des relations internationales. C’est une question essentielle qui doit être mise dans le débat public parce qu’il y va de l’avenir du monde et du sens qu’on donne à la responsabilité en politique.

JACQUES FATH L’Humanité 20 aout 2012